Entretien avec André Grimaldi,
professeur émérite de diabétologie
Propos recueillis par Françoise Acker, Anne Perraut Soliveres et Jean Vignes
Pratiques : Votre combat a commencé en 1968 ?
André Grimaldi : En février 1968, je passe le dernier oral de l’internat des Hôpitaux de Paris, concours sélectif et soumis à un arbitraire absolu. C’est l’époque de la fin d’un mandarinat féodal. Juste avant mai 68, le grand patron de chirurgie de Cochin avait envoyé au piquet, dans un amphithéâtre d’étudiants, un chef de clinique, quelqu’un ayant plus de 30 ans. Et le chef de clinique y était allé ! Un interne pouvait se faire insulter au bloc. Ma première rébellion, c’est donc contre le mandarinat.
Une fois par mois, le service de neurologie à la Pitié Salpêtrière du professeur Raymond Garcin recevait des patients de toute la France, examinés et triés par les chefs de clinique. Les cas « intéressants » étaient présentés au patron. Devant une cinquantaine de neurologues, il examinait le patient en slip sur une estrade et dictait ses observations à un interne qui les notait sur un cahier. En mai 68, l’interne a refusé de tenir le cahier. Cela a été « la grève du cahier » ! Les temps ont bien changé.
Je me suis donc engagé dans le comité d’action des étudiants, comité studieux et structuré, à l’image des études de médecine, cela m’a amené à m’engager en politique et j’ai rejoint Alain Krivine, Henri Weber, Daniel Bensaïd, avec l’idée que mai 68 était une « répétition générale » et qu’on allait « changer le monde ».
Au bout de quelques années, je me suis rendu compte que c’était peu réaliste et j’ai pensé qu’il valait mieux essayer de changer le service de diabétologie. Et je me suis intéressé à l’éducation thérapeutique. Cela a été une révélation grâce à Jean Philippe Assal, lui-même diabétique insulinodépendant, professeur de diabétologie qui, en 1975, au centre hospitalier universitaire de Genève, crée une unité d’éducation et traitement. Il y développe en réalité une autre médecine, une médecine non pas centrée sur la maladie mais sur la personne. On dirait aujourd’hui de partenariat avec le patient. Il considère qu’il est compétent en diabétologie, mais ni en psychologie ni en pédagogie. Il fait donc venir une psychologue clinicienne et un spécialiste de pédagogie médicale. Ils se questionnent sur ce qu’est apprendre et ce qu’est apprendre sur soi quand on est malade. Ils forment tout le service, agents hospitaliers, aides-soignants, infirmières, internes… Il met des glaces sans tain pour observer la relation médecin-malade en consultation. Il note, par exemple, combien de fois le médecin a coupé la parole au malade. Il fait des films. On voit notamment une cadre expliquer aux patients ce qu’est un pied diabétique et comment le protéger. On voit les malades qui s’endorment et qui viennent à la fin remercier pour l’excellent cours… Et puis on voit une autre pédagogie active où les malades sont actifs, examinent des chaussures, trient les objets utiles ou dangereux…
Il organise pour les soignants des séminaires durant une semaine dans un petit village suisse et il a l’idée, pour développer ce que l’on n’appelle pas encore l’empathie, de faire vivre aux soignants ce que vivent les patients. Vous ne savez pas ce qu’est être aveugle, on va vous bander les yeux et vous allez aller acheter du pain au village, vous ne savez pas ce qu’est d’être amputé, alors vous allez circuler dans une chaise roulante… Tous ensemble, sans rapport hiérarchique médecins, infirmières… dans un cadre agréable, on est dans le brainstorming permanent, le vécu, l’expérimentation. On va discuter sur l’écoute, la reformulation empathique, l’acceptation de la maladie, le travail de deuil, la résilience, les techniques pédagogiques participatives… Quand on revient, on a envie de changer le service.
Mais les infirmières, qui ont participé à cette formation, vont toutes quitter le service, on n’arrive pas à changer, on reste dans le vieux modèle… Il y a une déception terrible. Un peu comme aujourd’hui, on a une idée de ce qu’on voudrait faire mais la réalité est trop discordante.
J’en tire les leçons et quand je deviens chef de service, j’ai la chance que l’on soit encore financé par une dotation globale, et grâce au directeur de l’AP-HP, Alain Cordier, on a un budget suffisant. On passe de soixante à trente-cinq lits, quatre infirmières deviennent infirmières cliniciennes (on dit aujourd’hui de » pratique avancée »), elles suivent les patients, leur téléphonent, les reçoivent en consultation. Là où elles ont le plus grand succès, c’est avec les malades graves, les plus complexes. Parce qu’elles peuvent les voir plus souvent, parce qu’on travaille en équipe, elles nous interpellent, on discute ensemble. C’est une médecine centrée sur la personne, on ne parle pas que du diabète et de la glycémie.
C’est de la clinique ?
Oui, mais pas au sens où on l’entend habituellement, l’observation du malade n’a jamais été l’observation de la personne malade, mais celle de sa maladie. L’histoire de vie du patient se limitait en trois lignes au paragraphe « mode de vie » : travaille ou chômeur, vit seul, fumeur…
Je disais aux externes : « Il faut prendre deux observations, celle de la maladie, et une autre qui est l’observation du malade. Pourquoi il est là, quels sont ses projets dans la vie, comment vit-il son hospitalisation, quelles sont ses priorités, quels ont été les évènements importants de sa vie etc. ».
Je n’y suis jamais vraiment arrivé car c’est difficile pour un étudiant de recueillir « l’identité narrative » du patient. Par exemple, dans l’observation médicale classique, on précise les circonstances de la découverte du diabète : soif, amaigrissement… mais on ne dit en général rien du vécu psychologique de l’annonce du diagnostic et des conséquences dans la vie du patient et de son entourage. Donc on a créé l’unité d’éducation thérapeutique et puis une unité de podologie diabétique. Des malades qui ont des plaies pour lesquelles il s’agit d’éviter l’amputation, ou la récidive de l’amputation. Quand j’étais agrégé, l’idée générale était : quand il y a une plaie du pied, il faut couper et d’emblée à la bonne hauteur. C’était de la « chirurgie transversale ». Alors on a fait venir des gens compétents, médecin podologue, chirurgiens orthopédiste et vasculaire, orthésistes, pédicures-podologues… L’hyperspécialisation thématique a posé un problème d’organisation du service pour maintenir une prise en charge globale des patients et assurer une formation généraliste des infirmières et des internes.
En quelle année ?
Tout ça se fait dans les années quatre-vingt-dix. J’avais un directeur à l’ancienne, il se vivait comme un grand serviteur de l’État, pas comme un manageur. Il répondait aux courriers. Quand on avait des conférences budgétaires, on discutait médecine. Par exemple, il me demandait : « Comment ça se fait que cette année, vous dépensez moins d’antibiotiques ? » On lui expliquait qu’avant, on travaillait avec les bactériologistes et on soignait les bactéries et que maintenant, on travaille avec les infectiologues, ça a complètement changé, etc. Je lui disais : j’ai quatre infirmières cliniciennes qui sont là pour suivre les patients, elles ne sont plus là pour faire des prises de sang ou des examens d’urines, elles ont une expertise pour suivre et éduquer des patients et il trouvait ça formidable. J’avais réduit les lits de soixante-cinq à trente-cinq, mais développé l’ambulatoire et gardé tout le personnel. Par ailleurs, quand sont arrivées les 35 heures avec des RTT pour les médecins, nous avons convenu que les médecins du service ne prendraient pas de RTT : « On fait ce qu’on a à faire et au-delà, mais on garde notre liberté. On est le dernier kibboutz de la Pitié Salpêtrière ». Entre nous, on fixait des règles, on décidait qui va en congrès et qui reste dans le service, comment on organise les vacances et comment on assure la permanence.
À la fin du siècle dernier s’était développé le concept de médecine industrielle, le médecin devenait un ingénieur, l’hôpital une entreprise, le directeur un manageur (Claude Le Pen : Du médecin artisan au médecin ingénieur, les nouveaux habits d’Hippocrate). Le chirurgien Guy Vallancien théorisait sa pratique ultra-spécialisée et devint « l’influenceur » des politiques… Les politiques vont suivre d’autant que cela entre en résonance avec le new public management. Le modèle unique devient celui de la chirurgie programmée standardisée.
Or il y a quatre médecines différentes. Les maladies aiguës bénignes, pour lesquelles la médecine libérale en solitaire a bien fonctionné. La médecine des maladies aiguës graves et des gestes techniques complexes où les grands centres hospitaliers ont prouvé leur performance. Que l’on pense à la logistique des greffes d’organes. Il y six mille greffes par an.
Il y a une troisième médecine, celle des maladies chroniques, 25 millions de personnes en France, 11,5 en affection longue durée, asthme, diabète, polyarthrite, insuffisance cardiaque… où c’est le malade qui est acteur de sa santé. C’est une médecine centrée sur la personne. Le problème numéro un pour le médecin, c’est le défaut d’observance : « Je lui dis, je lui explique, il est d’accord… et il ne fait pas ». Que fait en général le médecin consciencieux ? Il lui répète et, au besoin, cherche à lui faire peur pour le motiver : « Si vous continuez, vous finirez aveugle ou cul-de-jatte » et il empile les examens… » Ou bien certains, plus modernes, se contentent d’accompagner le patient : « C’est son choix ». Cela m’a donné beaucoup à réfléchir. On a pensé que l’éducation thérapeutique consistait à transformer le patient en son propre médecin. Si c’est ça, on a le modèle parfait, le médecin, diabétologue et qui est lui-même diabétique. Regardons comment il se soigne. Certains se soignent très bien, mais d’autres de manière stupéfiante. Et pourtant ils savent, et pourtant ils sont bons. Pourquoi ? L’individu n’est pas qu’un être rationnel, mais aussi un être d’émotions, de représentations, de relations et il y a une grande loi que l’on ne nous enseigne pas et que les philosophes connaissent, cette grande loi du vivant, analogue à la loi de l’homéostasie biologique, est celle de l’homéostasie émotionnelle. Quand les besoins primaires sont assurés, la faim, la soif, l’absence de douleur, le sentiment de sécurité, la priorité est de ne pas se déprimer, de ne pas être obsédé par la mort, de ne pas être paralysé par l’angoisse, quitte à prendre des risques majeurs pour sa santé plus tard. J’ai appris cela de Philippe Jeammet, qui s’est consacré à l’anorexie mentale. Il écrivait : « se détruire pour exister, un paradoxe très humain ». On entendait partout : « ces gens qui se soignent très mal, ils sont suicidaires »… Pas du tout, c’est l’inverse. C’est pour ne pas connaître la dépression ou l’angoisse paralysante qu’ils ont des comportements de santé destructeurs.
Quand arrive le new public management, qui est une gestion de type privé commercial visant à la rentabilité, il fallut tout mesurer, quantifier pour vendre sur un pseudo-marché, en concurrence avec les cliniques privées. C’est la logique de la T2A, paiement à l’acte, généralisée à toutes les activités de soins.
Quand en 2004 cela nous arrive, je réunis les collègues à Cochin pour lancer un appel « pour que la carte Visa ne remplace pas la carte Vitale ». Le concept d’hôpital-entreprise est introduit en France par ceux qui étaient censés défendre l’hôpital public, la Fédération hospitalière de France (FHF), dirigée par des politiques des deux bords, mais d’accord pour transformer l’hôpital en entreprise commerciale : Gérard Larcher, puis Claude Evin, et aujourd’hui Fréderic Valletoux. Ils disent : « Il faut gagner des parts de marché ». Et tout le langage change. On ne dit plus les patients, mais les clients. On ne dit plus être dévoué, mais travailler à flux tendu. On ne dit plus supprimer les gaspillages, on parle de gain de productivité…
Le langage doit changer pour adopter celui de l’entreprise. Le conseiller santé de Sarkozy me dit : « Il n’y a pas pour moi de différence entre gérer un hôpital et une entreprise aéronautique, les médecins sont des ingénieurs ». Ce que conteste un collègue chirurgien : « On nous compare aux pilotes d’avion, c’est faux, la meilleure preuve c’est que quand un pilote d’avion a un crash, en général, il n’en a qu’un, tandis que nous, nous avons forcément plusieurs crashs et nous devons être capables de ramener le malade à bon port ». Derrière cette contestation, il y a le constat de l’extrême variabilité de l’être humain qui interdit le pilotage automatique… Une partie de la recherche vise d’ailleurs à réduire cette variabilité. Avec les outils d’imagerie, on arrive à programmer le déroulé de l’intervention chirurgicale et à guider le robot, avec la pharmacogénétique, on peut mieux adapter le traitement à chaque cas individuel etc. Et tendre vers une médecine de précision qu’on appelle de façon abusive la médecine personnalisée. Toute l’histoire du progrès bio-technico-médical vise à une médecine de plus en plus précise, mais l’être humain ne sera jamais réductible à une somme de données génétiques, épigénétiques, biologiques, cliniques auxquelles viendront s’ajouter celles apportées par les objets connectés. L’être humain est l’unité d’une dualité, c’est un être rationnel qui tend à l’universel et un être émotionnel unique au monde. Il nous faut une double formation quand on s’occupe d’une maladie chronique, on est loin de la standardisation que suppose la tarification à l’activité. La T2A, pour les pratiques standardisées, a un sens, on ne fera pas mieux comme mode de financement pour la chirurgie ambulatoire.
Mais pour le diabète, il faut tenir compte de l’âge, de l’évolutivité de la maladie, des comorbidités, des représentations, des modes de vies, de la culture, de l’environnement… Ce n’est pas standardisable. De plus, dans les maladies chroniques, par définition, le traitement est en échec et il change en fonction de progrès cumulatifs. Si les tarifs sont figés, vous bloquez le progrès. Pas de tarif, pas d’activité. Comment explique-t-on le retard de la France en télémédecine ? À Grenoble, la directrice reprochait aux deux diabétologues pédiatres de passer du temps sur Internet ou au téléphone avec les parents pour adapter le traitement des enfants. « Ça ne va pas, vous perdez du temps alors que l’on n’est pas financé ». Dans la logique de la T2A, l’éducation thérapeutique ça consiste à scier la branche sur laquelle on est assis. C’est comme si le boulanger perdait du temps à apprendre à ses clients à faire leur baguette. Il faut que les clients reviennent. On est dans une logique marchande absurde. Cela m’a amené à lancer, avec le psychiatre Bernard Granger, le mouvement contre la Loi HPST qui installait la gouvernance d’entreprise à l‘hôpital.
Voilà comment j’ai été amené à m’intéresser à la santé publique et à la politique de santé. Sur le financement de l’hôpital, on ne peut pas être contre le principe d’un vote de l’ONDAM (objectif national de dépenses d’assurance maladie) par la représentation nationale. On peut dépenser plus pour la santé, mais en santé le gaspillage, l’inutile ni la rente ne sont pas acceptables ni sur le plan économique ni sur le plan éthique. Lors de la première vague de pandémie, on n’a pas respecté l‘ONDAM, mais personne ne va le reprocher. Il n’y avait pas d’actes et de prescriptions inutiles, on a fait ce qu’on pouvait avec ce qu’on avait.
Donc, dans les premières années, l’ONDAM est un objectif, il ne devient un budget contraint indépassable qu’en 2010, grâce à deux moyens proposés par Raoul Briet, de la Cour des comptes, et appliqués par les gouvernements de tous bords. On met en réserve dite « prudentielle » 400 millions d’euros en début d’exercice (qu’on ne rend pas à l’hôpital en fin d’exercice) et on applique une équation volume/prix : quand l’activité augmente, les tarifs baissent. Sur dix ans, les tarifs ont baissé de 7 %. Et comme c’est très difficile de réguler la médecine de ville (en 1997 Juppé avait provoqué un tollé médical en voulant réguler la médecine de ville), c’est l’hôpital qui va payer pour la ville. La médecine de ville dépasse son budget de 600 millions et c’est l’hôpital qui paie. Pour se maintenir à l’équilibre, l’hôpital doit augmenter l’activité d’au moins 2 % chaque année, sans augmenter les coûts de personnel. Donc en dix ans, on a augmenté de 15 % l’activité, on a « optimisé » le codage, pour augmenter la facture à la Sécu. On dédie des personnels au codage (à la facturation), on engage des boîtes privées qui partagent le surplus, tout le monde s’organise pour couler la Sécu. Et la Sécu organise des contrôles. Marchandisation et bureaucratisation, sont deux facettes de la même médaille.
Cette histoire folle finit par dérailler en 2017 où, pour la première fois, l’activité des hôpitaux stagne. Cela n’empêche pas Marisol Touraine de baisser encore de 1 % les tarifs hospitaliers.
À son arrivée au ministère, Agnès Buzyn nous confie : « Je suis d’accord avec vous, l’hôpital-entreprise, c’est une absurdité, il faut sortir de ça, si j’étais encore à l’hôpital je signerais votre texte. » Mais en 2018, Bercy et Édouard Philippe prennent la main et baissent encore les tarifs de 0,5 %. Nous organisons les protestations et Agnès Buzyn nous fait savoir que c’est inutile, ça ne changera pas.
2019, c’est l’effondrement. Pour la première fois, les réanimations pédiatriques sont débordées en Île-de-France lors de l’épidémie de bronchiolite, prévisible et pas plus grave cette année-là. Plus de trente nourrissons sont transférés en ambulance SMUR à plus de 200 km avec un de leur parent. Donc c’est le cœur du cœur de l’hôpital qui est touché. Il n’y a pas d’alternative en ville. Si vous êtes un dirigeant politique et qu’on n’arrive pas à faire face à une épidémie de bronchiolite attendue, programmée, vous devriez vous demander ce qui se passera si jamais il nous arrive une épidémie non prévue. Or, aucune leçon n’est tirée de cette histoire des bronchiolites à l’automne 2019. On organise en janvier 2020 la démission de mille chefs de service et responsables d’unités de leur responsabilité administrative. Du jamais vu ! Le gouvernement fait le gros dos. Et arrive la pandémie de Covid-19 que va devoir affronter l’hôpital mis à mal par cette politique de l’hôpital-entreprise sous contrainte budgétaire.
La première vague va paradoxalement créer un espoir. Tout d’un coup, on ne parle plus de l’hôpital-entreprise, de la T2A, de l’ONDAM contraint, plus de concurrence… Les soignants sont solidaires entre eux pour soigner les malades et les gestionnaires se mettent au service des soignants. On n’est plus dans la recherche de la rentabilité dans le modèle de la clinique commerciale, il n’y a plus de dépassements d’honoraires, il n’y a pas de gaspillage, on manque de tout. Le privé est en partie réquisitionné et se met à fonctionner comme l’hôpital. On a sous les yeux un service public. Mais, étonnamment, les décideurs ne vont tirer aucune leçon. Le jour d’après sera comme le jour d’avant. En pire.
Dans la réforme issue du Ségur, il est prévu d’augmenter l’activité libérale, avec dépassements d’honoraires, à l’hôpital public et de remettre en cause le plein-temps hospitalier. Il s’agit d’en finir avec l’esprit de la réforme de 1958 de Robert Debré. Ensuite, ils s’attaqueront à la Sécurité sociale en raison de « son trou abyssal ».
J’ai le sentiment d’avoir mené un long combat, depuis 2004, d’avoir alerté, et alerté encore en publiant plusieurs livres dont le dernier – Manifeste pour la santé 2022 aux Éditions Odile Jacob —. Nous avons proposé des réformes alternatives pour construire un système de santé intégré appliquant le juste soin pour le malade au moindre coût pour la collectivité. Mais pour le moment, malgré « l’aide » du virus, nous devons reconnaître notre échec… Nous avons perdu une bataille. Mais nous n’avons pas perdu la guerre. Il y aura d’autres crises, plus graves encore, qui obligeront à placer la santé hors des lois du marché. Historiquement c’est lors des crises que le système de santé a fait des bonds en avant.
« Il faudra nous réinventer, moi le premier » avait déclaré dans un éclair de lucidité le président Macron. La promesse s’est retirée avec la vague. Notre devoir est de préparer l’avenir avec le Collectif interhôpitaux regroupant médecins, paramédicaux et usagers.