Je voulais m’installer en rural. Mieux, je voulais m’installer dans l’hyper-rural. L’isolement des centres hospitaliers et des spécialistes, loin de m’effrayer, me paraît la meilleure garantie de pouvoir continuer à faire de la médecine vraiment générale. Urgences, gynécologie, pédiatrie, petite chirurgie contribuent à faire le sel de mon exercice au quotidien. Pourtant, la solitude m’a rapidement pesé. Il y a bien quelques confrères autour de moi, mais nos façons d’exercer sont très différentes, sans même parler de la manière d’aborder les patients. Nos relations sont cordiales, mais, à vrai dire, en dehors des politesses d’usage et des arrangements pour les gardes, nous n’avons pas grand-chose à partager.
Avec qui échanger sur mes émotions, sur ce qui coince, sur mes difficultés techniques ou relationnelles ? Un groupe de pairs ou un groupe Balint ? Je n’en connais pas à 50 km à la ronde.
Un peu par hasard, j’ai découvert les blogs médicaux. L’internet m’a alors offert la possibilité de voir que d’autres vivaient ce que je vivais moi aussi, que nous avions les mêmes difficultés, les mêmes questionnements ou, parfois, des approches différentes qui pouvaient se compléter. Et qui pouvaient s’enrichir par le biais des commentaires.
Et, du coup, je me suis mis à rédiger mon propre blog. Puisque j’ai des choses à dire, je vais les dire ! Et tant mieux s’il y en a que ça intéresse.
Un jour, une amie blogueuse m’a dit « Viens donc sur Twitter ! Tu verras, c’est sympa, il y a plein de copains avec qui discuter en direct. » Et c’était vrai. Prudemment, je suis parti à la découverte de cette Terra incognita. Là où les blogs laissent le temps et l’espace aux longues réflexions, Twitter permet des échanges beaucoup plus immédiats, beaucoup plus réactifs. Une difficulté ? Une question technique ? Un coup de gueule ou un sourire à partager ? Il y a toujours quelqu’un pour réagir, répondre, expliquer. Ou pour relayer une information pertinente, un article en anglais intéressant.
Sans Twitter et nos blogs, nous n’aurions pas pu réaliser l’opération #PrivésDeDéserts qui a fait parler d’elle à la rentrée. Déjà parce que, sans ces moyens, nous n’aurions jamais pu avoir l’écho médiatique qu’ont eu nos propositions.
Mais surtout parce que c’est sur la toile que nous nous sommes connus, que nous avons pu nous rendre compte des idées et des projets que nous partagions pour la médecine générale.
C’est via les listes de diffusion et les sondages Doodle que nous avons pu élaborer ensemble la plateforme « Médecine générale 2.0 ». Riche de nos origines diverses, de nos modes et lieux d’exercice variés, de nos différences d’âges, le débat s’est fait dans une ambiance très positive et fraternelle, sans aucun enjeu de pouvoir, sans quête de leadership, sans blocages sur des idées.
Ces nouveaux médias sont une incroyable richesse. Ils permettent aux praticiens géographiquement isolés de ne plus se morfondre dans leur solitude. De ne plus dépendre non plus, en grande partie, des éléments relayés par les seuls médias et organismes marqués par leurs intérêts, commerciaux ou corporatistes, propres.
Combien de fois, ai-je pu lire sur un blog une analyse argumentée, des informations pertinentes, des données scientifiques solides que je ne voyais nulle part ailleurs ? C’est désormais autant sur le web que dans les rares revues indépendantes que je vais abreuver ma soif de connaissances et de découvertes. C’est mon clavier qui me permet de partager avec d’autres confrères et, mieux, de me confronter à d’autres soignants ou à des citoyens-patients.
Sans les blogs et sans Twitter, je ne sais pas où j’en serais : ils sont devenus essentiels à mon équilibre personnel et professionnel.
Mon groupe de pairs, c’est Twitter.
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