Secret médical pour les mineurs

Le secret médical est difficile à appliquer chez les mineurs… Pourtant cela leur permet un meilleur accès aux soins !

Cécile Roche Dominguez,
interne en médecine générale 2e année à Paris 7

Une jeune fille vient consulter aux urgences avec son père pour des douleurs pelviennes. Lorsque je la vois seule, elle me confie qu’elle a eu un rapport sexuel à risque, mais elle souhaite que je garde le secret...
Les personnes mineures ont le droit au secret médical d’après le Code de santé publique qui a été renforcé par la loi du 4 mars 2002 relative aux Droits des malades. Des études ont mis en évidence que la garantie du respect du secret médical clairement formulée par le médecin augmente le recours des adolescents aux soins primaires [1].

Avons-nous les moyens en tant que médecin de garantir ce droit au secret ?
De cette réflexion est née ma thèse de médecine [2], autour de l’interrogation sur l’application de ce droit par les médecins. Une première série d’entretiens a été réalisée avec des médecins pédiatres, généralistes, du planning familial et scolaires.
Les parents n’acceptent pas toujours que leur enfant soit vu seul en consultation. Pensent-ils, comme ils sont responsables de leur enfant, qu’ils doivent tout contrôler ? Cela peut aller jusqu’aux insultes, aux menaces, au procès... Ainsi un médecin a dû expliquer à une mère que la loi permettait à sa fille d’avoir une IVG sans son accord, sans lui dire qu’elle avait fait une IVG. Si les parents se braquent, le risque est que leurs enfants ne viennent plus consulter, qu’on les perde de vue...
Le médecin généraliste est souvent aussi le médecin des parents. Il peut se laisser aller à donner des informations aux parents qui viennent consulter et dire : « D’ailleurs j’ai vu votre fils hier... ».
Dans les institutions se pose le problème du secret partagé. Un médecin s’est souvenu d’un jeune mineur placé dans un foyer qui avait l’hépatite B. Il acceptait uniquement que le médecin et l’infirmière soient au courant pour la prise du traitement. Mais le directeur et les éducateurs ont été mis au courant. Le jeune homme pensait que le secret était gardé jusqu’au jour où suite à un accident, il a compris que ce n’était pas le cas. Il a fugué et a rompu son traitement.
Les enfants chez qui l’on suspecte une maltraitance ne souhaitent pas toujours que le médecin rompe le secret. La seule solution est alors parfois le signalement, et le placement en urgence.

Comment informer les mineurs de leurs droits ?
Une fiche d’information sur le secret médical a été réalisée et est testée au cours de ce travail [3]. Elle présente l’extrait de la loi du Code de santé publique (Article L1111-5) et est destinée aux mineurs. Est-ce un support intéressant pour garantir le respect du secret médical chez les patients mineurs ?
Il reste le problème du remboursement des soins. Comment faire pour donner aux mineurs l’accès à des examens complémentaires et des traitements sans que les parents ne reçoivent le détail des remboursements par la CPAM ? Faudrait-il un « pass mineur » pour consulter gratuitement ? Le médecin pourrait être payé directement par la Sécurité sociale ou la région. Ceci permettrait un accès aux soins libre pour les mineurs.
Une chose est sûre : même si nous sommes parfois confrontés à de réelles difficultés, garantir aux mineurs le respect de leurs droits est aussi prioritaire que leur apporter des soins consciencieux.


Bibliographie 
Berlan ED, Bravender T., Confidentiality, consent, and caring for the adolescent patient, Curr. Opin. Pediatr. 2009 août ;21(4):450—6.
Le mineur et sa santé : la consécration d’un véritable droit au secret médical — Formationsantédroit, Internet [cité2011nov18] : http://formationsantedroit.over-blog.com/article-le-mineur-et-sa- sante-la-consecration-d-un-veritable-droit-au-secret-medical- 57444121.html


par Cécile Roche Dominguez, Pratiques N°57, mai 2012


[1Peyrebrune C, Génot-Pok I., Medical confidentiality for minors, Rev Prat. 2009 déc 20 ;59(10):1345—9.

[2Thèse de médecine générale menée sous la direction du Dr Katell Mignotte, chargée d’enseignement et de recherche à Paris 7 et en thèse d’Éthique Médicale à L’Université Paris 5.

[3Une deuxième série d’entretiens libres quatre à cinq mois plus tard sera organisée pour savoir si la fiche a amélioré l’application de ce droit.


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