Marie Kayser
médecin généraliste
L’auteure déclare n’avoir aucun lien avec les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé.
Promis, après l’avant-dernier scandale sanitaire, celui du Médiator®, les choses allaient changer.
Une loi « relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé » a été votée fin 2011. Qu’en est-il ?
Cette loi laisse perdurer la visite médicale des firmes auprès des médecins exerçant en dehors de l’hôpital.
Elle réglemente la visite médicale à l’hôpital à titre expérimental et pour une période de deux ans maximum. Celle-ci ne pourra avoir lieu « que devant plusieurs professionnels de santé » dans des conditions précises. C’est une demi-mesure qui, même si elle est appliquée, n’empêchera pas les médecins de subir l’influence des firmes par « capillarité de couloir » [1]. Un bilan devait en être fait fin 2012 ? Qu’en est-il ?
Enfin et surtout doit paraître un décret d’application dit « Sunshine Act » dont le but était de faire la transparence sur les avantages offerts par les firmes « aux acteurs de santé ».
Ce décret n’est pas sorti sous le précédent gouvernement et a été rediscuté à l’automne 2012. Les firmes, avec l’assentiment du ministère de la Santé, ont eu une influence telle sur la nouvelle version que la revue Prescrire et le Formindep ont quitté les séances de discussion pour protester contre l’opacité organisée par ce nouveau projet de décret [2] :
— Les contrats liant les médecins aux firmes (interventions dans les colloques et congrès, activités de « consultants »), sont exonérés de l’obligation de déclaration. Les sommes en jeu sont pourtant importantes, supérieures à leur salaire pour certains leaders d’opinion.
— Un jeu complexe de seuils et de tranches de déclarations permet au soignant de ne pas avoir à déclarer jusqu’à 998 euros de cadeaux reçus annuellement de chaque firme. Il est pourtant prouvé que même les « petits » cadeaux influencent inconsciemment les soignants.
— Les publications seront dispersées sur les sites Internet des différentes firmes, ou sur des registres papier dont les modalités de consultation ne sont pas prévues. En revanche, le décret impose que les déclarations publiées en ligne soient désindexées des moteurs de recherche, afin de limiter encore l’accès des citoyens à cette information.
Un nouveau scandale sanitaire vient d’éclater : celui des complications thromboemboliques veineuses des pilules contraceptives de 3e et 4e générations.
Elles représentent plus de la moitié des prescriptions de pilules estroprogestatives. Pourtant, depuis 1990, la revue Prescrire alerte sur le surcroît de risque qu’elles font courir pour une efficacité équivalente à celle des pilules de 2e génération. Quant aux autorités sanitaires, elles ont pris leur temps : l’AFSSAPS a adressé en 2001 un courrier aux soignants sur l’augmentation du risque et la Haute Autorité de Santé a d’abord « conseillé » en 2007, puis « recommandé » en novembre 2012, de ne les prescrire qu’en deuxième intention.
Ce scandale montre à nouveau que l’influence des lobbies pharmaceutiques sur les prescripteurs fait courir un véritable risque sanitaire aux patients.
Un autre scandale est en train d’émerger : celui de la prescription massive des statines, médicaments faisant baisser le taux de cholestérol, en prévention primaire des accidents cardiovasculaires. [3]
Il est grand temps que soient rendues visibles aux yeux de toutes les influences que subissent les professionnels de santé.
Le gouvernement doit joindre les actes aux déclarations : le décret « Sunshine Act » doit exiger la déclaration au premier euro des avantages et rémunérations offerts par les firmes aux soignants, celle-ci doit être consultable bénéficiaire par bénéficiaire sur un site Internet unique publiquement accessible.
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