Pas de deuxième chance

Ce récit d’une étudiante souhaitant être médecin et empêchée de redoubler sa première année semble incroyable et pourtant… c’est la réalité (Cf. l’article sur la « Première Année Commune aux Études de Santé », p. 18).

Camille Point
Future étudiante en maïeutique

On entend partout que l’on manque de professionnels de santé, que la relève ne sera peut-être pas assurée, et en effet les nouvelles réformes ne nous y aident pas. Depuis toute jeune, je veux soigner, j’aime m’occuper des autres, je souhaite les aider à aller mieux. Alors évidemment, mon avenir je le voyais dans le milieu médical : médecin généraliste ou pédiatre ou même sage-femme, je ne savais pas encore très bien et je m’étais dit que je choisirais plus tard ; tout d’abord, il fallait passer la première année : cette première année ouvrant les portes des différentes professions médicales et réputée très dure par la sélection du concours.
Alors, après avoir obtenu mon baccalauréat scientifique, je m’inscris à la fac, à l’UFR (Unité de Formation et de recherche) de médecine Paris Diderot. L’ambiance en amphithéâtre me paraît meilleure que ce qu’on m’en avait dit (pas de bizutage, de vol de cours…), mais au fur et à mesure des semaines, je me rends compte que la réputation de difficulté est encore en dessous de la réalité : toutes ces choses à apprendre avec une grande partie qui ne servira qu’à faire un tri parmi les étudiants. On finit par se dire : « Ce n’est pas grave, j’emmagasine le plus de choses possible et l’année prochaine, quand je redoublerai, je serai prête ». On travaille beaucoup, jusqu’à en perdre l’intérêt qu’on portait à la médecine : il faut connaître le cours par cœur ; s’y intéresser, c’est secondaire.
Cependant, on était bien loin du compte ; eh oui, en janvier, un petit mot est accroché sur le panneau d’affichage : « Les étudiants de PACES (Première Année Commune aux Études de Santé) classés à l’issue du concours, au-delà du 1 105e rang (nous étions 2 200 dans ma fac) se verront réorientés. » Là, il fallait comprendre que non seulement c’était très dur de passer en deuxième année, mais qu’à partir de cet instant, il allait falloir se battre pour pouvoir avoir une deuxième chance. J’ai beaucoup travaillé mes partiels, mais tout de même pas suffisamment puisque j’ai été classée 1 200 et 1 400. Aujourd’hui, la fac de médecine m’a fermé ses portes. Pour redoubler ma première année, il faudrait d’abord que je valide 60 ECTS « crédits d’enseignement » que j’obtiendrais en réussissant une année dans un autre type d’établissement conduisant au grade de licence (fac de biologie, d’économie…), puis me réinscrire à l’UFR de médecine en PACES avec le droit à une année seulement. Sinon, je pourrais choisir une formation paramédicale, mais ce choix est limité puisque la nouvelle législation a regroupé aussi dans la PACES les filières pharmacie, odontologie, maïeutique.
Je refuse de renoncer à être soignante, alors pour ne pas perdre un an dans un autre établissement avant de retenter la première année de médecine, j’ai décidé de partir en Belgique où je vais, si mon dossier est accepté, faire des études de sage-femme.


par Camille Point, Pratiques N°55, octobre 2011

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