Mordre à l’hameçon

Marie Kayser
Médecin généraliste retraitée

        1. Avril 1984 : La psychotropine, (Panaceum®), boîte de 1 comprimé de 5 mg, est à l’honneur du « rayon des nouveautés » de la revue Prescrire avec la mention « Bravo ».

Extrait d’une plante du Haut Tibet : le panaceum miraculosis Linn, traditionnellement utilisé comme hypnotique, son indication est le « Traitement des affections psychologiques et psychiatriques résistant aux thérapeutiques habituelles ». L’article précise que « par prudence, un essai en triple aveugle a été réalisé en collaboration avec les psychiatres belges et suisses » et que « tous les résultats sont concordants, une seule prise de 5 mg assure la guérison de la majorité des malades ».

L’annonce de la sortie de ce médicament miraculeux a été suivie de prescriptions et dans l’éditorial du numéro suivant, Gilles Bardelay relate que Prescrire a reçu de nombreux appels téléphoniques à propos du Panaceum® : « des médecins généralistes, des pharmaciens (qui avaient eux-mêmes reçu plusieurs appels), des professeurs de thérapeutique, des centres antipoison, des journaux médicaux, des laboratoires, etc., nous contactent pour complément d’information ». Il tire la sonnette d’alarme : « Nous lisons trop vite, trop superficiellement et sans réfléchir… À quoi peut servir une revue comme Prescrire si ses lecteurs continuent à croire le moindre "bobard" ».

C’était pourtant la deuxième année de « poisson » dans Prescrire : en avril 1983 l’« envoyé spécial » de Prescrire au Troisième symposium de la Fédération Internationale de Gérontopathologie Expérimentale à Kwajulumpur avait dévoilé l’intérêt majeur du protryptophane dans la sénilité aiguë…

Depuis, les poissons reviennent chaque mois d’avril, encore plus gros, probablement parce que quelques prescripteurs de Panaceum® n’ont pas trouvé bon ce poisson et ont annoncé qu’ils se désabonnaient !

Cette année, c’est la firme qui produit le tripoliponumab (DreamTrueTrue®), indiqué dans le « déficit chronique en rêves diurnes persistants » qui demande le retrait de son médicament dangereux et propose d’indemniser les victimes.

On peut rêver, mais mieux vaut être vigilant…


par Marie Kayser, Pratiques N°82, juillet 2018

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