Entretien de Barbara Stiegler
Philosophe
Pour que les soignants puissent s’emparer des enjeux qui se profilent après le constat sans appel des dégâts commis par la gestion néolibérale de nos institutions, il faut qu’ils sortent de l’apolitisme qui les paralyse pour penser avec d’autres une véritable démocratie.
Pratiques : Comment vous êtes-vous intéressée à la question du soin ? Est-ce la cause ou la conséquence de votre travail sur le néolibéralisme ?
Barbara Stiegler : Mon intérêt pour la question du soin et de la santé est bien antérieur à mes recherches sur le néolibéralisme. Il remonte à mes premiers travaux sur Nietzsche, à la croisée de la philosophie morale et politique, de la biologie et de la médecine. C’est ce travail qui a contribué à mon arrivée à l’Université de Bordeaux Montaigne, en 2006, où le Département de philosophie venait tout juste de créer un master ouvert aux professionnels de santé sur le soin, l’éthique et la médecine. Je dirige ce master, rebaptisé « Soin, éthique et santé », depuis maintenant une dizaine d’années et il nourrit en profondeur mes travaux de recherche. C’est en écoutant la souffrance des soignants, en l’analysant avec eux, que j’ai commencé à mesurer la nature exacte de ce que nous appelions le « néolibéralisme » et la manière dont il transformait nos institutions publiques. C’est grâce à eux que j’ai compris à quel point les réformes qui détruisaient l’hôpital étaient aussi en train de détruire nos métiers d’éducation et de recherche. Et c’est avec eux que j’ai découvert que nous commettions un contresens systématique : le nouveau gouvernement néolibéral du travail, de l’éducation et de la santé, loin d’abandonner les institutions publiques, les transforment en réalité en permanence, produisant sur les agents un véritable harcèlement institutionnel. Nos revendications politiques, réclamant le retour de l’État et critiquant la privatisation, me paraissaient du même coup à côté de la cible. Le véritable clivage n’était pas en réalité entre le retour de l’État ou son retrait, mais entre un État détruisant méthodiquement nos métiers de soin, d’éducation et de recherche en en changeant de part en part la signification et un État qui, au contraire, en respecterait le sens et contribuerait à les soutenir.
Qu’entendez-vous par éthique, comment l’articulez-vous au politique ?
L’éthique commence quand les valeurs sont en conflit, et quand la pluralité des points de vue déclenche une crise et un processus de questionnement. Or, dans ce domaine, deux erreurs tenaces sont véhiculées par le discours dominant. La première erreur consiste à confondre l’éthique et la déontologie. Loin de favoriser le questionnement, qui est pourtant sa vocation première, l’éthique institutionnelle se mue alors en un ensemble de procédures, de normes et de recommandations sur les bonnes pratiques qui s’arment du pouvoir des institutions pour s’imposer aux agents. Elle devient même, dans le contexte actuel du sous-financement, de la pénurie et des réformes, un instrument invasif de contrôle et d’injonctions contradictoires qui redouble la souffrance au travail des soignants en les culpabilisant. La seconde erreur consiste à séparer l’éthique de son contexte social, économique et politique, et à la faire reposer tout entière sur la bonne volonté des individus. Toutes les normes éthiques dominantes rejouent sans cesse cette partition.
Quand on parle de « l’autonomie » du patient par exemple, on entend par là le respect de ses préférences individuelles, qui lui-même devrait être assuré par la personne qui le soigne. Or, l’autonomie véritable, comme synonyme de la liberté, suppose un contexte social et politique qui la rende possible. La liberté n’est jamais celle d’un individu isolé ou atomique, avec ses préférences à lui, pas plus qu’elle ne se joue dans la relation entre deux personnes. Elle est d’abord une réalité sociale et collective, ce que tend à masquer la célébration du « colloque singulier » ou de « l’alliance thérapeutique » fondés, comme l’a très bien remarqué Michel Foucault dans la Naissance de la clinique, sur la symbolique romantique du couple. Or, dans un environnement économique et social marqué par la pénurie et la compétition, aucun soignant ne peut véritablement contribuer à l’autonomie de décision des patients, pas plus qu’il ne peut lui-même exercer son métier de manière autonome. L’autonomie devient le plus souvent, dans ce contexte, la capacité à s’adapter à un monde mouvant, incertain et dans lequel les individus doivent capitaliser des compétences et faire la preuve de leurs performances. Derrière cette réinterprétation, typiquement néolibérale, de l’autonomie, on est en réalité en plein régime d’« hétéronomie » au sens de Kant. On est dans un monde où l’environnement économique, marqué par la compétition pour des ressources rares, impose ses conditions aux sujets, qui doivent s’y soumettre sans résister. La norme (-nomos) ne vient nullement ici de soi-même (autos-). Elle est dictée par une certaine vision économique et politique qui échappe aux personnes elles-mêmes et qui n’est soumise à aucune validation démocratique. Parce que je ne crois pas à cette éthique des personnes, et parce qu’elle vise le plus souvent à masquer ces réalités collectives, mon travail dans le master « Soin, éthique et santé » consiste à relier l’éthique à son contexte économique et politique. C’est pour cette raison que je propose par exemple de penser ensemble l’autonomie, l’éducation thérapeutique des patients et la démocratie sanitaire, trois notions qui sont le plus souvent séparées les unes des autres par l’éthique institutionnelle. Si la démocratie sanitaire consacre le principe de l’autonomie des patients (en oubliant le plus souvent celle des soignants), l’éducation thérapeutique est le plus souvent mise au service de l’observance des patients face à leur traitement et vise, en ce sens, leur obéissance. Mais en reprenant le sens éthique et philosophique de l’éducation, depuis les Grecs jusqu’aux Lumières, on peut donner à ce dispositif une tout autre ampleur en le reliant à une véritable démocratie sanitaire, où les patients, les soignants et les citoyens s’empareraient ensemble des enjeux de santé pour en faire l’objet d’une délibération publique et politique. Souhaitons que la crise déclenchée par la pandémie contribue à un tel tournant, que nous commençons à peine à entrevoir.
Comment le public de votre master « Soin, éthique et santé » reçoit-il votre discours sur le néolibéralisme ? Est-ce que cela permet de libérer leur parole ? Est-ce que c’est libérateur d’expliciter ces dynamiques-là ? Pensez-vous que cela peut faire changer leur regard sur l’accompagnement des équipes et l’organisation du travail ?
Je crois en effet que c’est pour eux libérateur. En découvrant que l’histoire du néolibéralisme remonte aux années 1930, et qu’elle s’inscrit dans celle, beaucoup plus longue, des libéralismes qui émergent dès la fin du XVIIe siècle, puis de la biopolitique qui s’impose au XVIIIe siècle et des technologies disciplinaires qui se développent au XIXe siècle, si bien analysées à nouveau par Michel Foucault, les soignants découvrent ensemble les racines de ce qui les fait souffrir au travail, parfois depuis de longues années. Ils réalisent également à quel point ils sont eux-mêmes imprégnés de cette manière de gouverner les corps et la santé. Le premier effet libérateur vient de ce qu’ils découvrent qu’ils ne sont en réalité pas tout seuls, et que des intellectuels réfléchissent depuis des années aux transformations qui affectent le monde de la santé, comme celui de l’éducation, de la recherche et plus généralement du travail.
En conduisant ces analyses dans le cadre d’un séminaire où chacun participe et contribue à la recherche, ils se découvrent aussi des collègues solidaires, avec lesquels il devient possible de partager un effort commun de pensée et de questionnement critique entièrement libéré des normes imposées par les institutions. Dans le cadre de ce master, il y a aussi des normes, mais les seules normes que nous nous imposons sont celles des disciplines que nous mobilisons : la philosophie, les sciences de la vie et de la santé, le droit et les sciences humaines et sociales. Ici, il ne s’agit donc plus de se soumettre à un quelconque diktat venu de la hiérarchie. Il s’agit tout au contraire de respecter des règles de pensée qui assurent la rigueur du cheminement intellectuel et l’autonomie de la réflexion critique. À côté de cet effet libérateur, le travail que nous accomplissons est aussi pour les soignants une épreuve. En les faisant entrer dans cette nouvelle communauté intellectuelle, il tend à les isoler plus encore des pratiques institutionnelles courantes, ce qui peut contribuer à la fois à les fragiliser, tout en leur donnant en même temps plus de force et d’autorité. C’est l’une des grandes difficultés éthique et pédagogique auxquelles je me confronte dans cette formation. Jusqu’où accompagner les soignants dans le questionnement et la résistance critique, sans pour autant les mettre en danger ? Je retrouve là une dimension essentielle de la démarche philosophique, qui à la fois fragilise et renforce celui qui la conduit. De là, la nécessité de ne jamais faire de la philosophie tout seul, mais de toujours s’armer d’un collectif de pensée qui nous accompagne et nous protège en partie des effets destructeurs du questionnement. Les Grecs, qui ont inventé la philosophie, nous indiquent ici la voie : c’est ensemble qu’ils pratiquaient la philosophie et c’est aussi ensemble qu’ils allaient affronter le spectacle de la tragédie.
Comment verriez-vous la mise en œuvre d’une démocratie sanitaire et comment la définiriez-vous ?
Ce que les institutions appellent « la démocratie sanitaire » est l’héritage d’un autre virus, largement aussi redoutable que celui qui vient de déstabiliser notre monde. Elle est née de la lutte des patients atteints de VIH contre le pouvoir des mandarins, la domination du magistère médical et les logiques économiques et financières des laboratoires pharmaceutiques et de la recherche publique.
Consacrée par la loi Kouchner de 2002, elle reconnaît aux patients de nouveaux pouvoirs. Celui d’abord du respect de leur autonomie individuelle. Mais ce principe était déjà consacré par nombre de textes juridiques et de chartes obligeant au respect du consentement éclairé. Et il restait surtout captif, comme je l’expliquais pour commencer, d’une éthique uniquement fondée sur les personnes, réitérant les défauts de notre démocratie contemporaine qui ne reconnaît bien souvent que l’avancée des droits individuels et qui minore ceux d’une citoyenneté politique active. La véritable innovation de la démocratie sanitaire consiste moins dans le respect des droits individuels que dans la reconnaissance de nouveaux droits sociaux et politiques pour les patients. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la montée en puissance du poids des associations de patients dans les décisions, tant au niveau des hôpitaux et des structures sanitaires qu’au niveau de la définition des priorités de la recherche publique et privée. Or, de ce côté-là, la démocratie sanitaire souffre des mêmes maux que notre démocratie en général. Livrée au pouvoir des lobbys – et en l’espèce de l’alliance parfois opportuniste entre les intérêts de certains laboratoires, de certaines professions et de certaines associations de patients –, la démocratie sanitaire est aussi bien souvent une démocratie d’experts, qui pousse à fond la logique de la représentation. Au lieu que le demos, ou que le peuple des patients, soit le véritable agent de la décision politique, il est bien souvent dessaisi de son pouvoir par des représentants ou des patients experts, eux-mêmes triés sur le volet par le système de santé, ce qui dépotentialise toute forme de contestation des forces dominantes. Le demos de la démocratie sanitaire est, enfin, troisième maladie de cette démocratie, purgé de toute une partie de son peuple : le peuple des soignants qui n’a jamais droit au chapitre. Si le pouvoir sanitaire se partage entre ce qui subsiste du mandarinat médical, le pouvoir d’influence des laboratoires, celui nouveau de certaines associations de patients et celui des dirigeants chargés de réformer le système de santé avec l’aide complice d’une masse de managers aux ordres, deux composantes essentielles du demos sont systématiquement écartées : les soignants eux-mêmes, et en particulier ceux qui sont au plus bas de la hiérarchie, mais aussi l’ensemble des citoyens, qui sont pourtant directement concernés par tout ce qui concerne la santé. Au cas où nous l’aurions oublié, la crise sanitaire vient d’en faire la démonstration spectaculaire.
Que mettez-vous derrière la notion de « patient expert », de « nouveau patient » ? Comment l’articulez-vous avec l’individu néolibéral ?
La notion de patient expert est intéressante car elle permet de redéfinir complètement le savoir médical. N’étant plus seulement produite par les médecins, la science serait désormais coproduite par les soignants et les patients. Cette évolution rejoint les analyses de John Dewey sur la nature participative du savoir et sur ce qu’il appelle « l’enquête » qui, d’après lui, devrait être conduite par les publics qui souffrent du problème en question et que devraient servir les institutions publiques de recherche. Mais ce patient expert, je le suggérais dans ma réponse précédente, est une figure ambivalente. Adoubé par le collège des experts au sens traditionnel du terme, il est le plus souvent trié sur le volet par le pouvoir médical, qui aura tendance à recruter, parmi les patients, ceux qui collent le mieux aux attentes des institutions et à ses normes. C’est tout le problème de l’expertise en général. Elle tend à produire un savoir découplé de l’expérience réelle des patients dans leur pluralité. Rappelons d’ailleurs que l’expert est souvent théorisé comme un spectateur impartial qui ne souffre pas lui-même de ce qu’il étudie. Cette conception de l’expertise conduit à isoler ceux qui savent, qui seraient les acteurs de l’expérience scientifique, et ceux qui souffrent, compris comme la masse des patients qui seraient les cibles passives et soumises de l’expérimentation. Or, il est intéressant de savoir que c’est exactement ce modèle du gouvernement des experts que Walter Lippmann a théorisé pour penser le gouvernement néolibéral : un pouvoir dans lequel les experts réadapteraient d’en haut les populations aux nouvelles exigences de l’environnement, marqué par la compétition mondiale pour l’accès aux ressources et la construction d’un marché régulé par des règles de droit. John Dewey, s’il reprend le terme d’expert, essaie d’en subvertir de part en part le contenu et il le fait sciemment contre Lippmann et son nouveau libéralisme : pour lui, une véritable démocratie doit passer par des processus d’expérimentation collective où les publics mènent eux-mêmes l’enquête, et mettent pour ce faire les chercheurs à leur service.
La Covid offrirait-elle l’opportunité d’une revanche de Dewey sur Lippmann ? La vision de Dewey est-elle imaginable en France, dans notre culture ?
La pandémie a en effet mis en lumière une revendication nouvelle des soignants et des citoyens : celle de reprendre la main sur les questions de santé et de les mettre au centre de la Cité. Rappelons que c’est là, pour les Grecs, le processus qui permet de faire d’une question une affaire politique.
C’est en sortant la santé du secret des cabinets d’experts et en la mettant au centre des délibérations publiques, qu’elle pourra enfin devenir ce qu’elle n’a jamais été jusqu’à présent : une affaire commune qui intéresse la communauté politique tout entière, mais aussi une chose publique qui intéresse la République dans son ensemble. Ce que Dewey apporte à cette évolution, c’est le rôle dynamique, contradictoire et hétérogène de la pluralité des publics, dimension conflictuelle sur la pluralité des points de vue, essentielle à la compréhension d’une démocratie radicale, que ne permet pas forcément de penser notre République à la française, hyper-centralisée et rendue artificiellement homogène. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est de voir comment ce conflit américain entre le néolibéralisme à la Lippmann, si influent en France et en Europe, et sa contestation par Dewey, pourrait être importé dans l’histoire française de la République et ses conflits.
Pourriez-vous nous dire comment cette petite chose interroge l’organisation des soins, oblige à la débrouille sur le terrain et donc permet une certaine reprise de pouvoir des acteurs sur leur travail face à l’incurie des décideurs ? Est-ce que quelque chose d’inédit pourrait advenir à partir de cette crise ? Comment pourrait-on s’y prendre ?
Avec la critique du pouvoir managérial, cette reprise de pouvoir – et il faudrait plutôt dire : cette prise de pouvoir, puisqu’elle n’a jamais encore eu lieu – s’esquisse peut-être, mais elle reste largement à conquérir. D’autant que ce qui domine aujourd’hui, c’est le retour des mandarins contre les managers. Ma conviction est que les soignants, et notamment ceux qui sont au plus bas de l’échelle, ne pourront conquérir le pouvoir politique qui leur revient que par de longues luttes collectives, qui assument la dimension sociale et politique du conflit. Le problème est que, comme le secteur de l’éducation, le monde de la santé souffre d’une profonde dépolitisation, renforcée par le discours sur la neutralité de l’agent public et la docilité obligée du fonctionnaire d’État. À partir d’une série de contresens sur le sens même du terme de « politique », beaucoup de personnels mobilisés se refusent à « faire de la politique », préférant s’enfermer dans des revendications sectorielles. C’est à mon avis une erreur funeste qui enferme nos métiers dans le schéma néolibéral de la compétition de chacun contre tous. Au lieu de tourner le dos au mouvement social qui se lève en France depuis l’acte I des Gilets jaunes, nous devrions inscrire nos luttes dans ce soulèvement inédit, et dans lequel tant de soignants étaient déjà présents. Au lieu de ne pas nous mêler à ces luttes et de les décréter « populistes », nous devrions au contraire profiter de cet élan collectif de mobilisation et de repolitisation, qui à la fois conteste l’hégémonie culturelle du néolibéralisme et essaie d’imaginer de nouvelles formes radicales de démocratie. C’est ce que le mouvement de défense des retraites, de l’enseignement public (attaqué par les réformes Blanquer), de l’Université et de la recherche (attaquées quant à elles par la loi de programmation pluriannuelle de la recherche ou LPPR, projet de loi « darwinien » et « inégalitaire » célébré par le PDG du CNRS et porté par la ministre de l’Enseignement supérieur) avaient commencé à faire. Dans les cortèges qui, depuis le mois de décembre, précédaient le confinement, commençaient à se mêler Gilets jaunes, travailleurs des services publics, soignants, éducateurs et chercheurs. Ma conviction est que ces premiers contacts, certes fragiles et fugaces, doivent être absolument pérennisés et transformés sur le temps long. Ce devrait être là, à mon sens, l’une des missions à venir de l’université : accueillir l’ensemble des colères sociales et des voix divergentes que les publics essaient de faire entendre pour les transformer en un véritable savoir, co-construit par les citoyens, les enseignants et les chercheurs. Voilà qui serait la meilleure parade contre ce qui se profile aujourd’hui : le basculement de l’éducation et de la santé dans le tout-numérique, permettant l’automatisation de la formation et la destruction définitive de nos métiers, pourtant indispensable à l’exercice d’une démocratie véritable.
Propos recueillis par Anne Perraut Soliveres
Publications de l’auteur
- Barbara Stiegler, « Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique, Collection NRF Essais Gallimard, 2019.
— Du cap aux grèves. Récit d’une mobilisation. 17 novembre 2018 – 17 mars 2020, Collection « La petite jaune », Verdier. (À paraître)