Martine Lalande,
médecin généraliste
En 1987, on faisait déjà le tiers-payant Pour les patients pris en charge à 100 %, on notait « dû autorisation avance » sur la feuille de maladie et la Sécurité sociale nous payait à la place du patient. On pouvait ainsi proposer un rythme de suivi adapté au patient, dégagé du problème du paiement. Pour faciliter le suivi des patients usagers de drogue en ville comme dans les Centres de soins spécialisés gratuits, les syndicats [1] avaient négocié avec la CPAM [2] une prise en charge à 100 % au titre des addictions.
En 1998, la convention instituait le contrat « médecin référent » [3]. Le médecin s’engageait à se former, tenir un dossier, prescrire des génériques... et pouvait faire le tiers-payant pour ses patients. Des collègues, réticents pour passer contrat avec l’Assurance maladie, ont quand même utilisé cette possibilité du tiers-payant pour faciliter l’accès aux soins.
Quand le médecin référent a disparu au profit du « médecin traitant » [4], nous avons craint de voir disparaître la possibilité du tiers-payant. Comme cela fonctionnait encore, nous avons continué de le proposer. Régulièrement, la CPAM (des Hauts-de-Seine, département très riche sauf le nord) nous rappelle que nous n’avons pas le droit d’utiliser ce mode de paiement. Sachant que c’est autorisé dans les départements limitrophes (93,95), nous avons persisté.
Actuellement, je propose le tiers-payant à tous les patients : ils payent 6,90 euros au lieu de 23 euros ou rien quand ils ont une maladie prise en charge à 100 % (comme ceux qui ont la CMU complémentaire). Certaines mutuelles jouent le jeu (comme la MGEN), nous payant leur part directement. D’autres nous proposent des contrats (est-ce un conflit d’intérêts ? peut-être un jour exigeront-ils de nous des critères de performance...). D’autres assurances complémentaires, elles, pénalisent les patients en demandant un justificatif pour le remboursement des 6,90 euros.
Sommes-nous payés ? Pas toujours entièrement, parfois un tiers de la consultation (au lieu des deux tiers) quand la déclaration « médecin traitant » du patient a été perdue, ou quand la CPAM considère qu’il n’a pas consulté chez son médecin... (même dans les cabinets de groupe...). Ce système pervers a pour but de faire payer des franchises, par le patient ou par le médecin. Un autre effet pervers : en cas de tiers-payant, le patient ne paie pas la franchise d’un euro par consultation, qui est retenue par la Sécurité sociale, s’ajoutant aux 50 centimes par boîte de médicaments, jusqu’à des sommes non négligeables. Par la suite, une consultation payée ailleurs (chez un spécialiste par exemple) ne sera pas remboursée. Certains regrettent alors que nous leur ayons fait le tiers-payant... Nous les encourageons à consulter les spécialistes là où l’on n’avance pas les frais : dans les centres de santé ou à l’hôpital.
Faire le tiers-payant en médecine générale permet aux patients de venir consulter en étant un peu détaché des conditions financières. Et d’élaborer avec leurs médecins des stratégies de suivi et de prise en charge de leur santé. C’est aussi une façon de lutter contre le paiement à l’acte.
Le tiers-payant dans la nouvelle convention (sous titre 3, articles 5 à 9)
Le tiers-payant est de droit pour le patient dans certains cas :
• tiers-payant intégral (CMUc, AME, AT/MP) ;
• tiers-payant sur part obligatoire (un an après sortie de CMUc, aide à la complémentaire santé, actes réalisés pendant les gardes).
Il est « permis ponctuellement pour les patients qui le nécessiteraient selon l’appréciation du médecin traitant. »
Il s’applique aux actes de spécialités coûteux au-delà d’un certain seuil, ce seuil étant supprimé pour les malades exonérés de ticket modérateur ou assimilés (ce qui voudrait dire qu’il y a dispense d’avance de frais pour les patients en invalidité et à 100 %). Il est possible pour les « anciens patients référents ».
www.smg-pratiques.info/La-nouvelle-convention-medicale.html