L’Ecole des Papilles

Projet créatif de prévention de l’obésité, l’Ecole des Papilles développe les savoir-faire et les connaissances des enfants sur l’alimentation, tout en renforçant leur esprit critique vis-à-vis des publicités.

Sébastien Goudin,
diététicien et membre de l’association ABCdiététque www.abcdietetique.fr

Aujourd’hui, huit personnes sur dix considèrent être bien informées sur l’alimentation. La principale source de ces connaissances : les médias [1]. Ils nous bombardent d’informations que nous apprenons même quand elles sont contradictoires. D’un côté, des messages sur l’alimentation et ma santé recommandent de manger des fruits et légumes, de ne pas manger trop gras, trop sucré, trop salé... De l’autre, 70 % des publicités alimentaires vantent l’intérêt de consommer des produits gras et sucrés [2].
Ceci nous aide à comprendre les raccourcis souvent utilisés par les enfants pour définir l’équilibre alimentaire : « Manger équilibré, c’est manger des fruits et des légumes et ne pas manger des aliments qui font grossir comme les bonbons et les frites ». Mais qui n’aime pas les bonbons, ou les frites ? Quels liens les enfants peuvent-ils faire entre ce qu’ils savent et ce qu’ils font ? Comment adapter notre comportement alimentaire à notre savoir nutritionnel ? Comment faire le tri dans cette masse d’informations ?

Plaisir de manger et équilibre alimentaire 
Initié en 2004 dans le Rhône, le projet « l’Ecole des Papilles [3] » est une tentative de réponse. À travers l’objectif de prévenir la prévalence de l’obésité des enfants du cycle, nous replaçons l’alimentation dans une réalité de vie. Nous montrons aux enfants qu’il est possible de concilier plaisir de manger et équilibre alimentaire en considérant la convivialité, le partage et la pratique culinaire comme des piliers de cet équilibre. Enfin, nous développons leur esprit critique vis-à-vis des publicités alimentaires pour leur permettre de se démarquer de leur influence.
Avec l’agrément pédagogique de l’Éducation nationale, nous travaillons de manière ludique sur les savoir-faire, savoirs et savoir-être. Les enfants sont suivis pendant deux ans en demi-classe pour faciliter la prise de parole et l’implication. En 1re année, nous engageons des « détectives » pour enquêter sur le plaisir de manger et l’équilibre alimentaire. Le but : cuisiner un buffet équilibré et délicieux pour les parents. Pour la 2e année, les élèves sont des publicitaires et font la promotion du goûter équilibré. Le but : inviter les parents à venir découvrir une « vente privée » autour d’un goûter équilibré. Nous pensons que dans une famille où l’enfant a sa place, il peut être agent de changement : nous incitons régulièrement les enfants à échanger avec leurs parents sur les thématiques du projet. Nous savons aussi que les parents restent décisionnaires quant à l’alimentation de leur enfant, et nous profitons du temps festif pour échanger avec eux.
L’implication de l’équipe pédagogique est déterminante dans la réussite du projet. Les enseignants des deux années concernées sont volontaires. Les séances sont co-construites avec eux à partir des objectifs du projet. L’infirmière scolaire est invitée à participer aux séances pour s’approprier les contenus et les reproduire.

Une évolution des compotements 
Une évaluation du processus et des résultats a été réalisée en 2008. On observe un écart significatif dans l’évolution des connaissances sur l’équilibre alimentaire et la publicité (32 % déclarent que la publicité influence leur choix en début d’année contre 89 % en fin de projet). Les comportements évoluent : parmi les 67 % d’enfants connaissant la règle du goûter équilibré, 79 % l’appliquent. Les enseignants apprécient la « continuité sur les deux années avec un travail en demi-groupe qui permet à chaque enfant d’exister ». Quant aux parents, ils sont 48 % à penser que ce projet peut avoir une influence sur leur alimentation en fin de 1re année et 61 % en clôture de projet. Ils sont nombreux à se déplacer au temps festif qui clôt le programme (59 %).
Pour pérenniser le programme, nous espérons que le dispositif pourra être diffusé et expérimenté plus largement aux acteurs de l’éducation nutritionnelle.


par Sébastien Goudin, Pratiques N°56, février 2012

Documents joints


[1Baromètre santé nutrition 2008.

[2Impact des publicités télé alimentaires sur des 6/12 ans de région parisienne, 2002.

[3Financeur : ARS Rhône Alpes.


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