Il s’agit d’une plaquette totalement strasbourgeoise, publiée par Origine, coll. « Prophète en son pays », 2020.
Présenté par ses amis, Georges Y. Federmann explique sa pratique de psychiatre « gymnopédiste » en exercice libéral, consacré aux exilés, étrangers, SDF, son engagement au respect intégral du Serment d’Hippocrate, de Maïmonide et du Code de Nuremberg. [1]
C’est un opuscule que tout étudiant en médecine devrait lire tant il est riche d’humanité et d’expérience profonde sur le médecin, la conception de la médecine et la relation au patient.
Qui se préoccupe de l’exilé en dehors des humanitaires et pourquoi les médecins libéraux les reçoi-vent-ils rarement ou difficilement ? Comment se fait-il que durant des années après-guerre, des mé-decins français ayant collaboré à la Faculté de Strasbourg occupée, aient pu continuer à exercer comme biologistes ou spécialistes, en ville ? Jusqu’à diriger l’Ordre des médecins départemental pour l’un d’entre eux ?
C’est à la suite de mon récit dans Pratiques concernant ma présence lors de la rafle des étudiants de l’université de Strasbourg/Clermont-Ferrand en novembre 1943, que j’ai rencontré Georges qui m’a contactée pour en savoir davantage.
En ce moment, en France, l’exilé est refusé globalement, pourchassé, introduit par effraction pourrait-on dire, en petit nombre. L’Algérien, le plus « honni » des réfugiés, va être, lui et sa descendance, à nouveau discriminé par le « séparatisme » créé par l’État.
L’expérience que transmet Georges Federmann est unique : son travail en amitié et étroite coopération avec d’autres professionnels, du juriste au travailleur social, le repérage de celui qui a le premier « accueilli » cet être en très grande souffrance globale qu’est l’exilé, pour l’amener dans un accueil singulier, sans rendez-vous, à venir panser ses douleurs psychiques et physiques (être un médecin de famille ?) et recréer une assise sociale indispensable, mérite d’être salué.
Les derniers déportés et témoins actifs de la dernière guerre disparaissent, ils ont quasiment cent ans. Je me souviens de l’incompréhension qui était la nôtre lorsqu’on a appris, bien avant l’armistice, que les Américains avaient emmené Von Braun et les meilleurs scientifiques nazis aux États-Unis… les Russes faisant de même de leur côté.
Ces nazis ont continué leurs recherches, sans bruit, dans tous les domaines et une grande partie de ce que nous reprochons aux dérives actuelles de la science en est issue. La mainmise du cognitivisme sur la psychologie avec éviction de la psychanalyse, la condamnation de l’affectivité dans le soin sous prétexte qu’elle pourrait amener des confusions perturbantes, la menace du transhumanisme, tout cela découle de ces recherches déshumanisées.
On oublie l’Histoire et le questionnement de Georges Federmann sur la transformation de la mentalité médicale est essentiel pour comprendre l’évolution des études dans une compétition féroce, la puissance d’argent des laboratoires, la rencontre avec le patient à toute vitesse… le médecin et ses peurs…
Au fil de l’entretien, on pénètre de plus en plus dans la vie personnelle de ce praticien, son expérience première avec les toxicomanes, on mesure ce que peut coûter parfois la confiance : un agresseur, ancien « aidé », qui armé, a tué la femme de Georges, l’a blessé grièvement ainsi qu’un autre médecin… et la forme de résurrection que Georges a réussie.
Ne devrait-on pas percevoir que le moteur de la médecine est l’attention à l’autre et l’amour qui se déploie dans le soin ? Le médecin est le meilleur médicament, à condition qu’il s’en donne le temps et la peine !
Merci du fond du cœur, Georges, de ce que tu m’as apporté personnellement.