Eveilleurs de conscience

Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon
Sociologues

        1. Monique et Michel Pinçon Charlot sont sociologues. Nous les avons rencontrés au rassemblement des résistants d’hier et d’aujourd’hui aux Glières en 2018, où ils ont animé une conférence-débat autour de leurs travaux sur la classe dominante.

Monique : Je me sens résistante depuis que je suis née. Fille du procureur de la République de Mende, en Lozère, petite, je ne rencontrais que des enfants de fonctionnaires, dont les enfants du préfet. Ce n’était pas des grands bourgeois, mais au milieu des agriculteurs, après la seconde guerre mondiale, c’est vrai que j’étais du bon côté « du manche », une privilégiée. La façon dont mon père racontait les progrès de sa carrière, ce qu’il faisait pour obtenir la légion d’honneur, m’ont très tôt nourrie et rendue sensible aux stratégies de pouvoir. Je me suis construite avec ça. Au lieu de mettre ces stratégies de pouvoir à mon profit, je les ai retournées pour étudier les gens qui s’approprient justement tous les pouvoirs, la grande bourgeoisie parisienne notamment. Puis je les ai restituées aux catégories populaires. C’était cohérent, petite j’ai eu les clés pour comprendre le pouvoir et avec mon statut de chercheur au CNRS, je les ai instrumentalisées en travaillant sur les réseaux de pouvoir au plus haut niveau.

Michel : Je faisais des études en faculté de lettres et de sciences humaines. J’ai finalement choisi les sciences humaines. Cela m’intéressait parce que j’ai vécu dans une certaine pauvreté, pas terrible ni insupportable, mais par exemple je ne suis jamais allé au cinéma avec mes parents, qui n’y allaient jamais. Nous vivions à Charleville, dans les Ardennes. Mon père était employé de banque, il portait à vélo des messages aux commerçants de la ville. Ma mère faisait des ménages chez le plus grand garagiste de la ville. Très vite, j’ai pris conscience des différences, des distances sociales. Ce choix de me diriger vers les sciences sociales a été un choix efficace, qui me correspondait bien.
Monique et moi avons fait connaissance dans la bibliothèque de l’Institut de sociologie de l’université de Lille, qui venait d’être créé. Il y avait peu d’étudiants dans cette filière, mais il y avait déjà une petite bibliothèque. Nous avons sympathisé, c’est le moins qu’on puisse dire, puisque, je ne sais plus combien d’années après, nous sommes toujours ensemble. Ce n’est pas très fréquent, nous venons de deux milieux sociaux profondément différents. Nous nous sommes très bien complétés pour analyser nos trajectoires de vie, des parallèles qui se sont rencontrées. Chacun de nous était intéressé par ce que l’autre disait, pensait, sur la famille dont il n’était pas issu. Ça nous faisait des éléments pour développer notre travail.

Monique : Oui, nous appartenions à deux familles très contrastées sur le plan sociologique. Michel a été intéressé d’entrer dans une famille de la petite bourgeoisie de province, avec ses notables provinciaux et moi j’ai été passionnée par la découverte de la culture ouvrière des parents de Michel, et sa famille élargie, un milieu complètement ouvrier, à l’exception d’un expert-comptable. Une homogénéité sociale de chaque côté. Quand nous nous sommes retrouvés à faire nos études, dès le départ, nous nous sommes épaulés pour réussir nos examens. Puis nous sommes partis deux ans au Maroc, Michel au titre de la coopération militaire et moi au titre de sa femme. Nous avons continué nos études par correspondance. Nous étions en plein désert marocain. Nous avons travaillé avec les élèves. Nous les emmenions presque chaque week-end, ils habitaient dans des oasis et ne pouvaient pas rentrer chez eux en dehors du retour annuel pour passer l’été ; ils étaient donc très contents qu’on leur propose de leur faire faire les 100 km de piste pour les ramener chez leurs parents le temps d’un week-end, à la condition qu’ils répondent à toutes nos questions. Nous avons composé nos mémoires de maîtrise à partir de nos observations. En réalité, une seule et même maîtrise, partagée en deux pour la soutenance. Nos travaux portaient sur les fonctions de classe du français dans le Maroc indépendant, puisque cela se passait en 1967, soit une dizaine d’années après la proclamation de l’indépendance du pays. Le français était toujours la langue du colonisateur et la langue des élites, la langue dominante. Revenus à Paris et une fois la maîtrise soutenue, nous avons cherché du travail. Michel est allé dans un centre de recherche et a demandé qu’on soit embauchés tous les deux, ce qui a été accepté. Nous y avons fait ensemble toute notre carrière jusqu’à notre retraite, le 31 août 2007.

J’ai mené une recherche sur la répartition des équipements culturels dans la région Île de France, en confrontant cette répartition à celle des différentes classes sociales. Il apparaissait très clairement que, malgré toute l’action culturelle que menaient les municipalités communistes de la banlieue rouge, l’implantation des équipements culturels et éducatifs était massivement, au niveau de l’offre, destinée aux classes les plus favorisées.

Michel : Nous avons commencé notre carrière professionnelle dans une association loi 1901, le centre de sociologie urbaine – CSU – qui s’occupait de la ville. Nous avons collaboré sur certaines petites études. Nous avons aussi travaillé de façon séparée : Monique du côté de la culture dans les beaux quartiers et moi, je suis retourné dans mes Ardennes pour une recherche sur une région qui était en train de se désagréger dans son activité professionnelle, industrielle. L’industrie, activité dominante et presque exclusive dans la vallée de la Meuse, avait un avenir très menacé, il y avait déjà beaucoup de licenciements, de petits ateliers qui fermaient, etc. J’ai publié ce travail. Nous avons alors fait le constat que nous avions bien travaillé sur les aspects urbains, mais que curieusement, il n’y avait pas de recherches sociologiques sur les beaux quartiers et la haute société parisienne concentrée dans ces quartiers. C’est ainsi que nous sommes allés observer ce qui se passait entre autres à Neuilly. Nous avons mis en évidence l’aspect, très vital, de l’unité sociale des beaux quartiers. L’existence d’une vigilance très forte sur l’évolution de l’habitat. Ces gens ne veulent surtout pas que l’espace qu’ils possèdent, et qu’ils maîtrisent bien, leur échappe. C’est vital pour la grande bourgeoisie.

Monique : Pour travailler sur cette catégorie sociale, il a fallu résister aux pressions du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). À cette époque, il y avait à peu près mille sociologues, cinq-cents au CNRS et cinq-cents à l’université, et il n’y avait peut-être que trois, quatre personnes qui travaillaient vraiment sur les dominants et les puissants. Nous avons subi des pressions pour entraver nos recherches. Mais nous avons persévéré et nous avons réussi parce que nous sommes un couple. C’est grâce à notre détermination et à notre solidarité que nous avons pu enchaîner un nombre considérable d’enquêtes pendant trente ans. Nos travaux ont donné lieu à des publications de livres, de bandes dessinées, de films, de beaucoup de rencontres à travers la France, puisque notre objectif de chercheurs est véritablement de restituer aux contribuables, qui nous payaient nos salaires chaque mois, ce travail original sur les familles les plus fortunées de France. Nous avons pénétré ce milieu ensemble ou séparément dans des entretiens, mais c’étaient toujours des enquêtes collectives. Notre objectif était de comprendre le fonctionnement de cette classe dominante, pas de manière abstraite, mais dans le vécu intime de ces familles, dans le vécu intime de leur humanité, avec les maladies, les accidents de la vie auxquels elles sont, elles aussi, confrontées. Comprendre vraiment comment il était possible, deux siècles après la révolution française, que ce soit des dynasties familiales, y compris de la noblesse ancienne, qui continuaient à détenir les rênes politiques, économiques, culturelles de notre pays, soi-disant républicain.

  1. Être riche, ce n’est pas que posséder beaucoup d’argent, mais c’est aussi l’aspect culturel et les relations.

Monique : Exactement, on emprunte cela à Bourdieu, avec les quatre formes de capital qu’il a analysées. Cela fonctionne très bien pour appréhender la bourgeoisie. A la richesse économique – le capital économique –, le capital culturel, le capital social, Bourdieu ajoutait une dernière forme de richesse, la richesse symbolique, celle qui vient symboliser les autres formes de richesse. La richesse symbolique aboutit à ce que les dominants ont des corps de dominants, ont un langage de dominants, ont une allure de dominants, et que cela leur permet de passer de la domination économique à la domination symbolique, qui est la pire des dominations, puisque les dominés reconnaissent le fait que les dominants leur sont supérieurs. C’est ce que les sociologues appellent la violence symbolique. C’est un concept sociologique qui est capital, surtout aujourd’hui avec Emmanuel Macron qui est arrogant, méprisant, qui traite les plus démunis de fainéants, qui dit qu’ils foutent « le bordel », qu’ils coûtent un « pognon de dingue », qui parle de coûts, de charges, on serait intarissables tellement il en a sorti depuis qu’il est à l’Élysée.

  1. Briser cette situation est très difficile, puisque les dominés reconnaissent le « bien-fondé » de cette domination.

Monique : Oui, tout est fait pour masquer l’origine de la richesse des uns et l’origine de la pauvreté des autres. L’histoire est toute simple : d’un côté, il y a les détenteurs des moyens de production, les détenteurs des titres de propriété, que ce soient les usines, les médias, les œuvres d’art, les sociétés de vente aux enchères, que ce soient les cliniques. Aujourd’hui tout est marchandisé, il n’est pas difficile de faire la liste, tout y passe ! Avec ces titres de propriété, en naissant à Neuilly, en héritant, ils peuvent exploiter la force de travail des autres. Les dominés, qui sont les plus nombreux, ne se révoltent pas parce qu’ils ne savent pas, ne sont pas informés de ces mécanismes. Notre boulot avec les rencontres auxquelles on participe et tout ce que l’on publie, c’est d’être des éveilleurs de consciences. C’est de rappeler le côté totalement immature du système capitaliste avec l’histoire de la main invisible du marché. On se croirait presque face à l’immaculée conception de la Vierge Marie, ce n’est pas d’un niveau culturel plus élevé… Notre boulot, c’est de rendre visible en personnifiant les positions de pouvoir, en étant légitimés par des enquêtes scientifiques, d’essayer de convaincre le peuple français qu’il est temps d’agir puisque de toute façon, notre niveau de vie à nous, ça aussi on le dit très peu, notre niveau de vie à nous Français, doit beaucoup au pillage de l’Afrique. D’où le retour en boomerang aujourd’hui avec les migrants. Évidemment, cela ne va aller qu’en s’aggravant…

Michel : Nous sommes dans une situation où sévit une aristocratie de l’argent, une synthèse de l’aristocratie de l’ancien régime, ceux qui ont survécu et qui se sont mêlés aux bourgeois. Cette aristocratie de l’argent s’est réalisée par des mariages alliant des familles bourgeoises traditionnelles et des nobles aujourd’hui plus ou moins riches. L’existence de cette aristocratie de l’argent fait perdurer le système inégalitaire. On ne peut pas être membre du clan si on n’a pas un minimum de ressources et ce qui est important, c’est que cette aristocratie de l’argent, c’est comme l’ancienne aristocratie dite noble, elle se reproduit et continue à être au sommet de la société. Leur fortune se constitue surtout par héritage, pas par ce qu’ils réalisent. Leur richesse culturelle se perpétue grâce à la sélection pour l’entrée dans les grandes écoles, ce sont les gens fortunés qui y sont et leurs enfants, leurs descendants… Il existe toutes sortes d’inégalités qui font que les milieux sociaux sont construits très solidement. Il est très difficile de passer d’un stade à un autre, d’un niveau à un autre.

  1. Pensez-vous que l’on pourrait atténuer la difficulté de passer d’un niveau à un autre par cet éveil des consciences ?

Michel : C’est difficile… Si l’on regarde par exemple les grèves à la SNCF, il y a un certain niveau de conscience des inégalités sociales, mais aussi beaucoup d’incompréhension. Les possibilités de changement sont réduites. Les différentes générations de l’aristocratie accumulent et reproduisent leurs richesses, pas seulement matérielles, mais aussi culturelles et sociales. Les réseaux qui existent dans les milieux dominants sont étonnants. C’est un milieu très vivant, très conscient de lui-même et qui veille au grain, parce qu’il y a eu des alertes autrefois et il y en a encore aujourd’hui ponctuellement… Ils ne sont pas du tout assurés du lendemain, et de cette façon ils sont toujours aux aguets, il faut qu’ils puissent reprendre le contrôle rapidement lorsque quelque chose leur échappe.

  1. Ont-ils conscience d’être des prédateurs et imaginent-ils les souffrances, les morts qu’ils engendrent ?

Monique : Ces gens-là représentent vraiment une classe sociale au sens marxiste du terme, mobilisée dans la défense de leurs intérêts de manière collective. Si l’on a rencontré le collectivisme dans nos enquêtes sociologiques, c’est essentiellement dans les beaux quartiers ! C’est une classe profondément solidaire, au-delà des conflits qui peuvent exister comme partout ailleurs. Ils savent surmonter les divisions entre les individus au bénéfice de leur collectif de classe. Alors oui, ce sont des prédateurs, ceci est incontestable, mais c’est leur classe, c’est le résultat de cette mobilisation collective pour la défense de leurs intérêts qui aboutit à ce qu’aujourd’hui il y a neuf millions de Français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont deux millions d’enfants. Ils possèdent une richesse et une conscience de classe qui croît de manière exponentielle, notamment depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Ça fait toujours un peu peur quand on dit que ce sont des criminels et ils le savent. Nous avons assisté à leur colère le 14 mars 2016 dans le grand amphithéâtre de Dauphine contre l’installation d’un centre d’hébergement d’urgence au pied de leurs immeubles. C’était effroyable ce qu’ils étaient capables de dire sur les gens qui allaient venir dans ce centre d’hébergement. Ce n’était même plus des êtres humains… Donc quand il y a un problème et qu’ils se lâchent, je peux vous assurer que là, il n’y a plus de chrétiens, il n’y a plus de morale, il ne subsiste que la violence. Ça s’est arrêté à la violence verbale ce jour-là. Mais il n’en demeure pas moins qu’il y a eu deux tentatives d’incendie de ce centre d’hébergement. Pourquoi la conscience ne fonctionne pas chez les dominés, qui sont les plus nombreux ? C’est qu’ils sont manipulés par leurs médias. 90 % des médias sont en France aux mains de neuf milliardaires, nous ne sommes plus du tout dans un système démocratique, contrairement à ce qu’on nous fait croire. Ce qui est absolument tétanisant, sidérant, au point qu’on ne comprend rien, ça nous disloque, ça nous détruit psychiquement.

  1. C’est fascinant, leur capacité à nier le maniement de la novlangue, les messages contradictoires, on observe cela dans le monde du travail.

Monique : Ce qui est valorisé, infusé pour les classes moyennes et les masses populaires, c’est une liberté individualiste et négative, au lieu d’une liberté positive de progrès socialement partagé. C’est le message que l’on veut faire passer avec Michel. Notre couple a pour lui le mérite de la cohérence entre ce que nous sommes et ce que nous disons. Et ça, je pense que quand on se revendique du courant de la Résistance, du Conseil national de la résistance (CNR), c’est important cette cohérence, c’est même capital.

  1. Qu’est-ce qui fait que les dominés ne parviennent pas à s’unir ?

Monique : Tout est fait pour cela. Ils tremblent tous les jours, les dominants sont sur un pied de guerre. Nous l’avons constaté dans nos enquêtes. Il faudrait que tout le monde s’unisse en respectant les différences de chacun, mais qu’ensemble on arrive à créer une dynamique qui soit en phase avec les idées de progrès, avec les idées de partage. On n’a plus le choix avec l’accélération du réchauffement climatique qui produit des désastres épouvantables. Une grande partie des migrants, c’est le réchauffement climatique qui les fait fuir des pays qui sont les premiers frappés. Les pays les plus pauvres sont et seront les premiers frappés par le réchauffement climatique. Et face à la destruction de la planète, à la destruction de l’humanité, on a du mal à comprendre, comment est-il possible qu’on n’arrive pas à s’unir ?

  1. Que faire face au « No alternative », est-ce qu’on peut s’opposer si on n’a pas du tout d’utopie ?

Monique : Heureusement avec Michel, on a une utopie. Tout le monde a des utopies. Les oligarques, eux, n’ont pas d’utopie, ils ont la réalité, qui est de dominer le monde et même d’éliminer une partie de l’humanité pour être en paix avec leurs robots et leur intelligence artificielle sur la planète, une fois que le réchauffement climatique aura fait son boulot. Les utopies n’ont plus cours, n’ont plus de valeur, n’existent plus. Face aux chiffres, à la déshumanisation, il y a la poésie, l’amour, toutes ces utopies, tout ça, ça existe, c’est simplement qu’elles n’ont aucune valeur. La solidarité, elle existe mais elle n’est pas relayée par les médias, elle est individualisée. Individuelle la solidarité est bonne, mais dès qu’elle est collective, ça ne marche plus, elle est dangereuse pour les dominants.

  1. Comment rendre audibles les utopies ?

Monique : Pourquoi est-ce que les milliardaires investissent dans les médias ? Ça ne leur rapporte pas forcément de l’argent, quand on voit les centaines et les milliers de publications qui sortent dans les kiosques et sur Internet, les algorithmes et autres supports, c’est hallucinant… En fait, ces médias font le pilonnage de nos cerveaux, ils lobotomisent nos cerveaux, pour que l’on ne soit plus capable de penser le changement. C’est plus grave que la saturation, ce sont des manipulations qui s’inspirent des neurosciences, ce sont des choses très raffinées et surtout invisibles. Donc rendre visible, ce que nous faisons avec Michel, c’est profondément impertinent, et rendre visible, comme on le fait de manière collective, dans les entretiens, les rassemblements. La pensée critique lorsqu’elle est partagée, c’est déjà une forme de résistance. On ne se contente pas de discussion avec nos copains en buvant des bières, on essaye toujours de créer du collectif autour de nous.

  1. Est-ce que vous pouvez faire un comparatif entre le programme du CNR et la destruction en règle de tous les acquis sociaux de 1945 ?

Michel : Effectivement, ce qui a été réalisé à la Libération a été très malmené, les riches ont une autre vision du monde, des acquis sociaux.

Monique : Je propose de vous lire un tract de la CGT du Val de Marne. Le ministre Ambroise Croizat a créé en un an, dans un pays ruiné par la guerre et l’occupation, le régime général de Sécurité sociale, il a créé les comités d’entreprise, nationalisé Renault et EDF, nationalisé la banque de France et les grandes compagnies d’Assurance, il a créé le statut de la fonction publique, le régime étudiant de Sécurité sociale… il a pris aux riches pour donner aux pauvres. Alors qu’à l’inverse, en un an, c’est toujours la même temporalité, dans la cinquième puissance du monde, le président banquier, Emmanuel Macron, a opéré la diminution des cotisations sociales et des lits hospitaliers, il a détruit les Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le Code du travail, il est en train de privatiser la SNCF, il a promulgué le secret des affaires, il a supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune, il a engagé le processus de suppression de 120 000 fonctionnaires, il a supprimé le régime étudiant de Sécurité sociale et il souhaite augmenter les droits d’inscription. En bref, il prend massivement aux pauvres pour donner aux riches. Pour conclure, on peut dire qu’avec Emmanuel Macron, notre société a pris un tournant néolibéral tout à fait conséquent. Les restes du CNR sont pilonnés, les services publics, entre autres la santé, sont pillés. Tout ce qui est solidarité est marchandisé afin que ses camarades créanciers et actionnaires se remplissent chaque année de plus en plus les poches d’argent. Un argent dont ils n’ont même plus besoin pour fonctionner dans le monde de l’économie réelle, mais ces millions d’euros qu’ils accumulent, par milliards quand il s’agit de Bernard Arnaud, leur sert d’armes pour asservir les peuples à coups de spéculations financières, de rachat de toutes les ressources agricoles du monde… Ils mènent vraiment une guerre de classe qui agit dans des champs de bataille divers et variés. Tout est bon pour piller et anéantir des êtres humains qui sont aujourd’hui en trop sur la planète. Parce qu’avec les nouvelles technologies, on n’a plus besoin d’autant êtres humains. Quand ils sont au chômage, ils veulent quand même manger, du coup il vaut mieux qu’ils soient rayés de l’humanité. Le résultat de toutes nos lectures montre bien qu’à leur violence, il n’y aura que des fins très malheureuses pour les classes dominées.

  1. Ce n’est pas réjouissant, mais très réaliste.

Monique : Il n’y a aucun espoir, sauf celui de la révolution, il n’y a aucun espoir sauf celui de la suppression des titres de propriété des moyens de production, il n’y a aucun espoir autre que celui de notre dignité individuelle d’être révolté, de résister comme vous le faites, de rester debout. On a les réponses, mais on n’a pas les moyens de concrétiser les réponses.

Michel : L’espoir que j’entrevois est du côté des femmes, de leur position… Il existe encore des sociétés très machistes, avec des positions très dominantes de l’homme ; peut-être que de ce côté-là, il y a une possibilité d’un mouvement de changement profond.

Entretien réalisé par Françoise Acker et Sylvie Cognard


par Michel Pinçon, Monique Pinçon Charlot, Pratiques N°83, octobre 2018

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