Sylvie Cognard, Marie Kayser,
Médecins généralistes,
Jean-Pierre Lellouche,
Pédiatre.
Il est complètement fou de ne pas s’interroger sur nos pratiques vaccinales et encore plus fou de laisser les lobbies pharmaceutiques maîtres des réponses.
Marie Kayser : Le nombre de vaccins que j’ai pratiqué n’a cessé d’augmenter depuis le début de mon exercice médical en 1983 jusqu’à ma retraite fin 2012. Au début, je ne faisais aux enfants que le DTP (diphtérie-tétanos-polio) obligatoire, puis j’ai ajouté la coqueluche, sur l’argument des coqueluches graves des nourrissons de moins de six mois. Je n’incitais pas non plus à la vaccination contre la rougeole en m’appuyant sur le fait que c’était une maladie bénigne dans l’enfance et qu’il n’y avait pas chez nous les mêmes complications infectieuses que dans les pays plus défavorisés. J’informais cependant les parents de l’exceptionnelle complication d’encéphalite rougeoleuse. Puis, une enfant non vaccinée que je suivais a fait cette complication sans séquelles heureusement, mais j’ai eu très peur pour elle et ensuite j’ai incité à la vaccination contre la rougeole. Après, la question de la rubéole s’est posée : vacciner à quel âge ? J’ai d’abord vacciné les adolescentes quand leur sérologie était négative, puis les nourrissons des deux sexes. Puis il y a eu la vaccination contre l’hémophilus pour prévenir les infections graves type méningite. Pour le nourrisson, on en était déjà à cinq vaccins dans la même seringue (DTP-coqueluche-hémophilus). Ensuite, il y a eu le Prévenar® (contre certains types de pneumocoques) sur l’argument des infections graves même si elles étaient exceptionnelles. Sans oublier le vaccin contre l’hépatite B, que je n’ai quasiment jamais fait chez le nourrisson, le vaccin papillomavirus (virus transmis par les rapports sexuels et pouvant modifier les cellules du col de l’utérus) que je n’ai pas conseillé pour les ados, et celui contre le méningocoque C que je n’ai jamais fait.
Jean-Pierre Lellouche : Dans ce que tu dis pour l’hépatite B et la rubéole, je retiens un élément important : quand on fait le vaccin contre l’hépatite B dans la préadolescence, à l’âge de 13 ou 14 ans, on se situe dans une optique de prévention articulée sur la crainte d’une maladie à transmission sexuelle. En revanche, quand on le fait à deux mois, on est dans une perspective d’éradication de la maladie. C’est la même chose pour la rubéole, maladie qui peut être dangereuse pour le fœtus lors de la grossesse. Faire une vaccination ciblée en relation avec le risque, c’est rester rationnel, mais quand on vaccine tout le monde à 1 an, on est quasiment dans de l’idéologique émotionnel, complètement coupé de la réalité infectieuse. Autrement dit, quand on sait quelle est la cible, on est dans le rationnel, et on est dans la relation avec les gens. Quand on n’est plus dans le ciblé et qu’on veut faire du tout, partout, pour tout le monde, on est vraiment dans l’idéologique, c’est-à-dire qu’on a quitté la maladie infectieuse et l’éventuel malade. On a quitté le monde réel. C’est vraiment un point nodal, un point de rupture entre la conception des vaccinations comme un outil dont on peut discuter, que l’on peut évaluer et les vaccinations comme un rite de passage obligé.
Sylvie Cognard : C’est très important ce que tu dis là, que le rationnel entre en résonance avec le relationnel...
Je me suis installée en 1980 et au début, parce qu’on n’avait pas un rond, avec mon collègue, on faisait des permanences de vaccinations avec la mairie. On faisait essentiellement du DTP, mais aussi du tétanos seul pour les adultes. On pouvait aussi faire polio seule, buvable ou injectable ; pour la diphtérie, il n’y avait pas de vaccin seul, mais on avait quand même un éventail qui permettait de nuancer. Après, est arrivé le vaccin coqueluche et effectivement, j’ai été assez vite convaincue de le faire pour les nourrissons.
On avait, au cabinet médical, une petite frange de patientèle anti-vaccins et on acceptait de ne pas faire les vaccins, mais j’ai toujours refusé de faire des certificats de contre-indication aux vaccins pour des raisons autres que médicales. Je demandais aux parents de discuter avec la direction de l’école ou de la crèche. Les gens un peu à la marge des normes sociales savaient qu’on avait, dans notre cabinet, une écoute respectueuse. Ensuite, il y a eu le vaccin rougeole, juste après une super épidémie sur la cité défavorisée où nous étions installés et, paradoxalement, personne n’avait fait de complications graves. Après, pour le vaccin couplé rougeole-oreillon-rubéole (ROR), je ne savais pas trop, je ne le proposais pas systématiquement, mais je le faisais aux gens qui me demandaient, et puis là aussi on avait la possibilité de ne faire que rougeole ou que rubéole.
JPL : C’est très important de rappeler qu’à ce moment-là, il existait un vaccin rougeole non associé [1].
SC : Oui, cela nous permettait d’étaler les vaccinations ou de cibler. La rubéole, moi je la proposais systématiquement à des jeunes filles, par exemple à l’occasion de la délivrance d’une première contraception, je prescrivais le bilan pilule et ajoutais la sérologie rubéole pour voir si elles étaient immunisées ou non.
JPL : Je t’interromps pour souligner que quand on fait la rubéole en même temps qu’on propose la pilule, qu’on discute de sexualité, qu’on écoute la personne et qu’on est avec elle, il se passe quelque chose qui est fondamentalement différent de la vaccination systématique indiscriminée d’un nourrisson de 1 an ; c’est la rencontre entre deux personnes qui ont à faire face à un problème réel et je veux souligner que quand je t’entends parler, j’entends parler un être humain qui se préoccupe d’autres êtres humains et tu as un discours qui est radicalement différent de Sanofi Mérieux qui lui ne s’occupe que de son chiffre d’affaires.
MK : Si je voulais me faire l’avocate des agences de santé, je dirais : d’accord, là c’est dans un contexte relationnel, mais est-ce qu’il n’y a pas des ados qui vont passer au travers des mailles du filet de la vaccination rubéole et risquer d’être contaminées pendant leur grossesse ?
JPL : Oui, l’administration pourrait dire cela, mais cela signifierait qu’elle est en relation de paroles avec les médecins. Récemment, j’ai vu un document de Sanofi promouvant le vaccin contre le zona, c’est Sanofi qui parle aux médecins. On a des labos extrêmement riches et puissants, sachant parfaitement où ils veulent aller et une administration qui est complètement déboussolée, n’a aucun savoir indépendant, aucun pouvoir et qui de toute façon n’a pas le début d’un sou pour entrer en relation avec la population. Donc tu as totalement raison, mais dans la réalité des faits, il faut souligner combien les pouvoirs publics sont absents. Avez-vous regardé la vidéo de Marisol Touraine affirmant que le DTP n’était pas obligatoire ? Quand le journaliste dit : « Ah bon, ce n’est pas obligatoire ? », elle embraye aussitôt sur le BCG en confondant quasiment tout. C’est une anecdote, mais ce que je veux dire, c’est qu’il faut en permanence se rappeler qu’au moins jusqu’en 85-90, il n’y avait aucune publication émanant du ministère de la Santé. Depuis peu, ils font un guide technique des vaccinations, depuis peu ils parlent, mais ce sont des gamins prématurés par rapport à Sanofi qui se balade depuis cent ans dans ce secteur avec ses milliards.
SC : Je reprends : rougeole, rubéole, oreillons. Oreillons c’est pareil, moi je ne voyais pas trop l’intérêt mis à part l’orchite ourlienne qui pouvait rendre exceptionnellement stérile...
JPL : La peur de la stérilité, dont on n’a pas cherché à évaluer la réelle fréquence, a été utilisée pour implanter la vaccination contre les oreillons.
SC : Vaccin qui s’est imposé, y compris chez les filles...
Après, il y a eu l’hépatite B, j’étais vaccinée comme tous les professionnels de santé, je pratiquais des IVG (interruptions volontaires de grossesse) et c’était obligatoire. J’ai été bien obéissante : j’ai fait vacciner mes enfants qui étaient au collège. Les patients qui en avaient peur, je ne leur courais pas après. Là j’ai commencé à percevoir ce que tu dis entre l’individuel et le collectif, le ciblé et le généralisé. Je sentais qu’à chaque nouveau vaccin, c’était la politique de la peur qui était menée. Pour l’hépatite B, je disais : « Mettez des préservatifs, faites attention à ceci à cela, surveillez-vous, faites des sérologies ». Parce qu’enfin le cancer du foie sur hépatite B, c’est quelque chose de pas très fréquent, surtout sous nos tropiques !
Ah, et j’oubliais le vaccin contre l’hémophilus... J’ai refusé de le faire, je ne voyais pas l’intérêt. Là, ça sentait vraiment le commercial ! Des trucs de plus en plus chers, des trucs pas remboursés au départ, puis remboursés sous la pression. Très peu de parents me le demandaient. J’ai résisté jusqu’à ce que l’on ne trouve plus de vaccins sans hémophilus.
JPL : Tu as donc commencé avec le DTP et à l’époque il y avait aussi tétanos seul, polio seul et on pouvait individualiser, réfléchir. Or les laboratoires ont pratiqué deux techniques : d’une part faire peur, c’est inévitable dès qu’on laisse entendre qu’il y a un risque de cancer du foie, les gens ont peur de l’avoir, quand on parle de stérilité les gens ont peur ; d’autre part, les labos ont rendu très difficile la distinction entre les différents vaccins en les regroupant dans une seule seringue. Si au terme de ta réflexion, tu te dis, par exemple, que les oreillons ce n’est pas nécessaire chez les filles, cette position n’est pas tenable car si tu dis non aux oreillons, tu dis non à la rougeole et non à la rubéole... Les labos qui sont les seuls acteurs vrais du terrain ont rendu totalement impossible toute ponctuation. On ne peut pas poser la question de la coqueluche seule, de l’hémophilus seul, très vite la question devient confuse — j’emploie le mot confus dans le sens de mettre en fusion plusieurs choses —, cela devient mélangé et c’est le domaine du passionnel. Il y a des réponses techniques à la question : doit-on ou pas vacciner contre telle maladie ? Mais dès lors qu’on mélange six vaccins, il n’y a pas de réponse possible ! L’une des maladies se transmet par voie sexuelle, l’autre par les postillons... et on est dans une confusion organisée par des forces qui nous dépassent de loin.
SC : Oui tout à fait, ce que tu décris là a peu à peu fait naître chez moi de plus en plus de doutes, comme les questions que me posaient les patients qui ne voulaient pas se faire vacciner et qui disaient :
« Est-ce que vous pouvez nous dire ce que cela fait au niveau du système immunitaire, quand on injecte six à sept vaccins à un tout petit enfant ? » J’avais aussi des interrogations sur la possibilité d’induire des maladies auto-immunes. Je me mettais à douter et à freiner à cause de cette impossibilité de réfléchir, de ponctuer. Après, et cela c’était peu avant que je m’arrête, est apparu le Prévenar®. Contre le pneumocoque, je me servais du Pneumo 23® chez mes patients adultes insuffisants respiratoires. Le Prévenar®, au début, j’avais lu que c’était réservé aux enfants séropositifs ou aux enfants qui n’avaient pas de rate et il n’était remboursé que pour ces indications-là. Donc vu le prix exorbitant et la population que j’avais, pour moi, c’était hors de question de faire ce vaccin, en plus l’injection était douloureuse et faire mal à des bébés pour un truc dont je ne suis même pas sûre et qui en plus coûte la peau du derrière, c’est non ! Des parents arrivaient parfois avec le vaccin prescrit par un autre médecin, je refusais de le faire et leur disais de retourner voir le prescripteur s’ils y tenaient.
Pour le vaccin contre le papillomavirus, je ne travaillais plus en libéral mais au centre de planification du CHU. Là c’est pareil, vaccin non remboursé au départ, à un prix exorbitant. Je l’aurais éventuellement fait gratuitement auprès d’une population de gamines se prostituant dans les favelas au Brésil... Ici, la situation est autre et il ne faut surtout pas que le vaccin entraîne une diminution de la surveillance du col de l’utérus par frottis. J’ai carrément refusé de m’y plier.
Et le BCG, dont je n’ai pas parlé, qui était effectivement obligatoire au départ et pour lequel on avait la bague multipuncture qui ne faisait pas mal, moi cela m’allait très bien ! Ce n’était pas systématique, je le proposais là aussi avec des nuances, dans des milieux exposés, mais je refusais de faire le BCG à 1 mois dans les familles exemptes de tout risque de contagion tuberculeuse.
JPL : Je prends le relais sur le BCG juste pour raconter une anecdote. Ma fille est née en 1981 et la pédiatre de la maternité a pris ma femme en aparté et lui a dit : « Votre mari est hostile aux vaccinations, il est complètement fou, cette maladie est extrêmement dangereuse... » Heureusement ma femme est assez solide et me fait confiance. Ce que je veux dire, c’est qu’une femme médecin qui me connaît s’est autorisée à essayer de terroriser ma femme alors même que c’est une personne gentille et qui m’apprécie beaucoup ! Mais le phénomène vaccin l’a rendu folle ! J’insiste, pour dire qu’on n’est pas dans le rationnel, si on y était nous nous serions rencontrés, on aurait parlé... C’est un point très important : les gens qui fuient dans le tout vaccinal ne sont fous que dans le domaine des vaccins, où ils se déconnectent de la réalité. Le BCG n’a jamais été utilisé aux États-Unis, on ne l’a jamais dit en France. Il aurait suffi de le dire pour dédramatiser et pour que les gens comprennent que même en l’absence de BCG, un pays peut vivre. Il y avait des gens qui croyaient que l’absence de BCG voulait dire la mort par tuberculose d’immeubles entiers !
Oui, Le BCG est un exemple majeur... Les positions extrêmes, du genre je vaccine toujours et je ne me pose aucune question ou, je ne vaccine jamais et je ne me pose aucune question, sont des attitudes qui peuvent être dictées par l’émotion, la peur, on est très proche de l’irrationnel, en tout cas on n’est pas dans le méthodique scientifique argumenté. Les positions extrêmes tendent à augmenter le degré d’ignorance des gens et des médecins, elles véhiculent des affirmations fausses, approximatives, généralisant des faits qui n’ont rien à voir ensemble. On est toujours dans la confusion qui est, déjà, de mettre dans la même seringue le rougeole-oreillon-rubéole ou DTPolio-coqueluche-hémophilus-hépatite... Cette confusion actuelle n’est possible que s’il y a confusion préalable et elle crée les bases de la confusion future. Pour la prévention de la fièvre typhoïde, par exemple, les gens qui se reposent sur la vaccination oublient de dire simplement qu’il faut se laver les mains, qu’il faut laver les fruits et qu’il faut les éplucher et qu’il faut vivre... C’est cette dimension de globalité de la médecine, de globalité de la personne qu’il faut reprendre en main en comprenant que les extrêmes, d’une part nous empêchent de parler, d’autre part créent les conditions d’une confusion interminable. La population, par exemple, ne sait rien des conditions d’éradication de la variole, elle ne sait rien des conditions de la disparition du typhus etc. Elle connaît très peu de choses sur la fièvre typhoïde. Les labos ne peuvent vendre les outils de lutte contre la peur que si la peur est non articulée, irrationnelle, non modérée, non en relation avec la vérité des maladies infectieuses et la vérité des possibilités qu’offre le vaccin.
MK : Tu as insisté sur le fait qu’il n’y avait pas ou peu de paroles des instances sanitaires sur la question. Il y a maintenant l’actualisation annuelle des recommandations vaccinales, mais on n’y trouve effectivement pas les réflexions et débats que nous menons ici. Pour les vaccins, j’ai plutôt suivi ce que disait Prescrire. Je me suis rendu compte que souvent à la sortie d’un vaccin, Prescrire était interrogatif et qu’après, il finissait par le conseiller ; mais j’ai suivi parce qu’il est très difficile de résister à la pression vaccinale sociétale qui fait que s’il arrive un problème on se considère comme responsable si on n’a pas vacciné.
C’est un sujet sur lequel il est très dur comme tu le dis de ne pas être dans la confusion.
JPL : Oui, on peut se laisser porter par le « courant vaccinaliste », un courant de réassurance de tous par la foi, mais qui ne mérite pas de nous rassurer.
SC : Et toi, dans ta pratique, comment faisais-tu ?
JPL : J’ai toujours dissocié ce que j’écrivais de ma pratique. J’ai conçu mes écrits comme une interrogation de mes pairs en leur demandant : « Que faire ??? » et dans le même temps, j’ai fait ce que j’ai pu, c’est-à-dire comme vous. Mes enfants n’ont eu ni BCG, ni la coqueluche ni le ROR car, avec l’accord de ma femme, je ne voyais pas de raison de faire ces vaccins à mes enfants, vu leurs conditions de vie ! C’était ma pratique quand j’étais libre et quand des amis proches me demandaient mon avis. J’ai connu la période où le vaccin antivariolique était obligatoire ; beaucoup d’étudiants en médecine sachant que j’avais écrit dans Pratiques un article de réflexion sur la variole me demandaient mon avis et je les dissuadais de se faire la variole. Je me souviens de deux d’entre eux qui l’ont fait en appuyant très peu pour que cela ne prenne pas, et cela a pris ! Ceci, c’est pour dire l’irrationnel ! Quand dans ma patientèle des gens me disaient : « Je ne suis pas pour le BCG ou je ne suis pas pour la coqueluche », je leur répondais : « Vous avez raison », par ailleurs bien évidemment je les informais, je leur expliquais comment cela se présente, et que si on tousse, on ne va pas rencontrer des bébés de 2 mois ; je parlais de prévention, mais je n’ai jamais fait de forcing pour faire le BCG ou la coqueluche. Voilà. Mais j’ai globalement accepté de faire ce que faisaient la plupart des médecins. D’autant plus que j’étais dans un cabinet de quatre pédiatres qui avaient à peu près la même analyse. Ceci étant, je pense qu’ils étaient un peu moins hostiles au BCG et à la coqueluche que moi, mais je ne pense pas qu’ils aient jamais fait pression sur quelqu’un qui aurait refusé. Je n’ai jamais fait de faux certificat d’exemption, mais j’ai eu avec des parents des discussions qui ont pu durer jusqu’à une heure et parfois, je me demandais si c’était ma fonction de passer une heure à expliquer ce qu’est l’hémophilus à quelqu’un qui l’oublierait rapidement.
Je garde l’idée que la question des vaccinations doit être posée par écrit avec des références en faisant abstraction de l’expérience personnelle de chacun de nous.
SC : J’ai essuyé pour ma part des remarques à la limite de l’injure parce que j’avais accepté de ne pas vacciner contre le BCG...
Dans notre groupe de formation médicale continue, on avait choisi le thème des vaccinations et le sujet était tellement passionnel qu’on avait décidé de ne pas inviter d’expert. Ma collègue représentait les pro-vaccinations et moi les anti-vaccinations. En naviguant sur Internet, j’ai découvert que des sites anti-vaccins étaient souvent aussi des sites intégristes, notamment Madame Boutin qui est aussi contre l’IVG et très à droite. C’est vraiment extraordinaire quand tu vois les débats complètement irrationnels sur ces sites...
En faisant le sommaire de ce numéro, on se disait qu’on avait peu d’articles positifs sur la vaccination. Est-ce qu’on peut parler de ce qu’elle apporte de positif ?
JPL : Oui bien sûr, je pense que ce qui est positif dans les vaccins, c’est qu’ils sont des outils d’une efficacité majeure quand ils sont bien utilisés. Il n’y a pas l’ombre d’un doute que certains d’entre eux comme les vaccins anti-diphtérie, anti-polio ont joué un rôle majeur dans la diminution de ces maladies infectieuses ; leur efficacité et leur innocuité relative ne me paraissent pas discutables. Ce qui est de la folie, c’est d’utiliser tous ces vaccins sans se demander s’ils jouent un rôle dans l’augmentation des allergies. L’hypothèse hygiéniste laisse entendre que certaines maladies sont devenues plus fréquentes à mesure que les maladies de l’enfance étaient mieux contrôlées. On sait peu de chose sur l’écologie microbienne et il est complètement fou de ne pas s’interroger et encore plus fou de confier l’interrogation à Sanofi ; mais sinon, que les vaccins soient efficaces, c’est évident.
MK : On a quand même du mal à savoir la part de la vaccination et celle des autres mesures dans la diminution des pathologies. On a bien vu l’importance des mesures d’hygiène par rapport au virus Ebola qui sévit dans les pays où le système de santé est complètement désorganisé.
JPL : La part est simple, la rougeole est une maladie qui touchait tout le monde et qui ne touche plus que les non vaccinés ; de même pour la rubéole. Ces infections dites inévitables de type rougeole rubéole sont extraordinairement contrôlées par la vaccination, cela ne veut pas dire que le vaccin est souhaitable, ni qu’il soit souhaitable pour tous, mais cela veut dire qu’il est efficace.
MK : Oui, mais la diminution des complications d’une maladie peut aussi être due à l’amélioration des conditions de vie des gens, c’est le cas de la rougeole.
JPL : Pour la rougeole, dans les années 30, les conditions de vie à Dakar étaient telles que la mortalité y était beaucoup plus importante qu’à Paris. Le vaccin a été un facteur considérable de diminution de mortalité dans les pays où la rougeole tuait, mais en France, même avant la vaccination, elle ne tuait plus que quelques dizaines de personnes par an. Le vaccin n’est pas ce qui a fait diminuer la mortalité par rougeole en France, mais par contre il a fait diminuer la fréquence de la maladie.
L’OMS n’a pas essayé d’analyser ce que les différentes vaccinations ont apporté aux différents pays en distinguant chaque maladie et chaque pays ou région. On navigue dans un océan d’ignorance, d’incertitude, de non-débat et en même temps tout cela est coiffé par un « grand » qui a plein d’argent et des idées claires ; vous savez sûrement que Bill et Melinda Gate ont fondé un organisme de vaccinations dans le tiers-monde qui est bien plus riche que l’OMS...
MK : À propos de non-débat et de fausses informations, il y a l’exemple récent de ce nourrisson qui a fait une hyperthermie maligne dans les suites immédiates d’une vaccination associant six vaccins (DTPolio, coqueluche, hémophilus, hépatite B) et le Prévenar®. Bien que cette association soit connue pour donner plus d’hyperthermies sévères, elle fait partie du schéma vaccinal recommandé et le directeur du Comité technique des vaccinations (CTV), au lieu de le reconnaître, a répondu à la presse que cette association ne posait pas de problème particulier !
JPL : Oui, mais comme tout édifice totalitaire, ils ne supportent aucune égratignure.
D’un point de vue de santé publique, on pourrait accepter que des vaccins qui sauveraient mille personnes puissent en tuer une, mais c’est bien sûr impossible à entendre de la part des parents. C’est toute la différence entre la vaccination vue d’un point de vue individuel et la vaccination vue d’un point de vue de santé publique.
On n’a jamais eu de débats sur ce qu’on peut en penser d’un point de vue éthique, d’un point de vue philosophique, tout simplement parce que les éthiciens, les philosophes ne sont pas en relation avec les virologues, les cliniciens. Ce devrait être le travail des pouvoirs publics de réunir ce monde-là et de les mettre en situation de se parler, de publier et ne pas laisser les laboratoires prendre cette place.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts avec les entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé.