Du changement à l’hôpital ?

De nouvelles idées en diététique peuvent faire leur chemin (pas toujours aisément) au sein de l’hôpital.

Morgane Baridon
diététicienne

J’exerce ma profession dans un centre diététicienne médical depuis plusieurs mois. C’est grâce à la lecture de quelques supports bien référencés, notamment Lait Mensonges et Propagande de Thierry Souccar, que j’ai découvert une réalité scientifique sur les produits laitiers qui n’avait jamais été évoquée durant mon BTS de diététique. D’abord incrédule puis scandalisée par tant de manipulations décryptées dans ces travaux, j’en ai fait part à mes collègues diététiciennes. Au nombre de cinq, aucune d’entre elles n’était au fait de ces données scientifiques actuelles sur ce groupe d’aliments. La majorité s’est pourtant montrée réfractaire au fait de remettre en question les produits laitiers, leur consommation dans ce centre étant fortement prônée par le corps médical, comme c’est le cas ailleurs sans doute.

Les produits laitiers se sont imposés à nous comme d’incroyables alliés santé, par le biais de nos autorités de santé, des industries et des médias, qui entonnent sur ce sujet le même refrain en cœur, inlassablement. Je n’ai pu accepter de telles règles de conduite au sein d’un centre médical ayant un service nutrition bien réputé, et j’ai donc décidé d’en discuter avec ma cadre de santé. Celle-ci a fait suivre le message et cela a conduit à ce que la controverse des produits laitiers soit un thème abordé lors de la prochaine réunion du Comité de Liaison en Alimentation et Nutrition (CLAN). J’ignore ce qui adviendra suite à cela, mais il est certain que la simple discussion de ce sujet ne peut être que bénéfique, en espérant qu’elle puisse encourager les débats et contribuer à libérer la parole au sein de l’équipe de soin et, pourquoi pas, mener à des initiatives innovantes voire courageuses si besoin, dans l’intérêt des patients.
Il faudrait se donner les moyens de changer les choses lorsque cela s’avère nécessaire, et pour cela les professionnels de l’alimentation devraient se tenir au courant des actualités et controverses concernant la recherche de leur domaine, en sachant discerner l’intérêt et les valeurs portées par les différentes sources d’information en présence. Il est assez bouleversant de prendre conscience que des médecins, nutritionnistes et diététiciens, à qui nous donnons notre confiance en matière de nutrition et de santé puissent être manipulés, mais n’est-ce pas l’une des leçons essentielles à retenir de l’affaire Médiator® ? Il est pourtant aujourd’hui toujours aussi difficile d’être entendu lorsque l’on va à l’encontre des recommandations officielles, et de ce qui est pris et répété comme seules références valables par la majorité de la profession, sans réel débat la plupart du temps.
Il est vrai que le doute n’est pas toujours chose facile à vivre, car si nous ne pouvons pas avoir confiance dans les plus hautes instances sanitaires, à qui pouvons-nous nous fier ? Tant d’informations/désinformations arrivent à semer le trouble, et cela nécessite ensuite un certain temps pour aiguiser son discernement et arriver à mieux trier le bon grain de l’ivraie. En tant que diététicienne, l’affaire des laitages m’a particulièrement secouée et je me suis rendu compte qu’il est difficile ne serait-ce que de mettre en question des repères si solidement ancrés dans les esprits. Mais selon moi, nous nous devons, en tant que professionnels, de mettre nos conceptions à l’épreuve, sachant que notre domaine d’exercice est sujet à diverses influences pouvant s’écarter bien loin de l’intérêt des malades. Et j’ai le sentiment que les choses peuvent changer, et nous le devons aussi à ceux qui travaillent, cherchent, analysent et délivrent des informations indépendantes et de manière critique. Il faudrait encourager ce cheminement vers plus un savoir plus juste afin que professionnels et grand public puissent bénéficier de conseils plus avisés.
L’arrivée de l’alimentation industrielle ainsi que de diverses pollutions chimiques depuis les années 50 jouent sans doute un rôle non négligeable dans un nombre important de pathologies très répandues. Si certaines recherches peuvent permettre aujourd’hui de pallier certains de ces troubles, nous devrions en connaître les clefs et les utiliser à bon escient. Et ne pas attendre que les autorités nous disent ce que nous devons penser et faire.


par Morgane Baridon, Pratiques N°56, février 2012

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