Qui n’a jamais entendu parler des déserts médicaux ? Et des diverses solutions évoquées, dont l’incitation ou la coercition des jeunes professionnels de santé à s’installer dans certaines localités dépourvues de médecins ? Mais quel est le problème ? La France est dotée d’un système de santé techniquement performant, assorti d’une protection sociale théoriquement égalitaire. Pourtant, l’on meurt anormalement plus tôt dans certaines régions, dans certaines professions, voire dans certaines villes, même à forte densité médicale. Au-delà de la répartition des médecins dans le pays, quelle est réellement leur fonction ? Comment les questions de santé sont-elles appréhendées et qui en est responsable ? Quel rôle jouent les questions sociales et environnementales ? Comment les professions de santé répondent-elles, ou non, aux besoins de soins de la population ? Qui décide de la carte de l’aménagement du territoire du point de vue de la santé, des missions de chaque catégorie de professionnels et de leur articulation ? La France manque cruellement de politique cohérente et à long terme dans ce domaine, en particulier quant au recrutement et à la formation des médecins. Le système hyper-élitiste des études médicales n’oriente pas les étudiants vers une médecine de proximité au service des usagers. Si certains candidats choisissent d’emblée la médecine générale, trop nombreux s’y orientent par dépit, faute d’avoir pu faire une spécialisation. Pourtant, des expériences montrent que le goût de ce métier peut être transmis. Beaucoup de jeunes médecins ont peur de l’exercice isolé et revendiquent des conditions de travail et de vie « normales ». Des regroupements de professionnels permettent de répondre à l’aspiration de soignants à travailler dans un cadre collectif. Le départ à la retraite d’une génération de médecins libéraux peu enclins au changement pourrait offrir une opportunité de réflexion sur la place des soignants dans la société d’aujourd’hui, sur leur formation, leur statut et leurs missions. Cette réflexion doit être partagée avec les citoyens et leurs élus, et menée à partir de l’évaluation des besoins de la population, de ses aspirations et des capacités de chacun à prendre en charge la gestion de sa propre santé. Elle doit s’intégrer à une réflexion plus globale sur l’aménagement du territoire.
N°60 - février 2013
— DOSSIER — Déserts médicaux : où est le problème ?
Pratiques N°60, janvier 2013