— DOSSIER — A quoi servent les drogues ?

À quoi servent les drogues ? La question de l’usage de drogues est compliquée des intérêts qu’elle génère, des réseaux financiers qui la sous-tendent, de désirs de contrôle des comportements. Où se situe la liberté d’usage de soi, de son corps ?
Le mot drogue désignait au départ un médicament. Aujourd’hui, il nomme un produit jugé dangereux, et dont on peut devenir dépendant. Entre ces deux représentations, beaucoup d’expérimentations, de pharmacopées, de fantasmes, et d’interrogations, tant chez les soignants que dans la société. Pourquoi certaines drogues sont-elles légales alors que d’autres sont l’objet de prohibitions, donc de répression ?
Quel rôle les soignants peuvent-ils jouer auprès des usagers, afin de les aider à limiter les risques associés, dont la dépendance ?
Voltaire définissait un médecin comme « quelqu’un qui verse des drogues qu’il connaît peu dans un corps qu’il connaît encore moins ». Face aux « médications de la rue », le médecin est amené à accompagner des patients qui connaissent et recherchent des effets que lui-même ignore, dans la consommation de produits non autorisés.
Les médecins ont rejeté et évité les usagers de drogues, qui le leur rendaient bien, pendant des années. Certains ont eu le courage d’aborder la question sous l’angle politique, ils ont osé expérimenter des outils originaux pour nouer un contact et avec ces usagers singuliers.
Mais la médicalisation de la question des drogues pose problème : est-elle un obstacle ou un préalable à la réduction des risques ? C’est l’un des objets du débat contemporain entre dépénalisation (libéralisation de la consommation, sans nécessairement encadrer le marché et la diffusion des produits) et légalisation (encadrement de la production, distribution, commercialisation). Quelle est la place des soignants dans ce débat ? Doivent-ils participer à la pathologisation de conduites qui relèvent de « l’usage de soi » ?
Vingt ans ont passé, les usagers de drogue ont montré qu’ils étaient capables de participer à la prise en charge de leurs problèmes de santé et leurs représentants sont devenus des interlocuteurs privilégiés dans la lutte contre le sida et la réduction des risques. Mais les consommations ont changé, de nouveaux produits circulent, les traitements de substitution montrent leurs limites, et sont même parfois à l’origine de nouvelles dépendances. Les usagers les plus fragiles subissent de plein fouet les effets de la répression et de la stigmatisation.
Heureusement des soignants, des associations et des usagers continuent d’inventer des outils et s’engagent afin de soutenir ces personnes que la société a choisi d’exclure.


Pratiques N°58, juillet 2012

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