Sylvie Cognard
Médecin généraliste
Parmi les dizaines de mails qui arrivent chaque jour dans ma boîte virtuelle, ceux du Réseau éducation sans frontières (RESF). Quand j’apprends que des « déboutés » de leur première demande du droit d’asile en France se retrouvent à la rue, faute de places suffisantes dans le CADA (Centre d’accueil des demandeurs d’asile), ma mère vient de décéder et le petit appartement jouxtant notre maison que nous avions fait construire pour qu’elle puisse y finir ses jours près de nous est inoccupé. Des gens à la rue – un toit sans personne dedans… Cela me semble évident de proposer d’accueillir sans aucun échange d’argent d’abord une famille arménienne, un jeune couple et leurs deux enfants de 5 ans et 18 mois en 2009, puis une famille ossète, une mère et sa fille de 10 ans en 2012. Ces deux familles sont aujourd’hui régularisées et ont obtenu des titres de séjour et ont des logements. Petite goutte d’eau solidaire dans notre monde de brutes, ces familles ont pu retrouver leur souffle, exister à l’abri des vicissitudes. J’ai accompagné seule ou avec le réseau certaines démarches, la reconnaissance des lourds traumatismes subis (meurtre de conjoint, viol, séquestration, discrimination, persécution), la scolarisation des enfants, la recherche de travail et même un nouveau bébé. Et en échange, j’ai reçu l’affection de ces personnes, la découverte de leurs pays d’origine et de leur culture, leur aide pour l’entretien du jardin, un coup de main pour le ménage, la garde de mes animaux pendant mes absences. Et l’immense joie de les voir retrouver leur place sur notre planète. Je suis citoyenne du monde et eux aussi…