Jean-Félix Cuny
Artiste, pas si dramatique que ça...
S’il est, parmi beaucoup d’autres, un enseignement à tirer de la crise du Covid-19, c’est que le confinement auquel nous sommes astreints met en évidence la nécessité du lien. Nous sommes un mammifère social, et nous avons, même en dehors de toute nécessité matérielle, un besoin impérieux les uns des autres, en témoigne, par la voie téléphonique, le resserre-ment récent de liens amicaux, par le temps distendus : combien d’amis s’appellent au prétexte de demander des nouvelles, après des mois, voire des années de silence ? La chaleur d’une voix aimée vient « embaumer » au sens premier la blessure d’une solitude contrainte. En effet, rien n’est moins naturel que de devoir éviter tout contact physique avec nos semblables, et si 98 % des malades annoncés traverseront cette période « carcérale » sans dommage apparent, 100 % auront fait la douloureuse expérience de cette violence que nous nous imposons. Qui peut jurer qu’il n’en restera pas trace ?
Le commun des mortels que nous sommes, suspendus aux médias, est perdu tant des déclarations contradictoires, venues même de l’élite du corps médical, en rajoutent à l’angoisse générale. Les journalistes télévisuels se surpassent dans la présentation hallucinée du cauchemar mondial : le nombre des décès n’est pratiquement jamais mis en rapport avec l’effectif total des populations concernées. À ce jour, combien de milliers de victimes en regard des sept milliards d’individus peuplant la planète ? D’aucuns en déduisent hâtivement qu’il ne s’agit là que d’une banale épidémie, tandis que d’autres, tout aussi « autorisés » parlent d’une pandémie inédite. Ne parlons pas de la cacophonie des réseaux sociaux. Demandez son avis au citoyen de Bergame ou de Mulhouse. Que peut en conclure le citoyen de base calfeutré chez lui et relativement épargné pour l’instant ? Il réagira selon son caractère optimiste ou son penchant bilieux, son humeur du moment, l’approche de la nuit dans le silence contraint de son confinement.
Au-delà du discours gouvernemental convenu, relayé par l’élite autoproclamée de journalistes conformés relayant la doxa officielle, on nous rabâche l’inutilité du masque de protection pour tous, comme le pratiquent avec un apparent succès des pays du Sud-Est, sans doute pour « masquer » une coupable impréparation ? Il en est de même pour les solutions hydroalcooliques. Notre président déclare « la guerre » mais envoie ses fantassins, soignants, policiers, soldats, commerçants, au front et sans arme. Dans un éclair de lucidité, ou de panique, il envi-sage d’affranchir la santé publique des lois du marché. Ainsi devrait-il en être de l’éducation et de la culture, mais il n’y avait pas pensé jusque-là. Donnerait-il raison à ceux d’entre nous qui préconisent une citoyenneté solidaire, au-delà de toute politique partisane ? Chiche mon Président, aux actes !
Un jour encore trop lointain, nous sortirons vainqueurs de ce cauchemar et nous nous remettrons à rêver. Une si longue claustration ne peut qu’aboutir à un approfondissement de notre réflexion sur un avenir différent, un humanisme régénéré. Échangeons, pour être prêts ce jour de joie retrouvée.