Martine Lalande,
médecin généraliste
Antoine a été maltraité par sa mère qui était battue par son père. Du coup, il a échoué à l’école, et s’est instruit tout seul. Quand sa copine a été enceinte et a voulu garder sa grossesse, il s’est enfui. Il retape des maisons, travaille dans le contrôle des voitures, fait du théâtre pour maîtriser ses émotions, et lit la vie de Jung pour s’endormir. Il n’arrive pas à aller voir un psy, mais me raconte sa vie. Il y a eu beaucoup de péripéties, dont une période où il a pris de l’héroïne. « Les drogues m’ont fait comprendre qu’on pouvait vivre sans souffrance. C’était la sensation de renaître sans ses bagages. Quand ça revient, on a été tellement libre et heureux et on reçoit ses bagages, ils sont trop lourds, tellement qu’on ne peut pas les porter. On se réfugie de nouveau dans la drogue. Si je n’avais pas eu cette expérience, je n’aurais pas su qu’on pouvait vivre sans ses bagages. C’est le seul moment de ma vie où j’ai été heureux dans mon conscient, mon inconscient et mon âme. Quand je mets en balance le bonheur et la contrepartie du délire que cela a entraîné... Aujourd’hui (longtemps après avoir arrêté la drogue — note de l’auteur —) j’ai des moments de bien-être, mais ce n’est pas du bonheur. Le bienêtre, c’est avant de dormir ou quand on se réveille, quand on n’est pas encore dans le présent, une demi-heure de bien-être où on n’est pas encore conscient... »