Cécile Roche,
étudiante en 8e année de médecine à la faculté Paris-Diderot, actuellement en stage chez le praticien.
Propos recueillis par Martine Lalande
Pratiques : Comment s’est présenté pour vous le besoin de formation sur l’erreur médicale ?
Cécile Roche : Il n’y a pas de formation sur l’erreur médicale pendant les six premières années d’études. Ni dans les enseignements théoriques ni dans les stages d’externe [1], on ne nous sensibilise pas à la question. Quand des erreurs ont eu lieu, personne n’explique aux étudiants comment gérer la situation. Lors des staffs, seuls les dossiers des cas qui se sont « bien passés » sont choisis, pour comprendre le cheminement normal d’une prise en charge. Il y a des cas où c’était compliqué, mais à un moment quelqu’un a trouvé la solution. C’est très perturbant pour un interne d’être confronté à l’erreur, les siennes, celles dont on est témoin ou celles auxquelles on a participé. J’ai vraiment de mauvais souvenirs quant à mes premières expériences d’erreurs, les miennes ou celles que j’ai subies quand je n’en étais pas responsable. Parfois un chef [2] dit une phrase comme « Cela arrive à tout le monde », ce qui rassure, mais n’est pas constructif. Ce qui m’a fait vraiment avancer est d’écrire une « trace » [3] sur une erreur. Cela m’a aidée de poser les choses sur le papier. J’ai pu en parler avec mon tuteur, hors du service où j’étais en stage. Il m’a accompagnée dans le raisonnement : Pourquoi à ton avis cela s’est mal passé ? Qu’est-ce que tu peux en tirer ? Et que feras-tu la prochaine fois ?
C’est vous qui aviez pris l’initiative, mais avez-vous eu d’autres enseignements ?
C’est la première histoire clinique que j’ai écrite, lors de mon premier stage d’interne à l’hôpital. Je n’avais pas bien vécu la situation, donc je m’étais dit qu’il fallait que j’en fasse quelque chose. Après, j’ai eu l’enseignement à la fac, pendant le stage chez le praticien. Sur une après-midi, il y a une présentation, on discute, chacun raconte ses expériences et on écrit, puis on se revoit une deuxième fois pour présenter chacun son histoire après avoir réfléchi pour comprendre ce qu’il s’est passé et ce qu’il aurait fallu faire. J’ai assisté à la première partie de cet enseignement. On était tous plutôt soulagés et enthousiastes d’avoir participé à ce cours. Tout le monde avait envie de parler. Chaque interne avait une histoire à raconter, au moins une. On l’a fait aussi dans notre groupe de stage chez le praticien, en petit comité. Nous sommes six internes en stage dans la même région, nous nous réunissons une fois par mois, une séance a porté sur l’erreur. Mon maître de stage a parlé d’une expérience qu’on avait eue ensemble, puis j’ai raconté une autre histoire dans un autre stage. Chacun a parlé de ce qu’il avait vécu. Il faudrait l’aborder avant, quand on est externe, par exemple dans les cours sur la relation médecin-malade. On apprend à faire des consultations d’annonce pour des diagnostics difficiles, mais il n’y a pas de cours sur l’annonce d’une erreur. En situation, on ne sait pas s’il faut le faire, ni comment le faire.
Actuellement, si vous pensez que vous vous êtes trompée, que ferez-vous ? Vous en parlerez à votre maître de stage, à votre tuteur, vous l’écrirez ?
Maintenant, c’est sûr que j’en parlerai à mon maître de stage, sachant qu’il a réussi à instaurer cette possibilité de dialogue. Mais tous les maîtres de stage ou chefs à l’hôpital ne sont pas sensibilisés à cela, on a souvent l’impression qu’il y a un blocage qui ne permet pas d’en parler. Quand la relation est privilégiée, c’est beaucoup plus facile de parler de ses erreurs et de désamorcer les choses. Une fois retournée à l’hôpital, maintenant que je sais qu’on peut en parler et que c’est mieux de le faire, je pense que j’en parlerai avec un chef si cela m’arrive.