Présenté par Sylvie Cognard
Après avoir introduit son sujet et exposé sa méthodologie, l’auteur a divisé son ouvrage en quatre parties.
Tous les pays sont touchés… sauf quelques-uns !
Des chiffres et des graphiques montrent que la croissance du cancer de la prostate comme les troubles de la reproduction ne peut être expliquée principalement ni par la génétique, ni par le simple fait du vieillissement ou du dépistage (page 42). Les taux plus élevés dans les pays développés, des études sur les jumeaux ou sur les migrants montrent que c’est l’environnement au sens large du terme qui est en cause.
Le vieillissement de la population n’explique qu’un cancer de la prostate sur six. Au niveau mondial, c’est le premier cancer masculin et il est devenu la cinquième cause de mortalité masculine par cancer ; son incidence a triplé en 25 ans.
En ce qui concerne la fertilité masculine, plusieurs études montrent un déclin de 50 à 60 % avec un nombre de spermatozoïdes ayant diminué de près de la moitié dans un éjaculat.
Révolution scientifique et révolution de la santé
Une grande partie des maladies de l’enfant et de l’adulte proviennent de stress environnementaux (chimiques, nutritionnels et psychoaffectifs) subis pendant la période de la grossesse et de la petite enfance. Cela a donné naissance au concept de la DOHaD, ou Origine développementale de la santé et des maladies. Le support biologique de ces stress est la modification de l’épigénome [1], qui constitue la partie périphérique du génome. Une grande partie de ces modifications peuvent être transmises sur plusieurs générations.
Les perturbateurs endocriniens (PE) ne sont pas des substances chimiques comme les autres : ils agissent selon un mode d’action différent de celui connu classiquement en toxicologie. La logique qui prévaut n’est plus « la dose fait le poison », mais « la période fait le poison ». Comme la nocivité des PE ne dépend pas de leur dose, il faut les éliminer le plus possible de notre environnement.
Des maladies environnementales
L’augmentation de l’incidence du cancer de la prostate est établie pour certaines expositions professionnelles (certains pesticides, Agent orange, dioxine, alkyphénols, PCB, arsenic) et est suggérée en population générale.
L’exposition au bisphénol A pendant la gestation augmente le risque lié à l’exposition aux œstrogènes à l’âge adulte.
Les agents ayant un effet androgénique, antiandrogénique et oestrogénique sont susceptibles d’être des causes vraisemblables de ce cancer.
Un certain nombre de PE sont liés aux atteintes à la reproduction masculine : phtalates, bisphénol A, certains PCB, certains pesticides.
« C’est aujourd’hui que se définit la future santé de nos enfants »
Dans cette dernière partie, l’auteur s’interroge sur la difficulté à utiliser le mot « épidémie » pour le cancer de la prostate. Ce terme nous vient du grec epi = sur et dêmos = peuple, il qualifie selon le Larousse « soit l’apparition d’un grand nombre de cas d’une nouvelle maladie, soit l’accroissement considérable du nombre de cas d’une maladie déjà existante, dans une région donnée, au sein d’une communauté ou d’une collectivité. » Sa réponse est que, devant l’ampleur des chiffres, ne pas employer le mot d’épidémie n’est pas qu’une question de vocabulaire, cette négation de l’épidémie se traduit par une absence de politique pour y faire face. Il dénonce la quasi-mutité du plan cancer 2014-2019 sur les causes environnementales. [2] Puis il propose de passer à l’action : se réfugier derrière des arguments du type du vieillissement et aux facteurs de risques comportementaux comme seules explications, c’est se réfugier derrière une sorte de ligne Maginot de la santé publique. André Cicolella recense ensuite diverses initiatives citoyennes et scientifiques pour lutter contre ce fléau, comme par exemple la campagne « Pour des villes et des territoires sans perturbateurs endocriniens » ou l’enjeu des « 1 000 jours pour la santé ».
Avec ce nouvel ouvrage aisé à lire et à comprendre, André Cicolella, lanceur d’alerte infatigable sur l’explosion des maladies chroniques, poursuit ses travaux d’analyse et de recherche sur la santé environnementale en espérant briser l’omerta qui entoure ces sujets. Sans pessimisme, mais fermement, il déclare : « Il faut aujourd’hui que les responsables politiques apportent des réponses institutionnelles qui permettent de faire face à ce défi. C’est la responsabilité des générations présentes vis-à-vis des générations futures. »
* Les perturbateurs endocriniens en accusation - Cancer de la prostate et reproduction masculine, André Cicolella, Éditions Les petits matins.