Coline Kasperet,
étudiante en Master 2 à la Sorbonne-Nouvelle, Paris II
« Slow Food », ce n’est pas manger lentement. Ou pas seulement. Adhérer aux principes du mouvement Slow Food — créé en 1989 par Carlo Petrini, journaliste, sociologue et critique gastronomique italien, et soutenu par des personnalités comme Marion Nestle (lire l’article de Paul Scheffer) — signifie tout d’abord comprendre que l’on est ce que l’on mange et prendre conscience de son pouvoir en tant que consommateur. Carlo Petrini prône une nourriture « bonne, propre et juste ». Bonne au goût, propre pour l’environnement, juste pour le producteur. L’éducation aux saveurs trop souvent oubliées, l’agriculture biologique et à petite échelle, le commerce équitable, le respect de la biodiversité, sont autant de thématiques qui guident
les partisans du mouvement. Les fast-foods, la malbouffe, la mauvaise répartition des denrées alimentaires pourtant produites en excès, sont autant de choses que Slow Food s’efforce de contrer. Mais comment sensibiliser la population à ces thématiques ? Pour Slow Food, la première étape est de se réconcilier avec l’art de la table : manger, ce n’est pas engloutir, c’est faire preuve de convivialité autour d’un plat, partager des recettes et des savoir-faire pour prendre conscience que se nourrir, l’activité humaine la plus importante selon Carlo Petrini, mérite qu’on y consacre du temps, tant dans le choix des produits que dans la préparation des repas.
En France, Slow Food est encore assez peu connu. L’association nationale Slow Food France créée en 2003 a finalement été dissolue lors d’une assemblée générale en juin dernier. Jean Lhéritier, ex-président de l’association, affirme cependant qu’il s’agit simplement d’un changement d’organisation qui n’affectera en rien la progression du mouvement, bien au contraire. Les « conviviums » français resteront actifs, et leurs projets seront dorénavant orchestrés par le siège de Slow Food International, en Italie. Le terme « convivium » désigne ici un groupe rattaché à Slow Food, qui mène des actions au niveau local. En France, c’est le convivium de Tours qui est aujourd’hui le plus actif, organisant divers événements et ateliers éducationnels de sensibilisation, notamment pour les enfants qui, informés dès leur plus jeune âge, pourront continuer à faire changer les choses dans les années à venir. C’est également à Tours qu’a eu lieu en novembre 2011 une biennale européenne du goût, où l’on peut déguster des produits traditionnels, mais surtout participer à des ateliers et des conférences sur l’importance de se diriger vers une consommation plus responsable.
Si le mouvement Slow Food progresse, il ne fait pas pour autant l’unanimité. La France est devenue, suivant l’exemple des États-Unis, un pays adepte de la « fast life », comme la majorité des pays dits « développés ». Certains restent insensibles aux problèmes que soulève le mouvement, considérant ce genre de préoccupations pour « bobo-écolos » tout sauf digne d’intérêt. Le mouvement Slow Food n’affiche pourtant aucune volonté élitiste ou bourgeoise, puisqu’il œuvre bien au contraire pour que tous aient accès à une alimentation de qualité.
On aurait pu penser que la France serait plus sensible à ce mouvement qu’un pays comme les États-Unis, et pourtant. Le mouvement Slow Food a pris bien plus d’ampleur aux États-Unis, malgré une culture de la « fast life » encore plus ancrée outre-Atlantique. Le surpoids et l’obésité y constituent un véritable problème de santé publique, d’où l’initiative « Let’s Move ! » initiée par Michelle Obama pour encourager les jeunes à manger sainement et faire plus de sport. D’autre part, des études scientifiques de plus en plus nombreuses révèlent un lien solide entre alimentation et cancers [1]. Beaucoup de consommateurs réalisent enfin qu’il est temps d’arrêter d’empoisonner leurs corps. Revenir à une alimentation plus « slow », c’est aspirer à la santé. La France attendra-t-elle d’atteindre un niveau d’obésité et de maladie critique pour réagir ?