Sylvie Cognard
Médecin généraliste
L’auteur montre dans cet ouvrage le sport sous un visage inhabituel. Avec force exemples, il tend à montrer comment le sport développe, voire renforce les formes les moins acceptables de la domination.
L’un des cinq chapitres est consacré au dopage et aux pathologies.
Il n’est pas de pratique sportive qui ne soit exposée au dopage. Loin d’être une pratique marginale, c’est un véritable système (soignants, entraîneurs, financement, approvisionnement, etc.)
L’intensité des compétitions oblige les sportifs, malades ou blessés, à se « soigner » pour répondre aux nécessités de leur métier. Les différentes formes de dépendance sont les fondamentaux de la reproduction sportive. La dépendance physique à l’activité par la production d’endorphines, la dépendance sociale par l’identification à laquelle certains sportifs s’accrochent comme une moule à un rocher, la dépendance économique et financière car il faut, dans ce monde amateur ou professionnel, accumuler suffisamment de revenus pendant la carrière sportive afin de ne pas se trouver démuni lorsque celle-ci sera terminée, la dépendance liée aux conduites dopantes, favorise toutes les formes de vulnérabilité et d’addiction à l’institution sportive. La demande de performance qui incombe aux sportifs, celle-ci se comprenant comme un progrès permanent, n’est pas différente de la philosophie générale du capitalisme. En ce sens, les sciences et la performance physique sont toujours intimement liées. Les recherches sur la santé relèvent de cette logique lorsque l’acharnement thérapeutique remplace l’acceptation de la finitude de ce qui est vivant par le désir névrotique de la santé éternelle.
Selon les données, les sportifs « dopés » représentent entre 650 000 et trois millions d’individus. Les pratiquants de tous les niveaux connaissent aujourd’hui cette réalité d’une forme certaine de danger articulée à la réalité du plaisir du produit et de ses effets sur les performances. Le goût pour cette dangerosité, cette prise de risques par conséquent, ne constitue sans doute pas le cœur de la motivation ou de la stratégie, mais renvoie tout de même à un rapport spécifique au risque encouru. On n’a pas là affaire à une attitude suicidaire, mais à une manière particulière de se sentir « être ». Sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles les différents accidents imputés au dopage dont les sportifs ont eu à souffrir ne semblent pas ralentir la consommation de produits dopants. Autrement dit, il se produit avec les substances dopantes le même phénomène qu’avec de nombreux produits psychotropes considérés comme des drogues. Ici, le principe de plaisir est aliéné au principe de réalité qui se décline en principe de rendement ou de productivité.
Il semble que la recherche de la performance est centrale dans le développement des pathologies sociales et des réponses, adaptées ou non, à la fatigue physique et psychologique généralisée.
Le dopage comme pratique récurrente et essentielle de la compétition sportive est avant tout la marque d’une société qui nie l’homme dans son intimité et le poursuit afin d’en faire le symbole d’une pureté réifiée.
* Patrick Vassort, Sexe, drogue et mafias - Sociologie de la violence sportive, Éditions du croquant, mai 2010.