Pratiques l’avait dit en 1977

Martine Lalande

Pratiques l’avait dit en 1977
Pratiques vous l’avait bien dit en 1977 [1] : le benfluorex, alias Mediator®, n’avait pas d’intérêt démontré et de grands risques d’être dangereux. C’était il y a plus de trente ans. Depuis, Prescrire et d’autres revues indépendantes européennes le redisent chaque mois pour des dizaines de molécules, ce qui n’empêche pas les agences du médicament de continuer à les autoriser et la plupart des médecins de les prescrire.
Les pouvoirs publics, en autorisant la visite des représentants des laboratoires pharmaceutiques auprès des médecins, en ville et dans les hôpitaux, se rendent complices de leur manque d’indépendance et de sens critique. Et que dire de la publicité des médicaments à la télévision ! On nous invite chaque jour, entre deux infos, à consommer des anti-inflammatoires, des antiacides et autres médicaments en vente libre.
Joli tollé autour du Mediator® : voilà la revue Prescrire enfin reconnue, le Formindep conforté dans l’intérêt de son combat pour une formation indépendante. Mais craignons que cela fasse long feu et qu’il y ait d’autres médicaments inutiles et dangereux, que l’on mettra encore vingt ou trente ans à débusquer. Ainsi les glitazones, « troisième médicament antidiabétique oral » prescrites tous les jours par les spécialistes, et dont les effets secondaires graves sont dénoncés sans relâche par Prescrire. Et les anti-inflammatoires : après le scandale du Vioxx®, circule toujours le Celebrex® (même famille des coxib, avec les mêmes risques cardiovasculaires). Sans parler des nouveaux anti-hypertensifs, pas plus efficaces que les vieux diurétiques moins coûteux, mais prescrits par les cardiologues, spécialité parmi les plus arrosées par les laboratoires dans leurs congrès et formations.
La liste est longue... Lourde tâche pour les médecins vigilants de les supprimer des ordonnances et de chercher des correspondants qui ne les prescrivent pas.
Pratiques l’avait dit il y a trente ans, Prescrire le redit tous les mois : on peut soigner avec des médicaments connus, éprouvés, dont l’efficacité pour vivre longtemps en bonne santé est évaluée.
Il est grand temps de se rebeller contre la publicité mensongère, contre la corruption du corps médical.
Il est grand temps que les firmes pharmaceutiques cessent d’intervenir dans la formation des soignants et l’éducation thérapeutique des patients.
Il est grand temps que les agences du médicament soient indépendantes des firmes et financées par les deniers publics et que l’expertise y soient indemne de conflits d’intérêts.
Il est grand temps que tout cela devienne aussi une revendication des usagers, car c’est de leur santé qu’il s’agit.
À quoi (ou à qui ?) sert-il de jouer les apprentis sorciers ?


par Martine Lalande, Pratiques N°82, janvier 2011

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