L’information médicale et les patients : quels enjeux ?

Une réflexion sérieuse sur le sujet doit poser la question du formatage actuel de l’information médicale. Aujourd’hui « l’information du patient » se joue dans le cadre convenu, nécessaire mais notoirement insuffisant du colloque singulier soignant/soigné. Qui plus est, pour ce qui est de la médecine libérale, perdure le paiement à l’acte où, plus le professionnel libéral prend le temps d’écouter, de parler, de dialoguer — gages d’une certaine qualité de l’information — et moins il gagne d’argent !
Nous aurions pourtant tout intérêt à aborder un cadre beaucoup moins précis, moins institutionnalisé où devraient exister d’autres circonstances régulières, d’échanges d’informations entre les différents acteurs (citoyens, professionnels du soin, du secteur social mais aussi les gestionnaires, les juristes et les chercheurs) dans une vision de santé publique ou communautaire.

Tenir compte de l’arrière plan général sur lequel se déroule la production de l’information médicale. De plus en plus souvent, pour des nécessités d’effets d’annonce vis-à-vis des investisseurs financiers, les nouveautés médicales court-circuitent les canaux habituels d’information des professionnels du soin, les mettant devant le fait accompli.
Une autre action est à méditer : celle des associations des malades du sida qui ont été des moteurs très efficaces pour informer non seulement les malades, mais aussi les soignants en exigeant d’eux d’être à jour sur le front des innovations.

Qui veut accéder aux informations du dossier médical ? Le dossier médical vaut de l’or pour le secteur marchand de la médecine, de l’industrie pharmaceutique aux compagnies d’assurances privées en passant par les industries de la téléinformatique.
Du côté du secteur public existent d’autres périls redoutables. Par la mise en place de dispositifs généralisés d’informatisation l’Assurance maladie est devenue l’exemple type d’une structure technocratique et centralisée sans réel contrôle démocratique. Si l’on se tourne du côté du monde hospitalier, les procédures d’accréditation sur le mode des normes lSO, issues du monde industriel éloignent de plus en plus en plus les infirmières et les médecins de leurs fonctions de soignants.

L’information médicale relative aux coûts des soins. C’est la motivation essentielle, pour ne pas dire exclusive, des décisionnaires actuels. Le type d’informations dont ils sont très friands ont très peu de rapport avec la question de la qualité des soins, mais ils prennent prétexte de cette dernière pour mettre en place les très lourds moyens nécessaires pour suivre, surveiller, punir les consommateurs ou les producteurs de soins ou encore, vendre les données ainsi glanées aux industries de la santé.

La dimension juridique et jurisprudentielle de l’information médicale. Faute d’avoir pu institutionnaliser des formes régulières de débats où les « comptes à rendre » pouvaient être débattus, c’est à la justice que l’on s’adresse. Avec quels coûts pour la relation médicale ?

Pour une information volatile. L’irruption de la justice fait naître une réticence de plus pour consigner sous forme de traces écrites (qui plus est, lorsque transcrites dans des outils informatiques) quoi que ce soit de l’ordre de l’intimité et du privé des personnes que nous soignons.

Pour être bien informés, il est nécessaire de renouveler les modes de débats.
N’y a-t-il pas un paradoxe majeur pour la démocratie qu’une minorité d’experts et de décideurs bien informés soient seuls à déterminer ce qui va influencer la vie quotidienne de tous ? Le « bien informé » de ceux qui sont dans les rouages du pouvoir politique économique ou administratif doit être élargi à l’ensemble de la population. C’est à ce prix, que les enjeux – souvent contradictoires – qui conduisent à façonner les évolutions de la façon de soigner, apparaîtront plus clairement aux yeux des citoyens.

par Patrice Muller, Pratiques N°43, décembre 2008

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