Didier Ménard
Médecin généraliste
L’ivresse de la victoire à la primaire de la droite a accentué la désinhibition idéologique de la droite conservatrice, au point de faire prendre à Monsieur Fillon le risque d’annoncer la privatisation de l’Assurance maladie. Entendez par privatisation la réalisation d’une vieille obsession de cette droite qui est de transférer au marché de l’économie libérale le remboursement des soins en ville. Les complémentaires santé, assurances privées et mutuelles, prélèvent des cotisations établies en fonction du risque : plus tu es vieux, plus tu payes. Elles remboursent une partie des frais de maladie, mais le reste à charge pour les malades ne cesse d’augmenter ce qui accroît les inégalités sociales de santé. Les actionnaires des assurances privées se régalent et les mutuelles finissent par sombrer dans cet univers de la concurrence sans pitié.
Seulement voilà, la Sécurité sociale et sa branche Assurance maladie sont un bien précieux acquis de haute lutte par les salariés de ce pays. Un bien précieux cela se protège et la réaction fut immédiate : pas touche à la Sécu ! M. Fillon fit alors du rétropédalage parce qu’il n’est pas encore élu ! Mais s’il l’était, ce vieux désir de livrer au marché le soin et la santé reviendrait sous une forme plus ou moins masquée, mais bien réelle.
Sauver l’Assurance maladie est donc plus que jamais notre objectif. Personne n’est dupe : si aujourd’hui elle est mal en point, c’est que les gouvernements se sont employés à l’affaiblir à coups d’exonérations de cotisations pour les entreprises et par une gestion qui n’a rien à envier à la férocité du « management » libéral. L’Assurance maladie est surtout malade de sa direction et de sa gestion, et l’amputer de l’essentiel de ses missions risque tout simplement de l’achever. Et qu’on ne vienne pas essayer de nous faire croire que la malade ne pouvait être sauvée…
Il existe pourtant un traitement efficace et la première phase serait de faire en sorte que l’Assurance maladie devienne la complémentaire de référence des Français. Ils cotiseraient en fonction de leurs revenus et, les coûts de gestion de la sécurité sociale étant considérablement moindres que ceux des assurances privées, la dépense serait d’autant moins élevée pour les usagers alors qu’ils seraient mieux assurés. La santé n’a rien à faire dans le giron des assurances privées, dont chacun sait qu’elles servent surtout à enrichir leurs actionnaires ! Les « vraies » mutuelles pourraient alors envisager de se reconvertir dans la prévention et la lutte contre les pathologies de l’environnement où il y a fort à faire. Ensuite, il faudrait redonner à « la malade » une bonne perfusion de démocratie, veiller à lutter contre les abus de toutes sortes, éloigner les risques pathogènes liés aux lobbies du médicament et la guérison sera au rendez-vous.
Ce traitement institutionnel, simple à mettre en œuvre, sonne comme un programme électoral qui pourrait rassembler…