Cette question hante notre culture, et la hiérarchie qu’elle instaure entre la pensée et l’action mériterait d’être revisitée. Entre les tenants du faire, à l’instinct et au « bon sens », certes indispensables, mais insuffisants à produire des données transmissibles, et ceux qui pensent sur ce que font les autres, souvent à leur place, voire à leur insu, il est difficile pour les infirmières de se frayer un chemin. Or, leur formation, comme celle de tous les praticiens qui agissent auprès d’un public demandeur de soins ou d’attention (école, travail, autres domaines du social), exige des savoirs spécifiques théoriques, des savoirs pratiques, souvent délicats à exécuter, et des savoir-faire avec l’autre, compliant ou résistant. La dissymétrie qui caractérise la relation soignante constitue un enjeu éthique particulièrement difficile à saisir et qui ne saurait se résoudre ailleurs que dans la confrontation au problème. C’est pour toutes ces raisons que le « compagnonnage » doit être assuré par des soignants, eux-mêmes aguerris à cette complexité et aptes à questionner leurs pratiques et en évaluer l’impact sur les populations. Ceci est mis en difficulté par l’instabilité des personnels et « la polyvalence » qui remplace la compétence dans les conceptions d’un certain management.
N°54 - juillet 2011
---- Deuxième partie : Pratiques et théorie, une délicate alchimie
Pratiques N°54, juillet 2011