Déprescrire

Une de mes satisfactions professionnelles à la fin de mon exercice de généraliste a été, pour une patiente de 94 ans, de passer de sept médicaments quand j’ai commencé à la soigner suite au décès de son médecin précédent, à zéro médicament quelques semaines avant la fin de mon activité. Je m’étais fixé cet objectif au départ presque par défi, après avoir bien pris le temps de comprendre que cette patiente n’en avait pas besoin, en me demandant si j’allais y arriver avant l’arrêt de mon activité.

Il a fallu plus de deux ans pour y arriver, avec des angoisses et des questions, par exemple quand elle a fait une phlébite quelques semaines après l’arrêt de l’aspirine à petite dose. Le dernier médicament qui lui restait était bien sûr l’hypnotique, mais j’ai réussi pour celui-là aussi.

Quelques semaines après l’arrêt successif de chaque médicament, je lui demandais : « Alors, comment ça va maintenant sans le... ? » A chaque fois, elle me répondait : « C’est pas plus mal ! » Alors, on pouvait passer au suivant.
Si je devais analyser les raisons de cette réussite, j’en verrais deux immédiatement. D’abord prendre le temps pour écouter la patiente et soigner les somatisations liées à la solitude par l’écoute plus que par les médicaments. Il s’agit là d’une vraie difficulté, car nous sommes payés le même prix pour recopier une ordonnance en deux minutes, ou écouter et faire parler en trente minutes.

Ensuite, lire la Revue Prescrire depuis assez longtemps, et ne pas lire la presse médicale des firmes pharmaceutiques : Impact Médecine, Panorama du médecin, le Généraliste, le Quotidien du Médecin, ou équivalents.
La presse médicale des firmes pharmaceutiques, encourageant la déprescription, comme on a pu le lire récemment, c’est comme si le pape prônait l’avortement ! En dehors du premier avril, on devrait se pincer pour y croire.

par Philippe Foucras, Pratiques N°37, août 2007

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