C’est une révolution que nous ferons, Pierre Laroque et la Sécurité sociale *

Présenté par Pierre Volovitch

Bonne idée. Partir de Pierre Laroque pour parler de la Sécurité sociale. À 23 ans, Pierre Laroque entre au Conseil d’État où il va rapidement devenir un spécialiste des questions sociales (loi sur les assurances sociales de 1930, Conventions collectives après 1936). En octobre 1940, la « loi portant sur le statut des juifs » l’exclut de la fonction publique. Il se rapproche des mouvements de résistance et rejoint Londres en avril 1943. On le charge de préparer la mise en place d’une administration civile dans les (futures) « zones libérées ». C’est dans ce cadre que va mûrir le projet de mise en place d’une « Sécurité sociale ». La « Sécurité sociale » sera au cœur du programme du Conseil national de la Résistance (mars 1944). Laroque devient Directeur général des assurances sociales (octobre 1944). La « Sécu » est mise en place par les « Ordonnances » d’octobre 1945 et Laroque en demeurera Directeur général, puis Président du Conseil d’administration jusqu’en 1967.
C’est un livre d’Histoire et les lecteurs de Pratiques noteront avec intérêt que c’est le ministre communiste Ambroise Croizat, qui met en place la Sécu, qui choisit (en février 1946) de ne pas remettre en cause la « formule libérale » de l’exercice de la médecine…
Mais parce qu’il s’agit bien pour les auteurs de « rouvrir l’avenir en partant du passé », c’est aussi un livre qui permet de continuer à se poser quelques questions toujours centrales. Assurance de salariés ou extension à toute la population ? Quelles adaptations de la « Sécu » aux évolutions de la société ? Quelle place donner aux impératifs de gestion financière ? Et surtout, comment mener l’indispensable travail d’éducation pour éviter que le « droit » ne soit perçu que comme un « dû », mais bien compris comme un élément de la « solidarité ».
En 1985, Pierre Laroque constatait – et regrettait – que « les assurés sociaux entrent dans une caisse de Sécurité sociale comme ils entrent dans une banque ou un bureau de poste, ils ne se sentent pas chez eux, ils n’ont pas le sentiment d’être vraiment responsables de l’institution ». Pour l’avenir de cette grande idée qu’est la Sécu, la réponse à cette question est encore devant nous.
En plus, quand on est au Syndicat de la médecine générale (SMG), on a un « avantage » pour répondre à cette question. On se souvient que Patrice Muller [1] avait sur cette question une proposition forte. Dans chaque CPAM une salle, une table, des chaises, pour débattre.

* Colette Bec et Yves Lochard, C’est une révolution que nous ferons, Pierre Laroque et la Sécurité sociale, Le Bord de L’eau, 2019, 92 p.


Pratiques N°85, avril 2019


[1Patrice Muller, médecin généraliste, a été en 1975 un des fondateurs du SMG et de la revue Pratiques, il a été un des rédacteurs et animateurs de celle-ci jusqu’à son décès en 2008.


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