Loi santé : la partie émergée de l’iceberg

Séraphin Collé
médecin généraliste
et la rédaction de Pratiques

La loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé est en cours de vote au parlement. Elle est issue du Plan santé 2022 présenté à l’automne par le gouvernement.
Partant du constat d’un système de santé en crise du fait du vieillissement de la population et de l’explosion des pathologies chroniques, le « président des riches » a trouvé la solution pour faire des économies : amplifier le virage ambulatoire, aller-retour hôpital dans la journée !
Fini l’hôpital pour tous !
Les coupes budgétaires vont sabrer, encore et encore, le service public hospitalier pour le plus grand bénéfice des cliniques privées et des dépasseurs d’honoraires.
Les hôpitaux de proximité vont perdre leur maternité et leur service de chirurgie.
Le statut de praticien hospitalier est grandement menacé.

Qui se soucie, au gouvernement, de la qualité des soins, du bien-être de la population ?
Qui se soucie des salariés des hôpitaux déjà épuisés, voire en burn-out ?
Qui se soucie des inégalités sociales de santé, des causes environnementales des maladies ?
Cela aurait pu être les Communautés professionnelles territoriales de santé, mais il semble qu’elles aient pour rôle principal d’organiser la permanence de soins et de désengorger l’hôpital et ses urgences.
Les médecins généralistes, et certains spécialistes, vont même recevoir une carotte à « l’abattage ambulatoire » : s’ils exercent en groupe et s’engagent à prendre en charge plus de patients, l’Assurance maladie est prête à leur financer des postes d’« assistants médicaux » dont personne ne sait exactement s’ils seront formés, ni à quoi.
Comment penser que cela suffira à supprimer les déserts médicaux !
Quant à la formation des médecins, si l’abandon du numerus clausus et de l’examen classant national de fin de cursus est une bonne chose, on ne sait pas vraiment ce qui les remplacera.
Le gouvernement se soucie par contre de développer le numérique avec la mise en place d’une gigantesque base de données médicales – la plate-forme des données de santé – et la relance du dossier médical informatique personnel.

Qui peut encore croire que c’est l’intérêt de la population qui prime, quand plane l’ombre des bénéfices marchands ou de contrôle, méprisant le grave risque d’atteinte aux libertés individuelles et à la confidentialité des données ?
Et pour mettre en route rapidement cette nouvelle organisation, l’exécutif a tout prévu. Il fait voter par le Parlement le fait qu’il décidera de la carte hospitalière, du statut de praticien hospitalier, de la formation des médecins, de l’organisation territoriale, etc. par ordonnances.
Ben voyons ! C’est ça la démocratie ? Ce sont là les leçons tirées du Grand Débat ?

Nous avons un gouvernement déterminé à casser la Sécu et à brader son colossal budget aux plus offrants. Mais il serait bon de se rappeler que la Sécu appartient à la population, elle ne doit pas être le jouet d’une poignée de technocrates de la finance.
Quant à la santé des usagers et des soignants, c’est un bien collectif précieux qu’on ne peut laisser en pâture aux marchands de tout poil.


par Séraphin Collé, revue Pratiques, Pratiques N°85, avril 2019

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