Marie Kayser
Médecin généraliste
« Cancer au travail : la Commission européenne complice de l’industrie » : C’est le titre d’un article récent [1] du journaliste Stéphane Horel.
L’enquête qu’il a menée montre que la Commission européenne s’appuie sur des experts majoritairement liés aux industriels pour fixer les normes limitant l’exposition des travailleurs aux substances cancérogènes. Ces substances sont responsables de 100 000 décès en Europe chaque année.
Cette enquête paraît au moment où le Parlement européen examine les propositions de révision de la « Directive sur la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérogènes et mutagènes au travail ». Les valeurs limites d’exposition des travailleurs découlent des recommandations du Comité scientifique en matière de limites d’exposition professionnelle, le Scoel. L’enquête révèle que la majorité des experts (15 sur 22) qui le composent entretiennent des liens, majeurs pour certains, avec les secteurs industriels directement concernés par les substances soumises à leur évaluation. De plus, les experts n’ont pas déclaré tous leurs liens d’intérêts.
La Commission européenne a justifié le choix de ces experts en affirmant qu’il « est indispensable d’avoir des experts qui ont une vraie expertise de terrain ».
Cette justification, identique à celle souvent avancée par les agences du médicament, est scandaleuse : elle sous-entend que les experts indépendants de l’industrie sont incompétents et méconnaît la possibilité de la mise en place d’une formation indépendante à la pratique de l’expertise.