Le confort des malades est d’abord fait de petites choses qui ne coûtent rien ou presque, sauf le temps que les soignants y passent. Quand le temps leur est compté, le confort n’est-il pas mis à mal ? Inquiétons-nous des réformes « comptables » , d’une réforme hospitalière par exemple qui définit le budget global de l’hôpital selon des modalités complexes de la « T2A », qui prend en compte l’accumulation des « actes de soins » produits. On fait saigner (on opère, on perfuse, on recoud), on fait tourner des machines (à faire des images, des tracés, des dosages) ou on administre (des piqûres, des gélules, des potions, des crèmes) : c’est codifié et ensuite rémunéré. Le « confort », celui dont on essaye de montrer l’importance dans ce dossier, n’est pas codifié : il y a des classifications des maladies et des grilles d’évaluation pour la douleur, l’anxiété, la qualité de vie.., pour presque tout, mais pas pour ce « presque rien » qui fait le confort.
Il n’est pas quantifiable et est laissé au bon vouloir de ceux, les soignants, qui le considèrent comme inhérent à leur pratique. Ce souci du confort des malades, ils le portent en eux comme valeur humaine fondamentale : leur laisse-t-on le temps de le réaliser ? Tel qu’il est organisé, le système de soins ne favorise pas ce temps, alors que les soignants devraient être payés pour faire leur métier et non pour accumuler des actes. En médecine de ville, la rémunération à l’acte ne reconnaît pas le confort : il n’est pas à la nomenclature. Le souci du confort du malade est laissé au bon vouloir de médecins et infirmières, épuisés dans leur course à l’acte par des journées à rallonge.
Lorsque le confort nécessite la mise en œuvre de moyens, là, visibles et quantifiables, le confort devient une « prescription » soumise à la maîtrise des dépenses remboursables de santé. On a vu dans les années 90 arriver le concept du « panier de soins remboursables » : c’était un concept d’assureur, de gestionnaire de risque, mais il est apparu pour la première fois dans un document officiel à l’occasion de la promulgation de la loi instaurant la Couverture Maladie Universelle. En même temps que l’universalité qu’on saluait, étaient définies des limites, ces limites au-delà desquelles s’ouvre le champ du marché des assurances complémentaires ou du reste à charge des malades... Le confort est-il dans le panier ?
L’histoire des « médicaments de confort » est un peu plus ancienne : dès la fin des années 70, les vignettes bleues apparaissaient pour des médicaments à activité non ou mal démontrée. Le vocable recouvre des réalités différentes. Il y a des médicaments, encore vendus, qui n’ont pas démontré d’efficacité et qui sont potentiellement dangereux : ils devraient être purement et simplement interdits. A côté, existent des remèdes qui soulagent : la toux, le mal de gorge, le nez bouché.., et qui permettent d’attendre plus sereinement que les anticorps aient éliminé le virus, ou des remèdes très utiles pour des maux très pénibles, comme la crise hémorroïdaire... Ne devraient-ils pas être pris en charge par l’Assurance maladie ? Ne serait-ce que pour confirmer que la médecine est, là aussi, et d’abord, pour soulager, pour se préoccuper du confort.
Rémunération à l’activité, panier de soin, vignettes bleues... tous ces dispositifs administratifs empêchent que le confort du malade soit une préoccupation prioritaire. Du second plan où elle est reléguée, se pourrait-il qu’elle finisse par disparaître ?
Des médecins siègent comme experts dans des commissions qui « rationalisent » le soin au titre de la maîtrise médicalisée des dépenses. N’est-il pas de leur ressort de promouvoir le confort, de lui donner un peu d’air au lieu de l’étouffer dans des protocoles qui n’en tiennent pas compte ?