Faisons un rêve

Dans cette école élémentaire d’une ville de province, les actes de violence verbale et physique étaient grands entre les différentes ethnies. Se côtoyaient des Turcs, des Marocains, des Vietnamiens, des Gitans « français », des Gitans « espagnols », des Algériens, des Espagnols, quelques enfants français et quelques autres roumains. La langue était un obstacle certain mais, surtout, la différence faisait peur. Les familles, pas toujours confortablement acceptées dans le quartier, entretenaient une méfiance qui allait même jusqu’à l’interdiction aux enfants de fréquenter « les autres ».

A l’initiative de l’équipe éducative de l’école élargie aux partenaires institutionnels (mairie, animateurs, médecin et psychologue scolaires) et pour essayer d’enrayer ces vagues de violence, des journées consacrées à la connaissance de l’autre ont été organisées.
Les parents et leurs enfants (élèves et fratries) proposaient des activités autour de leur culture originelle : on vivait à l’heure marocaine, roumaine, on apprenait des danses et des chants traditionnels, on parlait chiffons, on échangeait sur la religion, on voyait des photos, parfois même des petits films de famille que les enfants avaient ramené de « chez eux ». On faisait connaissance avec les grands-parents, les cousins, restés « au pays » et on repartait avec des images de voyage plein la tête, des goûts exotiques plein la bouche, des musiques plein les oreilles, le plaisir d’avoir été accepté à partager ces moments et l’envie d’en savoir encore plus. En chacun de nous pouvait vivre une petite parcelle d’étranger, cet autre qui faisait maintenant partie de nous.

Toute l’année, au rythme de deux à trois jours par mois, l’école se transformait pour vivre des moments d’une grande richesse pendant lesquels les enfants et les adultes apprenaient la tolérance, l’écoute, le partage et s’enrichissait de la différence de l’autre.
Dans cette école, l’équipe éducative avait parié que la connaissance et la compréhension de l’autre, l’adaptation de tous à ce milieu pluri-ethnique, permettent de libérer les entraves intellectuelles et sont la base pour une disponibilité pleine, entière et efficace aux apprentissages, ceux contenus dans les programmes de l’école primaire.
Alors, faisons un rêve : et si la négociation, le dialogue, l’ouverture vers l’autre et sa différence était un moyen d’enrayer la violence et les agressions... Et si c’était la mission de l’école, de la famille, de la cité, grâce à l’effort de tous, que de construire la réelle identité citoyenne de l’individu ? Et si c’était ça la réussite ?

par Nicole Civil-Ayats, Pratiques N°27, novembre 2011

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