Des madeleines heureuses à partager

Et la saveur des gnocchi de Luisa, quand les adultes n’étaient pas là, le plaisir du patouillage des pommes de terre et de la farine, l’attente de la remontée dans la casserole d’eau frémissante, l’odeur de la sauce tomate et du parmesan, un parfum de liberté et de voyage pour nous les enfants, de souvenir de son pays pour Luisa et de plaisir du partage pour tous.

Et la saveur du « pâté jaune », qui restituait aussitôt les paysages sauvages du causse, le parfum des buis et des genièvres, l’ancrage familial et affectif à ce pays.

Et cette « farce dure », toujours accueillie par des exclamations de plaisir, de fierté et d’excitation. C’était le résultat d’une œuvre collective, la grand-mère qui pétrissait la pâte à l’odeur merveilleuse de levain, les petits enfants qui surveillaient cette « boule » lever sous l’édredon et le grand-père qui manipulait le grand faitout. Le bonheur pur.

Et cette bûche, il y a bien longtemps, lors d’un repas de Noël chez mon petit copain de l’époque, son père avait préparé une bûche aux châtaignes. Quelle bûche ! J’en ai encore les papilles sans dessus dessous. Pendant plus de trente ans, j’ai gardé en mémoire le goût de cette mémorable douceur. J’ai cherché la recette, je ne l’ai pas trouvée.
J’ai pensé la demander au Monsieur, mais il était mort. En ce Noël 2003, j’ai tenté, seule dans ma cuisine, de recréer le divin dessert. C’était pas mal, mais pas encore ça. Je ferai mieux Noël prochain, surtout si l’un d’entre vous connaît la recette.

Et ce petit pain rond et plat, cuit à la poêle, servi chaud, que l’on trempe dans le miel et l’huile d’olive.
Ça se passe au fin fond de la campagne, au Maroc. C’est assis par terre, serrés les uns contre les autres autour d’une petite table, que nous partageons le « battebotte ».

Et les préliminaires, cet avant-goût gourmand même pour des choses banales… comme le petit-suisse quand j’avais cinq ans. L’exercice exigeait patience et délicatesse. Il consistait à enlever sans la déchirer la petite languette sur le dessus du pot, à démouler le contenu dudit pot en pressant légèrement sur ses bords, à enlever le papier gorgé d’eau autour dudit suisse sans abîmer son tour de taille uniforme, puis à noyer le tout sous une montagne de sucre. La suite n’avait plus guère d’intérêt. J’écrasais, alors, franchement le petit-suisse, sentant au passage le sucre crisser dans l’assiette, et l’enfournais avec voracité.

Et la bonne soupe d’Arlette la cantinière, faite avec les légumes de son jardin tout frais ramassés au petit matin et cuisant dans le grand faitout à la cantine, cette soupe dont parlaient trois générations d’enfants à l’école du village, du plus grand au plus petit. Tous se transmettaient la nouvelle : soupe magique, lien entre petits et grands.

Et la bonne corniotte de ma belle-mère, la bourguignonne aux « bons plats »... retrouver avec elle et mes enfants la recette de gâteau que lui faisait sa propre grand-mère pendant la guerre : 1 œuf - 1 verre de farine - 1 verre de lait - 1 sucre (si on en avait) et un four très chaud.

Ce gros chou délicieux avait un air de fête au milieu d’une période difficile où ma belle-mère franchissait chaque jour avec son cartable d’écolière la ligne de démarcation. Chalon sur Saône, 1940. Nous refaisons les gestes aujourd’hui, en souvenir, et nous y ajoutons de la farine corse savamment dosée à la saveur d’une amitié qui nous a conduit à visiter l’Ile de Beauté...

par Sylvie Cognard, Françoise Ducos, Sylvie Lagabrielle, Elisabeth Maurel-Arrighi, Anne-Marie Pabois, Dominique Tavé, Pratiques N°25, mai 2010

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