— DOSSIER — Non au sabotage ! L’accès aux soins en danger

Interrogé sur la nature de son vote aux élections présidentielles, l’humoriste Jamel Debbouze, porteur d’un handicap lié à la perte de l’usage d’un de ses bras, déclarait : « Je ne voterai pas UMP » et ajoutait dans un sourire : « Pour raisons de santé. »
Nous l’associons à l’état des lieux dressé dans ce dossier qui traite de ce qui a été fait depuis cinq ans par nos gouvernants. Dénier aux plus démunis le droit à un accès simple et immédiat aux soins médicaux, en ignorant les lois en vigueur. Démanteler la loi de couverture maladie universelle, en induisant, de façon insidieuse un changement des mentalités, qui consiste à voir dans toute personne sans ressources un fraudeur en puissance, dans tout étranger un fraudeur avéré. Ignorer le sort des demandeurs d’asile. Faire passer les salariés malades contraints de s’arrêter de travailler pour des fainéants, des assistés, et surtout des improductifs parasites du système de protection sociale. Fermer les centres d’accueil des caisses d’Assurance maladie, ainsi que les antennes hospitalières. Ignorer l’usure du corps au travail, en mettant en place un dispositif inapplicable de prise en compte de la pénibilité pour les départs en retraite. Voici ce que l’UMP appelle dans son programme électoral 2012 : « le juste soin. »
Ceux qui travaillent avec de petits salaires se voient barrer l’accès à une complémentaire santé, et opposer des tarifs inabordables de consultation. Au sein des hôpitaux publics, on apprend aux soignants à penser leurs actes médicaux en termes de cotation, en laissant à la marge l’essentiel de leur travail clinique. La mise en place du système de tarification à l’acte exclut concrètement des lits hospitaliers les patients souffrant de pathologies mentales, dont les prises en charges sont considérées comme floues et non tarifables. Faute d’être possible, le soin des malades mentaux devient obligatoire à travers « l’injonction de soins » qui ignore la nécessité d’une relation thérapeutique. La distance géographique d’accès aux pédiatres, aux généralistes, aux psychiatres, aux dentistes n’a cessé d’augmenter depuis 1990. On instaure, dans l’espace le plus intime de la pratique médicale, comme dans l’espace collectif du système solidaire de protection sociale, les mêmes règles de fonctionnement normatives. C’est de cette façon que l’on fait disparaître la notion même de droit.
On ne revient pas sur le droit à l’avortement, mais les centres d’IVG disparaissent. On ne supprime pas l’aide médicale aux étrangers sans titre de séjour, mais on rationne les soins hospitaliers pour les plus gravement malades. On n’interdit pas le tiers payant, on le rend impossible. On ne supprime pas le tableau des maladies professionnelles, on le modifie de telle façon qu’il soit inapplicable. On n’interdit pas les arrêts de travail, on se contente de sanctionner les médecins qui en prescrivent plus que leurs confrères.
Qu’est ce que le « juste soin » ? Un soin qui se mérite, un soin qui se paye à n’importe quel prix, un soin qui s’échange contre un comportement social adapté. À ceux qui ignorent le sens du mot assistance, nous voulons rappeler, en tant que soignants, que l’exercice médical n’a pas à rendre justice, qu’il s’exerce de façon indistincte sur tous les hommes, et que le mérite n’y joue aucun rôle. Le soin médical ne relève ni de la justice ni de l’injustice, mais d’un droit fondamental de l’homme. Nous ne voulons pas de « juste soin ».


Pratiques N°57, avril 2012

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