19 heures un soir d’hiver, le cabinet médical ronronne de son habituelle activité. Le téléphone sonne.
« Allo, docteur, bonsoir, c’est la pharmacie de la cité, avez-vous l’adresse de Monsieur F.?
- C’est pour quoi ? Car pour ce monsieur, c’est un peu complexe.
- C’est-à-dire que nous avons à la pharmacie des personnes de l’hospitalisation à domicile (HAD) qui cherchent M. F. Ils ont un lit, un matelas anti escarre, la pompe pour la nutrition avec les cartons des produits, bref ils ont beaucoup de matériel et ils ne trouvent pas l’appartement. Nous avons demandé aux gardiens qui, eux aussi, ne savent pas. »
J’ai envie de rire, même si la situation ne s’y prête guère.
« Pour trouver M. F, cela va plutôt être compliqué. Il squatte une cave sous le bâtiment 4. Je sais y aller, mais il faut connaître le parcours. De plus, je ne crois que cela soit une bonne idée d’aller organiser une hospitalisation à domicile dans une cave, surtout que question alimentation, il y a aussi les rats qui risquent d’être intéressés par les produits de nutrition. Vous pouvez me passer au téléphone une personne de l’Équipe. »
J’explique la situation... qui n’était pas prévue. « Alors que faisons-nous ? » « Vous remballez votre matériel et je vais voir avec M. F. comment on gère le problème, de même avec le service hospitalier qui a décidé cette hospitalisation à domicile sans m’en parler. »
Ce service ne savait pas quelles étaient les conditions de vie de M. F, et celui-ci n’avait pas véritablement envie de décrire son lieu de « vie », des fois que pour cette raison, on le garde encore à l’hôpital.
Il est vrai que la crise du logement est une dure réalité pour tout le monde et plus particulièrement pour les malades du Sida, mais cette question ne fait pas partie de l’interrogatoire médical. La place du malade dans le système de l’offre de soins peut parfois être singulière.
L’équipe de l’HAD est repartie avec son matériel, et nous nous sommes mis sérieusement au travail, avec le réseau VIH, pour trouver un appartement thérapeutique à M. F.