PUMA : une universalité limitée

Marie Kayser
Médecin généraliste

        1. La réforme de l’Assurance maladie, dite Protection universelle maladie (PUMA), entrée en vigueur en janvier 2016, est un progrès pour la couverture maladie de nombreux citoyens, mais un danger pour celle des ressortissants étrangers.
  1. * Cet article s’appuie sur l’important travail effectué par l’ODSE (Observatoire pour le droit à la santé des étrangers) et sur le document du Comède (Comité pour la santé des exilés) du 27 janvier 2017 : « l’Assurance maladie pour les étrangers après la réforme PUMA ».

Universelle ? Ce qualificatif est déjà dans l’intitulé de la loi Couverture maladie universelle de 1999, qui affirme que la situation de quelqu’un qui n’a pas de couverture sociale doit être réglée « immédiatement », mais « le sabotage progressif de ces dispositions a permis, de façon insidieuse et sans toucher à la loi, de rendre ce droit très difficile à obtenir » [1].

La réforme PUMA
Un droit général et unique à la prise en charge des frais de santé en cas de maladie-maternité pour les personnes qui travaillent et cela dès la première heure travaillée ou pour celles qui résident de manière « stable et régulière » en France. Ces dernières, même si elles ne travaillent pas, peuvent être inscrites à l’Assurance maladie (AM) ; les personnes dites « ayants droit », car assurées par l’intermédiaire d’une autre (conjoint-e…) peuvent désormais demander leur propre inscription.

Pour ces personnes, cette réforme est une avancée. Elle devrait entraîner une diminution des démarches, car les droits sont individuels et ne sont plus limités dans le temps au moment de leur ouverture. Elle devrait permettre d’éviter les situations de rupture de droits lors des changements de régime d’AM (régime général, étudiant, RSI, MSA…), de caisse suite à un déménagement, ou de situation familiale… Les ayants droit mineurs peuvent, sur demande, être assurés sociaux autonomes dès 16 ans (et automatiquement s’ils sont étudiants) et avoir une carte Vitale dès 12 ans. Pour les pensionnés de droit français non-résidents mais en séjour temporaire en France (retraite, invalidité, AT-MP), le droit à la prise en charge des frais de santé est affirmé.

Comme antérieurement certaines personnes, qui ne travaillent pas mais ont des revenus, ont une cotisation à verser pour être affiliées à l’AM [2].

La réforme PUMA : un danger pour les ressortissants étrangers
Cette réforme a entraîné une mobilisation des associations [3] car dans la loi, le maintien des droits à l’AM pendant un an après affiliation n’est plus spécifié, et les projets de décrets durcissaient les conditions d’entrée et de renouvellement des droits pour les personnes étrangères en situation régulière.

Ces associations sont d’autant plus inquiètes que les pratiques en vigueur sont de plus en plus restrictives ; elles estiment que 700 000 titulaires de « titres de séjour précaires » risquent de voir leur droit à l’Assurance maladie remis en cause et d’être renvoyés vers l’Aide médicale de l’État (AME) qui parfois les refuse, car pour avoir droit à l’AME, il faut être étranger, résider en France de manière ininterrompue depuis trois mois et n’avoir pas de document prouvant que des démarches ont été entamées pour obtenir un titre de séjour !

La mobilisation sur le maintien des droits a porté : le décret du 24 février 2017 permet la mise en œuvre du dispositif de « prolongation des droits » de douze mois et va ainsi sécuriser le droit des personnes étrangères [4] ayant des titres de séjour de courte durée et éviter les ruptures de droit au moment des renouvellements des titres de séjours. Il prend aussi en compte la situation des membres de famille venus rejoindre légalement un assuré social, en particulier les conjoints de Français.

Mais ce décret est très inquiétant parce qu’il renvoie à un arrêté futur, cosigné avec le ministère de l’Intérieur, la liste des titres et documents permettant aux étrangers hors Union européenne de justifier de la régularité de leur séjour.

La mobilisation se poursuit d’autant que les droits liés à des décrets ou arrêtés peuvent être facilement supprimés.


par Marie Kayser, Pratiques N°77, avril 2017

Documents joints


[1Pratiques n° 57, avril 2012, Noëlle Lasne, Olivier Querouil, Le sabotage.

[2Voir le site de l’Urssaf : De la CMU de base à la PUMA.

[3Voir les communiqués de presse du 18 mars 2016 et du 13 février 2017 sur le site de l’ODSE.

[4Les citoyens de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse dépendent de règles complexes. Voir sur le site service public.fr la fiche : Européens en France : assurance maladie.


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