Naître où il ne faut pas

Didier Ménard
Médecin généraliste


Conseil aux femmes enceintes d’origine étrangère séjournant de manière régulière sur le sol français.

Surtout ne quittez pas la France, car si par malheur vous deviez accoucher prématurément dans un pays du Maghreb ou en Afrique subsaharienne, vous seriez obligée soit d’abandonner votre bébé sur ce territoire en attendant la conclusion de la longue procédure de rapprochement familial, soit d’attendre un visa de tourisme pour l’enfant.
Dans ce dernier cas, revenu en France, votre bébé n’a pas de droit : pas de Sécurité sociale, même si vous ou votre conjoint travaillez et cotisez à l’Assurance maladie, et la Caisse d’allocation familiale ne se gênera pas de vous demander le remboursement de l’allocation jeune enfant que vous avez perçue et pour cela vous coupera les autres allocations en attendant de faire son enquête. Ne laissez pas votre enfant divaguer sur la voie publique, un policier est capable de le mettre en rétention et un juge de l’expulser, car ce bébé n’a aucun droit, puisqu’il a eu le malheur de naître à l’étranger.
Ces conseils ne sont pas le délire d’un médecin de banlieue, mais la situation d’une famille qui fréquente son cabinet médical.

Heureusement, grâce à la mobilisation du cabinet médical, de l’ACSBE (Association communautaire Santé Bien-Être qui travaille pour l’accès aux soins) et de la municipalité de Saint-Denis, l’inscription à l’Assurance maladie est devenue possible, pour le reste on négocie.
Quand une République prive de ses droits un nourrisson, il est légitime de s’indigner et d’accuser cette République de bafouer les valeurs communes qu’elle prétend honorer.


par Didier Ménard, Pratiques N°53, avril 2011

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