La première mention d’une préoccupation de santé dans les écoles date de 1793, dans un discours de Lakanal : « des officiers de santé visiteront les élèves des écoles nationales et leur indiqueront les règles les plus propres à fortifier leur santé », discours hautement prémonitoire de l’évolution de la pensée en matière de santé publique et de promotion de la santé ; l’affirmation des besoins de santé des élèves s’est renforcée tout au long de la fin du XIXe et au XXe siècle. Les derniers avatars en sont la re-création d’un corps de médecins de l’éducation nationale en 1991 et sa probable mise en extinction par les prochaines lois de décentralisation.
Le médecin de l’éducation nationale est un médecin praticien de santé publique. Il est au service de l’enfant dont il est le médecin du travail : les examens médicaux ont pour objectif essentiel le dépistage et le suivi des troubles somatiques ou psychiques qui pourraient gêner l’enfant dans ses apprentissages et son épanouissement. Il est aussi le médecin de santé publique de la communauté scolaire.
Une des grandes priorités actuelles de la médecine scolaire est de favoriser la scolarisation de tous les enfants à besoins spécifiques, quelle qu’en soit la raison (troubles des apprentissages, maladie chronique, handicap, souffrance psychique…). Cette spécialité implique un diagnostic clinique, une orientation thérapeutique, un travail en équipe éducative dans l’école, avec les parents et en réseau avec les partenaires extérieurs pour adapter le mieux possible les conditions de scolarisation aux possibilités de l’enfant. A ce titre, la non-prescription imposée aux médecins de prévention constitue une aberration. Les examens complémentaires et les rééducations spécialisées qui s’imposent après dépistage devraient pouvoir être prescrits.
Connaissant la population scolaire de son secteur et le milieu éducatif où il exerce, le médecin de l’éducation nationale peut aussi élaborer des actions collectives de promotion de la santé pertinentes, spécifiquement conçues et respectueuses d’une éthique. Ce travail collectif est essentiel pour faire de l’école un véritable lieu de prévention dans des projets où les élèves prennent de plus en plus une part active. Certains médecins scolaires participent aussi à des actions de santé communautaire inscrites dans des politiques locales, par exemple le développement de réseaux d’aide à la parentalité.
Ainsi, la spécificité des médecins de l’éducation nationale, grâce à leur formation actuelle en Ecole de Santé Publique, en fait un véritable spécialiste de santé publique de l’enfant et de l’adolescent à l’école, de la maternelle au lycée.
Depuis ces 10 dernières années, les médecins scolaires vivent une situation de sollicitation croissante de la part des enseignants, des enfants et de leurs familles. Malgré un renforcement des moyens, conséquent en infirmières, mais beaucoup moins important en médecins, la charge de travail ne cesse de s’accroître. La complexité des situations à traiter n’explique pas tout. S’agit-il d’une offre créant la demande ? Ou d’une dégradation du système éducatif et social entraînant de nouveaux besoins ? Des besoins éducatifs sont-ils en train d’être médicalisés ? Ou la détresse éducative des enseignants et des parents entraîne-t-elle un appel vers les médecins comme référents humains ?
Comment remplir toutes ces missions avec, pour plus de 12 millions d’élèves, 1250 médecins titulaires sur le terrain et une enveloppe de crédits de vacations de 790 équivalents plein temps, dans un contexte de chute de la démographie médicale ?
La décentralisation serait-elle un moyen d’améliorer le service rendu ?
Telle qu’elle est prévue actuellement il s’agit plutôt de déguiser une insuffisance de moyens et le transfert de la médecine scolaire aux départements risque fort d’aggraver les inégalités. L’importance donnée à ce service et les missions confiées aux médecins varieront en fonction des politiques locales liées aux contraintes économiques et aux échéances électorales.
En outre, la gestion des médecins par une tutelle (conseil général) et des infirmières par une autre (Education nationale) est une incohérence ; les dysfonctionnements seront multiples et majeurs
On peut donc craindre que le projet actuel de transfert de la médecine scolaire soit bel et bien le prélude au démantèlement de cet outil, pourtant bien rénové ces dix dernières années et devenu performant pour peu qu’on lui en donne les moyens. C’est tout un pan de la politique de santé publique de l’enfant et de l’adolescent qui est remise en question.
Pourtant la lutte contre les inégalités de santé et contre l’exclusion sociale passe actuellement par la lutte contre l’échec scolaire. La médecine scolaire y contribue fortement quand les moyens lui sont donnés.