« Monsieur X peut bénéficier pour ses varices soit d’un chirurgie, soit d’un traitement par scléroses. » Ce courrier, confirmé par un coup de fil passé à l’angéiologue, me surprend : devant ce type de varices, j’avais toujours vu porter l’indication d’intervention chirurgicale. S’agit-il d’un avis personnel de ce correspondant formé dans une autre faculté ? Peut-il y avoir une telle incertitude sur la conduite à tenir ? Des « Recommandations Professionnelles » existent-elles sur ce sujet ? (1)
La référence la plus récente sur « le traitement des varices des membres inférieurs » (2) trouvée sur le portail Internet de la Haute Autorité de Santé (HAS) est un rapport de juin 2004 qui conclut à « l’absence actuelle d’étude prospective randomisée fournissant des preuves de niveau suffisant permettant d’établir des recommandations de grade A ou B pour choisir parmi les différents traitements proposés dans la prise en charge des varices des membres inférieurs. Le traitement chirurgical et la sclérothérapie ont une recommandation de type C » (3). En clair, la conduite proposée ne repose que sur un faible niveau de preuve scientifique.
En 1997, une précédente recommandation concluait à la nécessité d’études sur ce thème ; en 2006, celles-ci n’ont toujours pas eu lieu.
Pas de recommandation de bon niveau de preuve : le choix du traitement pour mon patient va donc dépendre de l’angéiologue à qui je vais choisir de l’adresser.
Dans ma pratique, je regrette cette absence si fréquente de recommandations de bon niveau de preuve, mais dans les cas où elles existent, peut-on s’y fier ? Comment et par qui sont-elles élaborées ? Tiennent-elles vraiment compte de toutes les études sur le sujet ?
La HAS rappelle dans chaque recommandation que celle-ci est réalisée selon des bases méthodologiques répertoriées dans un guide (4). Que dit ce guide ? Il affirme que les sources de financement doivent être connues et citées dans les documents diffusés au terme du travail. Il précise par ailleurs que les présidents du comité d’organisation et du groupe de travail, le coordinateur du groupe de travail et les chargés de projet ne doivent pas avoir de conflits d’intérêt sur le thème ; les autres membres peuvent en avoir, mais ils doivent « pouvoir être identifiés dès le départ ».
Dans les documents consultés sur la maladie veineuse et dans la plupart des recommandations récentes publiées, les sources de financement ne sont pas explicitées ; la liste des participants est donnée sans que la notion de conflits d’intérêt ne soit mentionnée. Sur le portail de la HAS, on ne trouve nulle mention des déclarations de conflits que chaque collaborateur permanent ou occasionnel est censé faire.
Cet exemple, portant sur une pathologie aussi courante que les varices, montre la carence de travaux de recherche sur la prise en charge des pathologies et l’absence de respect par la HAS de ses propres recommandations.
Seule l’exigence des professionnels et des citoyens de disposer d’outils valides pourra faire évoluer cette situation : la nouvelle rubrique de Prescrire qui passe « au crible » les guides de pratique clinique va déjà dans ce sens (5).
Notes
1) Les « recommandations professionnelles » sont définies comme « des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données ». Leur élaboration qui relevait de l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé) fait partie, depuis la loi de réforme de l’Assurance maladie d’août 2004, des missions de la Haute Autorité de Santé.
2) « Traitement des varices des membres inférieurs », juin 2004. Portail santé de la HAS, Publications, Médecine vasculaire.
3) Les recommandations sont classées selon le niveau de preuves des études sur lesquelles elles s’appuient : depuis les plus fiables, les essais cliniques comparatifs randomisés (niveau A), jusqu’aux études-cas témoins ou séries de cas (niveau C) et en l’absence d’études aux « avis d’experts ».
4) « Les recommandations pour la pratique clinique - Base méthodologique pour leur réalisation en France ». Portail santé de la HAS, Publications, Méthodologie 1999.
5) La revue Prescrire (www.prescrire.org) ouvre dans son numéro d’avril 2007 une nouvelle rubrique nommée « au crible » où elle examine les différents guides de pratique clinique en particulier ceux de la HAS, elle effectue une analyse méthodologique selon la grille Agrée reconnue internationalement et une analyse qualitative du niveau de preuve des recommandations.