Didier Ménard
Médecin généraliste
Les nombreuses dérives qui frappent la société suffisent à ce que chaque citoyen de ce pays trouve dans la résistance une raison de ne plus courber l’échine. Cela est d’autant plus vrai pour les soignants, tant nous sommes confrontés aux dégâts que provoquent chaque jour l’injustice et les inégalités sociales de santé.
Les actes de soignants qui entrent en résistance se multiplient pour desserrer l’étau de l’oppression. Souvent, dans l’action solitaire, ils s’opposent aux lois qui font l’exclusion. Cette résistance peut se vivre au quotidien en refusant de faire une médecine au service d’une économie de « marché » et en défendant une médecine solidaire au service de l’Homme. Elle peut être plus tournée vers l’international, comme celle qui protège le malade venu d’ailleurs, que la loi l’empêchant de bénéficier des soins qui le sauveraient ici, condamne à aller mourir là-bas, où on ne le verra pas s’éteindre.
Cette résistance peut aussi se mobiliser par le refus de la normalisation des pratiques professionnelles qui tendent à faire de nous des techniciens du corps humain en réduisant celui-ci à un amas de cellules. Mais, dans ses aspects multiples et peu visibles, cette résistance est surtout connue de ceux qui la font et la soutiennent, elle ne fait pas encore mouvement.
Pour sortir la résistance de l’invisible, il ne suffit plus d’expliquer comment se construit l’oppression et sous quelles formes elle tente de nous broyer. Il ne suffit plus de s’indigner devant les injustices qui s’étalent sous nos yeux. Il ne suffit plus, comme le montre l’Appel de Fukushima que nous soutenons, d’être crédule au point de croire, par exemple, que la technologie moderne permettra un nucléaire propre et sans risque. Il ne suffit plus de s’en remettre aux organisations politiques. Il ne faut pas se contenter de la résistance d’une « guérilla » qui bat en retraite devant la puissance du néolibéralisme qui veut nous faire taire. Cette résistance doit nous libérer du fatalisme qui voudrait laisser croire qu’il n’y a plus de possibilité de faire autrement.
Cet autrement existe, il est dans la possibilité de construire une autre manière de faire, de penser, d’inscrire sa pratique professionnelle dans de véritables transformations du quotidien. Il engage dans un collectif qui additionne toutes nos compétences, nos savoir-faire, qui dès maintenant nourrit la résistance d’une transformation des pratiques. Qui puisse, par un combat constant pour les libertés, donner à l’utopie une réalité.