Dès 1977 la revue Pratiques avait dénoncé la structure amphétaminique du Médiator©, et appelé à ne pas prescrire ce médicament coupe-faim présenté par les laboratoires Servier comme un antidiabétique [1].
Rappelons que entre 1976 et 2009, date à laquelle il a enfin été retiré du marché, le Médiator© a été la cause de 1 000 à 2 000 décès et de nombreuses atteintes graves cardiaques et pulmonaires [2].
En avril 2001, à l’issue du procès en première instance, nous nous réjouissions à Pratiques [3] que les laboratoires Servier soient enfin condamnés pour « tromperie aggravée et homicides involontaires » et obligés d’indemniser les victimes.
Nous nous réjouissions aussi de voir plusieurs experts condamnés pour prise illégale d’intérêt pour n’avoir pas respecté la frontière entre leurs fonctions au sein de l’Agence du médicament et celles auprès des laboratoires Servier.
Mais nous dénoncions la relaxe des laboratoires Servier de la qualification d’escroquerie à l’Assurance maladie, alors pourtant que le laboratoire avait caché le caractère anorexigène du Médiator© et l’avait fait classer comme un médicament antidiabétique, donc remboursable.
Nous alertions aussi sur le fait que d’autres scandales étaient encore possibles
Des progrès ont été faits mais plus en matière de transparence que d’indépendance et l’influence des firmes des produits de santé est toujours importante sur les prescripteurs et prescriptrices [4], sur la formation médicale initiale et continue [5], sur les revues médicales (à l’exception notable de Prescrire et de Pratiques), sur les agences du médicament en l’absence d’experts réellement indépendants.
En juillet 2020, tirant « Quelques leçons de la crise » liée au COVID, le Formindep, association pour la formation et l’information indépendante des médecins, alertait une nouvelle fois [6] : « Le monde de la santé est lié de façon systémique aux intérêts industriels depuis la recherche, la formation des soignants, l’expertise réglementaire jusqu’aux pratiques des médecins et l’information du grand public. Cet ensemble de liens d’intérêt influence les soins et cette influence présente un risque pour la santé publique comme pour l’équilibre des comptes sociaux. Il constitue une perte de chances pour les patients ».
Et le Formindep concluait : « en 2020 la solution aux conflits d’intérêts reste toujours la même, que l’on retrouve par exemple sous la plume du cancérologue Vinay Prasad : La solution est que les docteurs ne devraient pas être en mesure de recevoir à titre personnel la moindre somme d’argent de la part d’entreprises à but lucratif qui vendent des produits de santé ».
Il faut aussi lutter pour que l’indépendance soit la règle de fonctionnement de toutes les agences gouvernementales et tout particulièrement au niveau de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Cela impliquera la mise en place d’une formation d’experts indépendants, telle qu’une Ecole européenne de l’expertise sanitaire publique [7].