Dès 1977 la revue Pratiques avait dénoncé la structure amphétaminique du Médiator©, et appelé à ne pas prescrire ce médicament coupe-faim présenté par les laboratoires Servier comme un antidiabétique [1].
Entre 1976 et 2009, date à laquelle il a enfin été retiré du marché, le Médiator© a été la cause de 1 000 à 2 000 décès et de nombreuses atteintes graves cardiaques et pulmonaires [2]
Aujourd’hui nous ne pouvons que nous réjouir
Nous réjouir de voir la responsabilité des laboratoires Servier et de leur ex- numéro 2 Jean-Philippe Seta (Le P.-D.G. Jacques Servier est décédé en 2014) enfin reconnue et de les voir condamnés pour « tromperie aggravée et homicide involontaire ».
Nous réjouir de voir les laboratoires Servier obligés de verser des indemnisations aux parties civiles ; mais aussi nous interroger sur le niveau des peines et des indemnisations jugé insuffisant par les parties civiles.
Nous réjouir de voir l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) condamnée à payer une amende pour avoir gravement failli à sa mission de police sanitaire, parce que l’Afssaps, agence dont elle a pris la suite, avait tardé à retirer le Médiator© du marché ; mais aussi regretter que cette amende soit payée par la collectivité.
Nous réjouir de voir plusieurs experts condamnés pour prise illégale d’intérêt pour n’avoir pas respecté la frontière entre leurs fonctions au sein de l’Agence du médicament et celles auprès des laboratoires Servier.
Aujourd’hui nous dénonçons
Nous dénonçons que les laboratoires Servier aient été relaxés de la qualification d’escroquerie à l’Assurance maladie, parce que les faits sont prescrits mais aussi parce que le tribunal n’a pas retenu l’existence de « manœuvres frauduleuses ». Pourtant le laboratoire a caché le caractère anorexigène du Médiator© et l’a fait classer comme un médicament antidiabétique donc remboursable.
Nous dénonçons que l’amende (paraît-il maximale pour la qualification retenue) à laquelle le laboratoire est condamné ne soit que « de 2,7 millions d’euros » alors qu’un des avocats des parties civiles estime le bénéfice généré par le médicament à 400 millions d’euros pour la période 1995-2009 [3].
Nous dénonçons que des relaxes aient été prononcées pour l’ancienne sénatrice (UMP) Marie-Thérèse Hermange et le médecin Claude Griscelli, ancien directeur général de l’Inserm et consultant pour les laboratoires Servier. La première était accusée d’avoir modifié sous l’influence du second, dans un sens favorable aux laboratoires Servier, le rapport de la mission d’information lancée par le Sénat en 2011 pour faire la lumière sur le scandale sanitaire du Médiator©.
Aujourd’hui d’autres scandales sont encore possibles
Des progrès ont été faits mais plus en matière de transparence que d’indépendance et l’influence des firmes des produits de santé est toujours importante sur les prescripteurs et prescriptrices [4], sur la formation médicale initiale et continue, sur les revues médicales (à l’exception notable de Prescrire et de Pratiques), sur les agences du médicament en l’absence d’experts réellement indépendants.
Pourtant dès aujourd’hui nous pouvons
Utiliser et promouvoir des sources d’information indépendantes sur le soin et la santé.
Refuser tout financement des formations initiales, continues, développement professionnel, conférences et colloques... par les industries des produits de santé et contrôler l’absence de conflits d’intérêts de la part des intervenants. Lutter pour que ces financements soient interdits. Promouvoir une formation initiale et continue indépendantes.
Lutter pour que l’indépendance soit la règle de fonctionnement de toutes les agences gouvernementales et tout particulièrement au niveau de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Cela impliquera la mise en place d’une formation d’experts indépendants, telle qu’une Ecole européenne de l’expertise sanitaire publique [5]