Manque d’application

Éric Bogaert
Psychiatre

Vendredi 5 février 2021

Il est 15 heures J’accompagne ma mère, âgée de 92 ans, pensionnaire d’une résidence pour seniors. Comme l’infirmière et la directrice de la résidence ne savaient toujours pas, le jour de l’ouverture de la vaccination contre le SRAS-CoV2, comment ça se passerait pour les pensionnaires, j’ai pris rendez-vous au centre de vaccination le plus proche. Ça n’avait pas été sans peine, j’avais dû m’y reprendre à trois fois pour vaincre les obstacles de la démarche d’inscription entre le site du gouvernement et celui de la start-up à laquelle était délégué le soin de la prise de rendez-vous. Mais en appelant au jour et à l’heure de l’ouverture, j’ai pu avoir un rendez-vous un peu moins de 4 semaines plus tard. Et voilà, on y est.

Le centre de dépistage, sous tente, où il n’y a pas de file d’attente mais tout de même quelques personnes, se trouve à 10 mètres du centre de vaccination, dans un bâtiment en dur de l’hôpital de la préfecture du département.

On remplit le recto d’une feuille de renseignements, puis on attend qu’un médecin nous reçoive. J’écris « nous », parce que ma mère a une mémoire défaillante, qu’elle n’entend quasiment plus et a oublié de ranger hier soir ses appareils auditifs dans la boîte qui permet qu’ils se rechargent la nuit, et ne comprend pas ce qui se passe dans ce monde moderne qui ne la déboussole plus depuis qu’elle a renoncé à en être. Je pense alors à cette application que le ministre de la santé nous pousse à utiliser, que j’ai téléchargé quand de StopCovid elle est devenue TousAntiCovid, et me dis que c’est le moment de l’utiliser : il y a du monde, peut-être des porteurs du virus, d’autant que le centre de dépistage est à 10 mètres, et on reste un temps suffisant pour attraper le virus. Une demi-douzaine d’essais et toujours le même message : nous sommes trop nombreux à rejoindre TousAntiCovid.

Bon, je me sacrifie pour sauver mon prochain et renonce à me connecter.
Elle voit un médecin, qui lui demande et redemande en haussant la voix si elle a de la température, et comme elle répond, surprise et hésitante « oui... parfois », ajoute pour préciser « avez-vous des frissons, des sueurs », sans (penser ?) tester sa température avec une bande frontale ou un thermomètre à infrarouge auriculaire ou temporal. Probablement qu’ils n’ont pas ce matériel dans ce centre de vaccination annexe du service des maladies infectieuses de cet hôpital de la préfecture.

Bon, elle est vaccinée, je la ramène chez elle, puis rentre chez moi. Et lors du dîner, je me demande si l’application fonctionne, là, au milieu du bois où je vis, à l’écart de cette commune de 300 habitants, à 9 km du village doté de commerces le plus proche, et 18 km de la préfecture. Elle fonctionne.

Me voilà rassuré, si un hôte de ces bois, l’écureuil, la grenouille qui habite le bassin, une des chevrettes qui passe parfois par là, ou un de ces chiens de chasse qui les poursuivent à l’occasion, avaient le virus, je pourrais les faire tracer.

Morale : pour que fonctionne l’application de dépistage,
faut pas grand monde dans les parages.


mercredi 10 février 2021, par Éric Bogaert

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