La négociation conventionnelle sur les dépassements d’honoraires a le mérite de faire sortir le loup du bois.
Le projet de la CNAM prévoit de définir ce qu’est un dépassement abusif. Il propose un contrat d’accès aux soins, solvabilisé par le régime obligatoire. Ce projet n’est en rien anti secteur 2, bien au contraire. Face à l’aggravation de l’exclusion des soins dans notre pays, il trahit l’esprit et les fondamentaux de l’assurance maladie. Il n’y a pas de quoi en être fier, quand on est directeur de l’assurance maladie.
L’attitude de certains médecins, adeptes des dépassements abusifs – qui, par une cynique pirouette sémantique, deviennent des compléments d’honoraires –, est inqualifiable. Ils poussent les internes de spécialité à la grève, pour que ceux-ci, une fois devenus chefs de clinique, puissent conserver le double privilège des dépassements d’honoraires et de la liberté absolue de s’installer où bon leur semble. Le slogan de la grève était rien de moins que : « le choix de bien soigner » !
Alors, là, il fallait l’oser ! Quel mépris pour les médecins du secteur 1 qui deviennent, de fait, des médecins qui soignent mal ! Faut-il être à ce point imbu de sa position sociale pour se croire tellement supérieur aux autres, faut-il avoir, au-delà de toute limite, rompu avec les valeurs humanistes de la médecine, pour penser que le bien soigner est proportionnel à la valeur marchande de l’acte médical !
Il faut casser cette idée que la notoriété, le nombre d’années d’études, l’exercice d’une médecine hautement bio-technologique rendraient l’acte médical plus méritoire et donc justifieraient un dépassement d’honoraire. Chaque acte a sa valeur : il y a autant de mérite à savoir introduire une sonde dans un cœur que d’accompagner un malade chronique dans la complexité de sa situation médico-psycho-sociale.
La plainte des médecins qui utilisent des plateaux techniques onéreux pose une vraie question. Mais il en va de même pour les médecins généralistes qui doivent, pour bien exercer, s’entourer de personnels d’accueil, de secrétaires. Il est légitime, pour tous, de demander à la puissance publique un forfait pour obtenir des conditions d’exercices plus favorables aux soins. Mais, de grâce, ne nous demandez pas de pleurer sur votre sort tant que certains d’entre vous gagnent deux fois plus que les médecins du secteur 1 et, pour certains, bien davantage.
Plus grave encore, depuis sa création, le secteur 2 empoisonne le système de soins ambulatoire et la médecine libérale. Une fois de plus, on présente la médecine libérale comme une médecine du fric et de la recherche obstinée du profit. Un Français sur quatre renonce à se soigner, faute de moyens financiers. N’est-ce pas le moment de sortir de sa « caste de nantis » pour relever le défi de l’accès aux soins pour tous ?
Utopie ? Peut être. Mais l’histoire a montré que, contre les privilèges, les peuples sont capables de grandes prouesses.