Comment ne pas s’émerveiller du talent de nos gouvernants ? Jamais en retard d’une idée, d’un jugement, d’une proposition et cela, quel que soit le domaine et surtout, sans jamais s’embarrasser de contradictions :
- Faut-il manger bouilli ou rôti ? demande Argan.
Et Diafoirus : « Bouilli ou rôti, c’est la même chose. »
- Et combien faut-il mettre de sel sur un oeuf ?
Diafoirus, jamais en peine : « Six, huit, dix, par les nombres pairs... »
Hier, le candidat Sarkozy affirmait, prônant le développement de subprimes à la française : « Je propose que ceux qui ont des rémunérations modestes puissent garantir leur emprunt par la valeur de leur logement. » Les banques devraient se focaliser « moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué ». [1]
Le même aujourd’hui : « Je ne crois pas à la survie d’un capitalisme déshumanisé où toute la propriété est diluée dans la Bourse, où l’actionnaire n’a plus aucun lien avec l’entreprise et avec ceux qui y travaillent, où l’entreprise n’est plus une communauté humaine ».
« Je suis convaincu qu’il faut rééquilibrer le capitalisme financier… » [2]
Puis, Gribouille venant relayer Diafoirus, commence par vider les caisses pour ensuite plonger la tête la première dans l’étang qu’il a lui-même asséché, feignant de s’étonner du bobo : la Sécu, quel trou, mon Dieu, promis, juré, en 2011 c’est comblé.… Mais qui donc a multiplié les exonérations au profit de ses copains patrons, la dernière en date portant sur les heures supplémentaires ?
Qu’à cela ne tienne, les coupables sont tout trouvés : les malades eux-mêmes. Pas de problème, on commence par les franchises [3] puis vient le tour de hôpital qu’on va subrepticement privatiser par le biais des Agences Régionales de Santé. Pas difficile de « bien gérer » en intéressant le personnel comme annoncé dans le projet de loi concocté par l’infirmière-major au service de Gribouille : on laisse la pub des labos rentrer discrètement dans les salles d’attente, on s’arrange pour décourager à l’aide de files d’attente ad hoc les C.MU. et autres assistés. Au besoin, on intéresse le personnel médical [4] par des normes, par exemple fonctions du temps de consultation, ou du statut de la personne soignée ou encore de la rentabilité de l’acte, et voilà !
Et comme tout cela sera insuffisant, on poursuit la politique de déremboursement, on laisse filer les dépassements d’honoraires à l’abri de "devis" préalables (heureusement qu’à l’énoncé de cette énormité on meurt difficilement de rire, sinon…), bref, on organise le transfert de la Sécu de l’Assurance Maladie Obligatoire aux Assurances Mutuelles Complémentaires, [5]avec au passage, naturellement, libéralisation donc augmentation des tarifs (Que la concurrence joue, disent nos Guignols).
On sait à présent ce qui s’ensuit de tout cela. L’enquête réalisée, par nos amis du SMG et dont nous publions les résultats dans nos colonnes, tombe à point nommé pour alimenter le débat. Son originalité réside dans le fait d’avoir été élaborée de « l’intérieur » des cabinets médicaux qui y ont participé et non par des enquêteurs extérieurs.
Cette étude ne donne pas dans le tragique. Son but n’est pas de traiter de la souffrance au travail (de cela, nous parlerons une prochaine fois) : simplement une modeste approche de la difficulté croissante d’accès aux soins des patients. On y apprend, par exemple, que pour un tiers des patients, le poids financier du reste à charge devient trop lourd, jumelé avec les dépassements d’honoraires et des Assurances complémentaires ou trop chères, ou de « mauvaise qualité ». On y apprend combien il est fréquent que des patients, cadres ou ouvriers, refusent des arrêts de travail alors que nos gouvernants ne nous parlent que d’abus.
A son échelle, cette enquête réalisée avec des moyens réduits, n’en produit pas moins des résultats frappants :
? Elle illustre clairement les méfaits causé aux patients par le transfert programmé de l’Assurance Maladie Obligatoire vers les Assurances Maladie Complémentaires : de ce point de vue, ses résultats recoupent aussi bien ceux des enquêtes représentatives menées par l’IRDES que le dernier sondage réalisé par l’IPSOS à la demande du Secours Populaire : avec 39 % de Français touchés, le renoncement aux soins frappe à vos portes, Mesdames et Messieurs les Ministres… et la colère aussi !
? Mais l’étude du SMG montre également que les médecins qui veulent s’en donner le mal ne sont pas complètement désarmés pour autant : c’est ainsi que l’on peut noter, même en zone défavorisée, que certains cabinets médicaux parviennent à mieux faciliter l’accès aux soins que des confrères pourtant géographiquement mieux placés, du fait de leur meilleure connaissance des circuits jointe, il faut le dire, à une disponibilité de tous les instants…
Nous vous laissons découvrir le reste, Monsieur le Président de tous les Français (« Ça ne peut plus durer les travailleurs pauvres qui se demandent quoi faire pour s’en sortir » ). [6] A propos, comme c’est curieux : voilà ce que l’on peut lire sous la plume de la Cour des Comptes, autre repaire de gauchistes, s’il en est, à propos du transfert du financement des dépenses de santé de l’Assurance Maladie Obligatoire (A.M.O.) vers les Assurances Maladie Complémentaires (A.M.C.) : « Le transfert de charge de l’A.M.O. vers les A.M.C. produit mécaniquement des effets anti-redistributifs. …[Il] se traduit par une perte des ressources publiques, par des coûts de gestion sans doute accrus, enfin par des inégalités de traitement ». Et la Cour, citant l’IRDES : « les primes versées aux assurances complémentaires par les ménages représentent 10 %du revenu des plus pauvres et moins de 3 % du revenu des plus riches, sachant que les premiers, pour un taux d’effort trois fois plus élevé bénéficient de contrats offrant des garanties inférieures à ceux des seconds ».
Fermez le ban.
« Écoutez ceci, peuple insensé, et qui n’a point de coeur ! Ils ont des yeux et ne voient point. Ils ont des oreilles et n’entendent point. »(Jer, 5/21).