C’est un livre qu’il faut lire d’une traite en se laissant emporter dans l’univers de Michela Marzano et qu’il faut ensuite relire page après page, un stylo à la main, en prenant des notes.
Je l’ai lu en pensant qu’il s’agissait d’un livre sur l’anorexie et d’ailleurs le titre italien est : Volevo essere una farfalla : come l’anoressia mi ha insegnato a vivere (Je voulais être un papillon : comment l’anorexie m’a appris à vivre).
C’est en partie vrai, il y a des développements très intéressants sur l’anorexie. Mais, c’est d’abord et surtout un livre sur l’amour, sur le désir, sur la vie.
S’il fallait résumer ce livre, on dirait que l’auteure est née dans telles et telles conditions, qu’elle a eu un père qui avait telles et telles particularités et que sa mère était comme ceci et comme cela… Et ce résumé serait sinon stérilisant, du moins très appauvrissant.
Le livre est, malgré ses 351 pages, bien trop court. Il est lui-même un résumé qui ne donne qu’un trop vague aperçu de la vie de l’auteure. On aimerait mieux la connaître, on aimerait qu’elle nous parle plus longuement de ses amours, d’Alessandro et Jacques, de son père de sa mère, de sa grand-mère, des Pouilles.
On aimerait aussi qu’elle nous parle plus longuement de la traduction, du passage d’une langue à une autre, de la différence entre le mot « confiance » en français et les mots « fiducia » et « affidabilità » en italien. Ou aussi de l’amour en français où on aime tout : on aime le chocolat, on aime son fils, on aime aussi sa femme avec le même mot, et l’italien où aimer le chocolat se dit : mi piace il cioccolato ; aimer son fils : voglio bene a moi figlio et je t’aime se dit : ti amo.
Michela Marzano a lu Kant, Nietzsche et bien d’autres, mais elle parle de façon simple pour dire des choses merveilleusement profondes et essentielles. Elle nous dit : « Pour vivre pleinement, il faudrait trouver le courage de traverser ses propres désirs ». Elle dit aussi : « Je crois que l’amour est l’acceptation de l’autre dans sa différence, la possibilité qu’on lui donne d’être libre de s’exprimer. D’être autre chose que ce que l’on attend de lui. » Elle réagit de façon lumineuse à la célèbre phrase de Lacan : « Aimer signifie donner quelque chose que l’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas. »
A un moment de sa vie, elle découvre qu’il y en a marre de remonter toujours le rocher en haut de la montagne et de le voir rouler vers la vallée. Elle renonce à être Sisyphe et elle accepte d’écouter la voix qui lui dit « que je pouvais rester assise dans la vallée, m’arrêter et ne rien faire ».
Une petite réserve tout de même : le titre italien Volevo essere una farfalla ne parle pas de légèreté. Et pourtant, il est juste de parler de légèreté. Ce livre est léger, léger comme l’intelligence, léger comme un sourire. J’aurais préféré « Léger comme un sourire ». C’est d’ailleurs sur un sourire qu’il se termine : « Jacques me dit toujours que je suis plus jolie quand je souris ».
Jean-Pierre Lellouche
Michela Marzano, Légère comme un papillon, Grasset, mai 2012
dimanche 13 avril 2014, par