Cet article est repris avec l’aimable autorisation de la revue AlterEGO, qui le publie dans son numéro 65 de Mars 2010.
Assumer souvent seules ou presque la charge des enfants, passer huit heures de plus que leur compagnon chaque semaine en moyenne à assumer les tâches ménagères, travailler pour un salaire inférieur en moyenne de 20%, faire encore à manger quand elles auraient envie de s’écrouler avec une BD, rester bien sages à leur place quand ces messieurs pérorent et brillent ? Drôle de traitement pour des gens en principe égaux. Et le problème est le même pour bien d’autres.
Voyez les consommateurs de drogues : des Martiens ? des sous-gens impossibles à comprendre ? Ce n’est pas parce qu’on consomme des produits qu’on n’a pas une famille, un travail, un cœur, une éthique, envie d’être heureux, d’avoir des choix et un futur. Ou les séropositifs. Des gens à part ? de peu de vie ? désignés par le destin ?
Ce n’est pas non plus parce qu’on a rencontré un jour le vih qu’on ne voudrait pas pouvoir grandir ou vieillir comme les autres, avoir des amours comme les autres, être considéré comme l’égal de ses collègues, s’octroyer le droit d’être pénible comme toute autre personne malade quand on est rongé par les effets indésirables des traitements, être juste comme tout le monde quoi.
Alors imaginez ce casse-tête : être à la fois femme et séropositive. Avec l’indifférence grandissante au sida et ce faux intérêt pour le droit des femmes qui font la marque de nos sociétés, il semble parfois que la tâche soit chaque jour un peu plus rude pour les femmes séropositives de faire comprendre qu’elles ont rien moins envie que d’être considérées comme entières, vivantes, responsables d’elles-mêmes et douées de coeur et d’esprit.
L’été dernier un groupe de femmes cinéastes s’est attelé à faire de cette tâche leur affaire. Sollicitées par Chaz Productions à l’occasion des 20 ans d’Act Up-Paris, dix d’entre elles ont réalisés dix petits films de trois minutes sur un sujet de leur choix dont le seul point commun était de parler de femmes qui vivent avec dans leur corps ce virus.
Chaque film est une petite épure ; la collection entière est d’une grande beauté, à la fois sobre et simple. De Mélody l’adolescente séropositive depuis la naissance, à Aimée, dont l’histoire est dite à la première personne par un homme, on rit, on pleure, on est touché au fond du fond de soi.
Mon coeur va à Christine, la footballeuse au sourire irradiant. Et à Catherine, amie bouleversante.
Les films sont sur le site d’Arte : http://www.arte.tv/fr/recherche/2956106.html