Qu’est-ce que l’autisme ?
Je pourrai en donner une réponse psychiatrique ; mais il paraît que c’est un handicap, et non une maladie. Alors allons voir dans un dictionnaire ordinaire, en l’occurrence le petit Robert (édition de 2006) : « (Autismus, du grec Autos : soi-même), psychiatrie : détachement de la réalité extérieure, la vie mentale du sujet étant occupée tout entière par son monde intérieur ; littérature : forte tendance à l’introversion et à l’égocentrisme ».
« Handicap neuro-développemental » ( [1]), « trouble du développement d’origine neurobiologique » ( [2]), ayant « sans doute une multiplicité de causes » ( [3]
), on ne sait pas bien ce que c’est. Ça ne se guérit pas, mais ça se soigne, par des méthodes éducatives.
Pour la Haute Autorité de Santé ( [4]
), « les définitions des troubles envahissants du développement (TED), dont fait partie l’autisme, ont beaucoup évolué ces 30 dernières années et diffèrent selon les classifications. Dans l’état des connaissances publié par la HAS en 2010, les TED sont définis comme un groupe hétérogène de troubles qui se caractérisent tous par des altérations qualitatives des interactions sociales réciproques et des modalités de communication et de langage, ainsi que par un répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif. » ... « Il y a des arguments en faveur de la multiplicité des facteurs étiologiques des TED avec une implication forte des facteurs génétiques dans leur genèse. » ... « Qu’il y ait ou non retard mental associé, il est recommandé de débuter, avant 4 ans et dans les 3 mois suivant le diagnostic, des interventions personnalisées, globales et coordonnées, fondées sur une approche éducative, comportementale et développementale ».
Considérés comme ça, on dirait bien qu’il s’agit d’une collection de « déficits » des apprentissages au sens large, dont on ignore l’origine, mais dont on suppose qu’elle a un rapport avec le système nerveux central.
À qui doivent s’adresser les parents pour les soins de leur enfant ? Pas au psychiatres, on l’a compris. Mais alors ? Au pédiatre, au neuro-pédiatre, ou au neurologue, sans doute. Qui orientera vers des établissements scolaires proposant une scolarité adaptée, et/ou des établissement spécialisés proposant des soins éducatifs, en ambulatoire, à temps partiel ou à temps complet, selon les cas.
Les diverses associations le précisent bien, ça ne concerne pas la psychiatrie. La HAS enfonce le clou :
« L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle. » (déclarées « non consensuelles » ; ironie : la psychanalyse suppose avant tout le consentement des parties), mais elle appelle les chercheurs à adopter pour critères d’évaluation de ces pratiques des « éléments essentiels pour l’amélioration de la participation de l’enfant/adolescent au sein de la société » : tout n’est pas perdu, mais ça doit rester pratique ;
« En l’absence de données relatives à son efficacité ou à sa sécurité, du fait des questions éthiques soulevées par cette pratique et de l’indécision des experts en raison d’une extrême divergence de leurs avis, il n’est pas possible de conclure à la pertinence d’éventuelles indications des enveloppements corporels humides (dits packing), même restreintes à un recours ultime et exceptionnel. », mais des recherches -qui supposent de rassembler une « cohorte » de cas cliniques- peuvent se poursuivre, on voit mal comment dans ce contexte de proscription.
Mais il y a tout de même quelques problèmes dans cet anathème.
D’abord, la psychanalyse n’a jamais été préconisée comme traitement de l’autisme, et à ma connaissance il n’y a pas de psychanalyste qui ait traité en analyse un autiste. Par contre, la psychanalyse s’intéresse à la vie psychique, qui procède du développement d’un certain nombre de dimensions de l’être -perceptions corporelles, affects, langage, pensée, représentations du monde, relations à l’autre et à l’environnement, ...- ainsi qu’à l’intégration de tous ces savoirs progressivement acquis au cours de l’éducation du petit d’homme. La psychanalyse devrait sans doute pouvoir contribuer à l’approche des troubles du développement, y compris du type de l’autisme.
Quant à l’éducation, il me semble qu’elle a toujours été prise en compte par les équipes de pédo-psychiatrie, qui travaillent de longue date avec des orthophonistes, psychomotriciens, éducateurs, et avec l’Éducation Nationale pour permettre aux enfants soignés en psychiatrie de bénéficier d’une scolarisation, en milieu scolaire normal quand c’est possible, en classe aménagée des écoles, ou en établissements sanitaires par des enseignants détachés. Bien entendu, ces possibilités sont tributaires des moyens existants, des politiques en place, et des hommes sur le terrain. Tout comme, sans doute, pour les méthodes éducatives préconisées par les orientations anglo-saxones, qui s’attachent à un homme neuronal, et semblent ignorer le psychisme, c’est à dire les affects et ses rapports avec la pensée.
La psychothérapie institutionnelle -qui est soeur jumelle de la pédagogie institutionnelle- porte son attention aux interactions entre le patient et son environnement -physique, familial, social, culturel-, s’intéresse aux diverses composantes de l’homme -son corps, ses affects, sa pensée, ses savoirs et ses embarras-, et vise à rechercher les conditions d’une meilleure intégration de tous ces éléments.
Enfin, le packing est une technique qui mets en jeu les rapports archaïques du corps avec son environnement, le premier rapport à l’autre, et s’attache à mettre en relation la souffrance archaïque de l’autiste avec les soignants par la seule interface possible dans ces crises hyperalgiques du monde interne, le corps.
Voilà en conclusion une illustration de ces objections, le témoignage d’une équipe d’un hôpital de jour, en cliquant sur le lien suivant : http://www.petitionpublique.fr/Peti...
Et les prises de position à ce sujet de l’Union Syndicale pour la Psychiatrie :
[1] « Handicap neuro-développemental qui affecte la façon dont une personne communique et interagit avec les autres, et plus globalement avec tout son environnement » pour la Fondation Autisme Agir et Vivre. Qui précise qu’« un consensus international toujours plus large attribue les causes de l’autisme à une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Il s’agit bien sûr d’un environnement de nature biologique. Les thèses présentant l’autisme comme un trouble affectif de la relation parent-enfant sont totalement rejetées par la communauté scientifique. Si elles ont encore cours dans certains services de pédopsychiatrie, c’est au mépris des recommandations et documents officiels. » Selon cette fondation, traitement est « de type éducatif. Ce terme doit s’entendre dans le sens d’apprentissage des compétences indispensables pour son développement futur, compétences qui ne sont pas apparues naturellement, ou ne se développeront pas sans accompagnement adapté, du fait du handicap : la communication prioritairement, mais aussi toute fonction déficitaire que les bilans auront mis en évidence. »
[2] Pour Vaincre l’Autisme, c’« est une maladie neurologique qui détruit la vie, affecte le fonctionnement du cerveau, le système immunitaire et biologique, altère les capacités de reconnaissance des expressions, des codes sociaux et affectifs, génère hypersensibilité émotionnelle et troubles du comportement. Selon la classification internationale des maladies de l’OMS (CIM 10), l’autisme est un trouble envahissant du développement qui affecte les fonctions cérébrales. Il n’est plus considéré comme une affection psychologique ni comme une maladie psychiatrique. » C’« est un trouble du développement d’origine neurobiologique dont le diagnostic se fait sur la base de caractéristiques du comportement et du développement. » Son traitement repose sur « une prise en charge globale qui aura pour objectif le développement de différents domaines d’acquisitions (compétences sociales, langage, communication non verbale, reconnaissance d’autrui, acquisition de l’autonomie) ». Trois méthodes éducatives sont préconisées :
« • T.E.A.C.C.H : Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped Children (Traitement et éducation des enfants autistes ou souffrant de handicaps de communication apparentés) : ce traitement permet de structurer et d’adapter l’environnement à la personne atteinte d’autisme, tant d’un point de vue physique que social. L’entourage doit s’adapter à l’enfant et à ses difficultés et s’appuyer sur les forces propres à l’enfant et à l’autisme (mémoire visuelle, capacités de fonctionnement dans les routines).
• ABA : Applied Behavior Analysis (Analyse Appliquée du Comportement), basé sur une démarche scientifique et utilise les principes de la recherche fondamentale. Celle-ci a mis en évidence que tout enfant apprend naturellement par les relations qu’il entretient avec son environnement physique et social. Les personnes ayant des troubles du développement et du comportement, notamment les enfants autistes présentent des difficultés d’apprentissage. Elles ont besoin d’aide pour développer les apprentissages de base. Leurs difficultés de communication, d’interaction, de socialisation leur confèrent des difficultés d’adaptation et d’intégration. L’existence de comportements perturbateurs vient gêner les relations avec leur environnement et empêcher l’indépendance, l’autonomie, la liberté d’action. Dès lors ce sont les comportements perturbateurs qui contrôlent la vie de l’enfant. L’objectif sera de l’aider à gérer ses comportements de façon suffisamment adaptée pour lui permettre de s’intégrer à la société.
• P.E.C.S : « Picture exchange communication system » (Système de communication par échange d’images). L’autisme est un trouble de communication et non pas un trouble du langage. Le PECS est un système de communication efficace pour n’importe quelle personne ayant des difficultés à s’exprimer oralement. Il peut être utilisé pour des enfants de n’importe quel âge. Il n’y a pas de capacité requise pour démarrer le système PECS. Le PECS n’est efficace que dans un contexte éducatif qui comporte toutes les stratégies associées à l’analyse du comportement appliqué. Il consiste en l’utilisation de pictogrammes, adaptés au niveau de compréhension du sujet et peut être utilisé par chaque individu, en tout lieu, à la maison, à l’école ou en société. Il est complémentaire aux approches TEACCH et ABA. »
[3] Pour Sésame Autisme, « la compréhension de l’origine ou de la nature de l’autisme est une démarche complexe car l’autisme présente une multiplicité de symptômes, de formes cliniques et sans doute de causes. »
[4] Haute Autorité de Santé
• Définition de l’autisme et des autres troubles envahissants du développement établie dans l’état des connaissances élaboré et publié par la HAS
Les définitions des troubles envahissants du développement (TED), dont fait partie l’autisme, ont beaucoup évolué ces 30 dernières années et diffèrent selon les classifications. Dans l’état des connaissances publié par la HAS en 2010, les TED sont définis comme un groupe hétérogène de troubles qui se caractérisent tous par des altérations qualitatives des interactions sociales réciproques et des modalités de communication et de langage, ainsi que par un répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif.
Ces anomalies qualitatives atteignent de manière envahissante la personne et son fonctionnement, et ce, en toutes situations. Les TED regroupent des tableaux cliniques divers, entraînant des situations de handicap hétérogènes. Cette diversité clinique peut être précisée sous forme de catégories (troubles envahissants du développement) ou sous forme dimensionnelle (troubles du spectre de l’autisme).
L’autisme infantile est une des catégories de TED. Il apparaît précocement dans l’enfance puis persiste à tous les âges de la vie. Il est caractérisé par un développement altéré manifeste avant l’âge de trois ans, avec une perturbation caractéristique du fonctionnement dans chacun des trois domaines suivants : interactions sociales réciproques, communication et comportement à caractère restreint, répétitif et stéréotypé (par exemple, l’enfant répète de manière immuable certains mouvements, certaines routines ou s’intéresse quasi exclusivement à certains objets, etc.).
• Données épidémiologiques des troubles envahissants du développement
En 2009, la prévalence estimée des TED était de 6 à 7 pour 1 000 personnes de moins de 20 ans, soit un enfant avec TED sur 150. Environ un tiers des enfants avec TED a un retard mental associé. Pour l’autisme infantile, la prévalence estimée est de 2 pour 1 000 personnes de moins de 20 ans. En utilisant les estimations de la population pour la France au 1er janvier 2010 (site Internet de l’INED), on peut estimer qu’entre 92 000 et 107 500 jeunes de moins de 20 ans sont atteints d’un TED en France, dont environ 30 000 ont un autisme infantile.
Les facteurs de risque connus sont :
le sexe : les TED sont quatre fois plus fréquents chez les garçons ;
les antécédents de TED dans la fratrie : le risque de développer un autisme pour un nouvel enfant
dans une fratrie où il existe déjà un enfant avec TED est de 4 % si l’enfant déjà atteint est un garçon et de 7 % si l’enfant déjà atteint est une fille.
Les pathologies et troubles associés aux TED sont :
les troubles du sommeil ;
- les troubles psychiatriques (principalement anxiété, dépression et déficit de l’attention-hyperactivité) ;
- l’épilepsie ;
- le retard mental.
Il y a des arguments en faveur de la multiplicité des facteurs étiologiques des TED avec une implication forte des facteurs génétiques dans leur genèse. En revanche, certaines hypothèses étiologiques n’ont pas été confirmées. Ainsi, les données actuelles confirment qu’il n’y a pas de lien entre autisme infantile et maladie cœliaque secondaire à une intolérance au gluten, ni entre TED et vaccination combinée rougeole-oreillons-rubéole.
Enfin, les caractéristiques psychologiques des parents ne sont pas un facteur de risque dans la survenue des TED.
• Interventions recommandées
Qu’il y ait ou non retard mental associé, il est recommandé de débuter, avant 4 ans et dans les 3 mois suivant le diagnostic, des interventions personnalisées, globales et coordonnées, fondées sur une approche éducative, comportementale et développementale et respectant des conditions de mise en œuvre ayant fait preuve de leur efficacité : utilisation d’un mode commun de communication et d’interactions avec l’enfant, équipes formées et supervisées, taux d’encadrement d’un adulte pour un enfant, rythme hebdomadaire d’au moins 20-25 heures par semaine.
Ces durées, qui respectent les rythmes physiologiques du sommeil en fonction de l’âge, comprennent les temps de scolarisation avec accompagnement individuel adapté et visent à faciliter l’accueil de l’enfant en crèche ou à l’école pour des durées progressivement croissantes en fonction de l’âge et de la capacité de l’enfant. L’adaptation et la structuration de l’environnement matériel aux particularités de l’enfant (espace, temps, environnement sonore, etc.) et l’intégration de stratégies pour prévenir ou réduire la fréquence ou les conséquences des comportements problèmes sont également recommandées.
Parmi les approches éducatives, comportementales et développementales, les interventions évaluées jusqu’en septembre 2011 concernent les interventions fondées sur l’analyse appliquée du comportement dites ABA (grade B), le programme développemental dit de Denver (grade B) ou le programme « traitement et éducation pour enfants avec autisme ou handicap de la communication » dit TEACCH (grade C). Par ailleurs, à l’issue du processus de consensus formalisé, les prises en charge intégratives de type thérapie d’échanges et de développement, en tant qu’interventions fondées sur une approche développementale, intégrant des principes neurophysiologiques et de rééducation, sont jugées appropriées (accord d’experts).
Au-delà de 4 ans, la mise en place ou la poursuite des interventions s’effectue selon des dispositifs différents en fonction du profil de développement de l’enfant/adolescent et de la sévérité des symptômes. Des interventions spécifiques focalisées sur un ou deux domaines particuliers peuvent être proposées, soit isolément si l’enfant/adolescent ne présente pas de retard mental associé, soit en complément des interventions globales proposées si l’enfant/adolescent présente un faible niveau de développement de la communication, des interactions sociales et du fonctionnement cognitif ou s’il présente une grande hétérogénéité des niveaux de compétences par domaine. Ces interventions globales comportent toutes une scolarisation de l’enfant, en privilégiant la scolarisation en milieu ordinaire avec un accompagnement éducatif et thérapeutique individuel à l’école et au domicile, notamment pour les enfants présentant un niveau de développement intellectuel moyen ou bon, des symptômes d’autisme d’intensité modérée et un langage fonctionnel.
Quel que soit l’âge de l’enfant/adolescent, l’intensité et le contenu des interventions doivent être fixés en fonction de considérations éthiques visant à limiter les risques de sous-stimulation ou au contraire de sur-stimulation de l’enfant/adolescent.
• Position de la HAS et de l’Anesm sur les interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle
L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle.
Ceci doit inciter les équipes des centres hospitaliers universitaires et des autres organismes ayant une mission de recherche (centres de ressources autisme, universités, laboratoires de recherche, centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées, etc.) à développer la recherche clinique. Les critères permettant de juger de l’efficacité de ces pratiques devraient correspondre à des éléments essentiels pour l’amélioration de la participation de l’enfant/adolescent au sein de la société, tant du point de vue des professionnels que des associations représentant les usagers et les familles.
• Position de la HAS et de l’ANESM sur le packing
En l’absence de données relatives à son efficacité ou à sa sécurité, du fait des questions éthiques soulevées par cette pratique et de l’indécision des experts en raison d’une extrême divergence de leurs avis, il n’est pas possible de conclure à la pertinence d’éventuelles indications des enveloppements corporels humides (dits packing), même restreintes à un recours ultime et exceptionnel. En dehors de protocoles de recherche autorisés respectant la totalité des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), la HAS et l’Anesm sont formellement opposées à l’utilisation de cette pratique.
• Place des traitements médicamenteux
Aucun traitement médicamenteux ne guérit l’autisme ou les TED. Toutefois, certains médicaments sont nécessaires au traitement de pathologies fréquemment associées aux TED comme par exemple l’épilepsie. D’autres peuvent avoir une place, non systématique et temporaire, dans la mise en œuvre de la stratégie d’interventions éducatives et thérapeutiques des enfants/adolescents avec TED. Ainsi, les psychotropes peuvent être considérés en seconde intention en cas de dépression, d’anxiété, de troubles du comportement. Ils doivent alors être prescrits de manière exceptionnelle et temporaire.
Les traitements médicamenteux, et de façon générale l’ensemble des traitements, examens et investigations médicales susceptibles d’être prescrits aux enfants et adolescents avec autisme ou autre TED, doivent respecter les principes de recueil et de respect du consentement du patient prescrits par le code de la santé publique.