Comme nos confrères l’énoncent dans leur Lettre d’appel, nous faisons le constat au quotidien que : « …tous les établissements psychiatriques se trouvent confrontés à une dégradation des conditions de prise en charge des patients… Nous exprimons notre très grande inquiétude sur l’avenir des missions de la Psychiatrie Publique et nos craintes à pouvoir maintenir des soins de qualité et de proximité dans les dispositifs de secteur et à prendre en charge les populations les plus démunies… ».
La pression incessante des économies comptables continue son travail de réduction de l’offre de soins, en opposition à l’accroissement de la demande et aux besoins de la population. Nous assistons de plus en plus à l’appauvrissement global de l’offre de soins parallèlement à la dégradation des conditions d’hospitalisation sous contrainte et des conditions de travail des soignants (avec un accroissement de la souffrance au travail).
Les établissements psychiatriques, refusent la contrainte de choix impossibles, alors même que la demande d’aide et de soins est en croissance constante, que les protocoles et les réglementations juridiques surajoutés augmentent lourdement la charge des professionnels sans compensation de moyens. Il ne nous est plus possible éthiquement d’accepter et d’accompagner ces mesures de restrictions. Le temps est venu de témoigner le plus activement de ce processus de dégradation et d’affirmer le désaveu des choix budgétaires et politiques qui se situent totalement à l’encontre de notre engagement médical auprès des patients.
Cette situation de dégradation des conditions de travail oblige à faire le constat que la Psychiatrie Publique n’est plus en mesure de répondre, faute de places disponibles suite aux fermetures contraintes de structures d’hospitalisation ou ambulatoires, d’une part aux demandes d’hospitalisation des usagers, d’autre part à la demande exponentielle de suivi sur les CMP. La pénurie concerne également les prises en charge spécifiques en géronto-psychiatrie, en psychiatrie carcérale, etc. Ces mesures budgétaires, drastiques et aveugles, font dériver progressivement et dangereusement les pratiques de soins vers un pseudo-contrôle des troubles psychiques, se limitant à la prescription médicamenteuse et à la contrainte, voire à la contention. Elles obligent à des choix anti-thérapeutiques, mettant même en question la sécurité tant des patients que des professionnels. La psychiatrie infanto-juvénile est également affectée : trois CMP ont été fermés dans des territoires déjà peu couverts sur le plan sanitaire ; le décalage s’accroît entre les besoins de la population et les moyens du secteur pour y répondre et une tension grandit autour de situations urgentes et/ou complexes, en particulier concernant les adolescents ; tous ces éléments contribuant à fragiliser ou mettre en péril le précieux réseau tissé au fil des ans avec nos partenaires.
Au CHS de la Savoie, 36 postes ont été supprimés depuis 2015 et une unité d’hospitalisation de 25 lits fermée. La Communauté Médicale du CHS de la Savoie demande instamment que les conséquences sociétales, à court et moyen terme, de ces choix budgétaires répétés, soient évaluées dans leurs conséquences sur la santé publique ; elle exige que la population soit clairement informée quant aux inquiétudes grandissantes des acteurs du soin et aux responsabilités de cette pénurie provoquée par cette politique de dégradation et de paupérisation.
L’hôpital ne peut et ne doit pas être considéré comme une entreprise ; il n’en a ni les enjeux, ni les principes éthiques, ni le fonctionnement et il n’a pas vocation à être rentable.
Une médecine publique de qualité est un choix de société, un investissement pour lequel une société se doit d’engager les moyens nécessaires. Il est urgent d’affirmer et de défendre notre position clinique, citoyenne et politique, qui est celle de la défense du Service Public en psychiatrie et du refus de son démantèlement.
Sont déjà signataires de cet appel Mmes et MM. les Docteurs et Internes (15 avril 2017) :
Colette ASSOULY – Silvere BIAVAT – Claudine BIERRY – Carole BOEUVE – Florence BOHNKE – Stefano BONOMO – Herve BOUTONNET – Joel BURGONSE Stéphane CABROL – Gentiane CAMBIER – Alain CHABERT – Servanne CHENU-CHIROSSEL – Maryse CHOPPARD-LALLIER – Anne COUTELOU Sabine CURELLI – Jeanne DROUOT – Fabien DROUX – Elisabeth DURIF – Solenne FAYARD – Emmanuel FONTAINE – Alain GARNIER – Claire GEKIERE – Philippe GILLE – Marie-Pierre GHIPPONI – Marine GOUBIER – Laurence GOURDON Valérie HALIM – Jean-Marc JULEROT – Laurent LABRUNE – Frédérique LEGRAND Cristina MALITA – Anastasia MANTEL – Aurélie MELLIER – MILANESIO Barbara Catherine MOLINA – Nathalie NORGET – Souaad BOUDJADAR – Emmanuelle PAGES Patrick PERRIN – Céline PUGET – Barbara RICHARD – Philippe SECHIER – Martine TOURTE – Catherine SCHEER – Catherine MOLINA – Patrick LECARDINAL Emmanuelle PAGES – Christian REY – Hélène RIGAUD – Franco ROSSI – Benoit RUMBACH – Sabine SCHIEX – Serge SOUDAN – Anne ZELLNER.
• Voir aussi l’article du numéro 75 de Pratiques : Violences de la psychiatrie