Colombes, le 22 mars 2010
à Mr DUSART, directeur de l’hôpital Louis-Mourier, Colombes (92)
Monsieur le Directeur,
Il nous a été notifié il y a 15 jours de cela le refus de la direction de l’hôpital de remplacer le départ d’un praticien contractuel du CIVG (contrat à hauteur de 20%).
Cette décision a été prise sans consultation ni même information du chef de pôle et chef de service le Pr Laurent Mandelbrot, et en dépit de la situation préoccupante de l’accès aux IVG et à la contraception pour les femmes de notre région.
Les difficultés des centres IVG sont au centre de l’actualité, les restrictions budgétaires des hôpitaux publics liés à la loi HSPT menacent les moyens attribués à tous les services hospitaliers mais se font d’autant plus sentir sur les secteurs d’activité habituellement négligés par les instances et dont les moyens sont déjà faibles.
Afin de pérenniser les moyens des centres IVG, des moyens fléchés avaient été attribués aux CIVG notamment par le biais des contrats des médecins y travaillant (PH contractuels) dès 1993. A ce jour pour des raisons de restrictions budgétaires à l’AP-HP, l’administration décide de supprimer 20% d’un poste de praticien contractuel normalement « fléché » et « dédié » aux IVG, où est l’économie pour l’hôpital Louis Mourier à l’heure ou le gouvernement annonce une revalorisation du forfait IVG ?
Le récent rapport de l’IGAS sur l’accès à la contraception et l’IVG insiste sur l’importance des ces moyens dédiés et sur la nécessité impérative de continuer à s’investir dans le secteur : l’IVG est une question de santé publique et l’assistance publique ne répond pas à la demande. Tous les ans des femmes ayant fait leur demande dans les délais ne trouvent pas de place en France et sont adressées à l’étranger par le MFPF. Les femmes en grande difficulté et elles sont de plus en plus nombreuses dans notre région (bénéficiaires de l’AME, de la CMU, patientes sans mutuelle ou même sans couverture sociale, mineures), ne peuvent réaliser leur IVG dans les établissements privés ou en ville par IVG médicamenteuse du fait de l’avance de frais exigée ou des dépassements d’honoraires. Seul l’hôpital public est à même d’accueillir ces femmes dans de bonnes conditions et il ne s’en ait jamais donner les moyens.
L’accès à l’IVG et à la contraception est un droit, la loi doit être appliquée, pour qu’elle le soit l’hôpital public ne doit pas se désinvestir de ses missions.
Le CIVG de l’hôpital Louis Mourier a des atouts indiscutables :
- un des centres de l’AP-HP réalisant les plus d’IVG (1200/an pour 11900 sur les 17 centres de l’AP-HP en 2009)
- pratique des IVG sous anesthésie locale, méthode peu pratiquée, moins onéreuse et moins risquée que l’AG
- activité en constante hausse contrairement à la tendance globale de l’AP-HP
- prise en charge des IVG jusqu’à 14 SA
- un des seuls centres en Ile de France à ne pas fermer pendant la période estivale
- un investissement de l’équipe du CIVG dans la formation des médecins à l’IVG (les praticiens réalisant les IVG vieillissent et la grande majorité d’entre eux partira à la retraite sous peu), en particulier à l’AL par des stagiaires SASPAS (recommandation n°18 du rapport de l’IGAS : promouvoir l’IVG sous AL et la formation des soignants à cette technique)
- un respect des délais de prise en charge préconisé par l’HAS
- une structure de proximité qui reste à taille humaine, comme le préconisent les professionnels (ANCIC, IGAS) permettant une prise en charge de qualité
- des professionnels impliqués et volontaires
- l’intégration de jeunes médecins dans l’équipe permettant le renouvellement des praticiens
La diminution du temps médical dédié aux IVG entraînerait :
- une diminution du nombre d’IVG réalisées
- un allongement des délais de rendez-vous
- une difficulté à maintenir l’activité en période de congés en particulier l’été
- moins de temps à consacrer à la formation des jeunes médecins
Cette décision nous semble incompréhensible au regard des conclusions du rapport de l’IGAS et des annonces récentes du ministre de la santé.
Par ailleurs nous sommes inquiets sur de nombreux dysfonctionnements qui s’aggravent avec les exigences de rentabilité des instances administratives :
- le droit à l’anonymat, pour les mineures en particulier, mis à mal par la facturation systématique des actes
- la prise en charge du forfait ou de la part mutuelle par l’AME complémentaire spécifique à l’IVG pour les femmes sans couverture sociale ou ne pouvant pas régler les 30% restant, de plus en plus souvent refusée. L’augmentation annoncée du forfait va accentuer de façon dramatique la difficulté pour les femmes en grande précarité. Le passage du forfait IVG à la nomenclature demandé par l’IGAS et les professionnels permettrait la prise en charge à 100% de cet acte comme tous les actes opératoires et donc un accès égal pour toutes les femmes.
- la diminution du nombre de structures pratiquant des IVG voulue par l’AP-HP entraîne indiscutablement une menace sur le droit des femmes à l’avortement
Recevez, Monsieur le Directeur, nos salutations respectueuses et déterminées.
L’équipe du centre de contraception et d’IVG, Dr Dominique BOUBILLEY, médecin responsable
Copies : Pr Laurent Mandelbrot, Pr Claude Lejeune, membres du CCM, Directeur AP-HP, organisations de défense des IVG ( ANCIC, MFPF, CADAC …), organisations syndicales, médias